Le VIH, un "ami" fidèle !

Publié par Miraine le 16.05.2013
6 768 lectures

Tout a commencé en septembre 1997 ; j'avais 20 ans lorsque ma tante, Marie Sixte, m'envoya chez l'une de ses amies médecins spécialisée en gynécologie pour une consultation de routine où celle-ci trouva que j'avais un début d’apparition de condylomes autour de mon sexe. Inquiète, elle demanda à ma tante de me faire passer un test de dépistage du VIH. Chose que ma tante ne fit pas parce qu’elle pensait voir en moi le comportement de fille sérieuse que j'affichais… Ma tante ignorait que depuis la mort de mon père, les moyens ne permettaient plus à ma pauvre maman de supporter la scolarisation de trois enfants. Alors il a fallu faire un choix et privilégier mes cadets et j’ai donc commencé à vendre mes "charmes" pour subvenir à mes besoins et aider ma mère. Ceci pour expliquer que j'ai eu à mener une vie de désordre sexuel que ma tante ignorait. Deux mois après la consultation chez le gynéco, ce fut l’apparition d’un zona : une autre infection opportuniste liée au VIH. Dans la recherche d'une prescription pour le traitement de ce zona, ma tante appelle cette même amie gynéco pour lui demander conseil ou mieux une prescription par téléphone, c'est alors que, d’après ce qu’on m’a rapporté, celle-ci lui aurait répondu : "Pourquoi ne l'as tu pas envoyée faire un test de dépistage comme je te l’avais conseillé parce que tout montre qu'elle a eu un passé flou ?"

Comme j’avais peur que ma tante me demande les résultats du test si elle me donnait de l'argent pour le faire, j’ai, de mon côté, décidé de me faire passer pour une donneuse de sang bénévole à l'hôpital Laquintinie de Douala… car donner un peu de son sang est égal à un bilan de sanguin gratuit. Une semaine plus tard, je me rends à la banque de sang voir la responsable pour le retrait de mes résultats sanguins. Celle-ci me dit qu'elle a oublié de faire l'examen de TPHA et du VDRL [dépistages de la syphilis] d'où la nécessité d'une nouvelle prise de sang. Une semaine plus tard, je retourne à la banque du sang, elle me présente un résultat positif pour le VIH… sans toutefois me préparer à la nouvelle. Elle m’a dit : "Ma fille, tu as détruit ta vie parce que le traitement est très coûteux, il n'existe presque pas ici, chez nous. Je te le dis par expérience car mon beau frère est porteur de ce virus et son traitement vient de l'Europe. Je te conseille de rentrer à la maison, de manger équilibré et d’attendre..." Après l’avoir écoutée, je ne pensais pas vivre plus de six mois. J’ai pris de longues minutes pour réfléchir à la manière d'affronter ma nouvelle vie sans pour autant oublier que plusieurs questions se bousculaient dans ma tête. Des questions auxquelles je ne trouvais pas de réponses : comment annoncer la nouvelle à ma mère ? Pouvait-elle supporter de savoir que sa fille n'avait plus que quelques jours à vivre ? Ne trouvant pas de réponses, je décide de détruire les résultats de ce bilan sanguin, et de dire ensuite à ma tante Marie Sixte que le test du VIH est négatif. Moi qui croyais qu'il était possible pour une femme de réussir sans avoir des diplômes, je réalise à partir de cet instant que seules les études pourront me tirer d'affaire parce qu’étant instruite, je pourrais travailler, trouver un emploi qui me permettra de supporter la charge de mes médicaments et des analyses de sang et prouver aux autres que l'on peut être utile à la société tout en étant porteur du virus du VIH. C'est ainsi que j’ai demandé à ma tante de payer mes études malgré de nombreuses années passées à la maison ; chose qu'elle fit avec joie car elle était sage femme de formation et avait pour époux un directeur de banque. En Novembre 1997, elle m'inscrit  en classe de troisième dans un établissement de Douala ; en août 2003, j’ai décroché un baccalauréat option comptabilité qui a valu mon admission à l’université de Douala en faculté de sciences économiques et de gestion appliquée. Deux ans plus tard, je ressors avec en mains, un diplôme d'études universitaires professionnelles (DEUP) qui est l'équivalent du BTS ; diplôme qui m'a valu un contrat à durée déterminée à la direction générale des Brasseries du Cameroun en qualité d'assistante comptable. En 2006, je crée une association des personnes vivant avec le VIH dénommée Création positive d'où son affiliation au Réseau camerounais des personnes vivant avec le VIH au Cameroun et qui m'a valu de rencontrer le ministre de la Santé en 2008 pour discuter des difficultés que nous avions à l'époque. En 2011, précisément le 2 juin, je donne naissance à un fils appelé Christ Leroi qui est séronégatif.

Bien que je sois sous traitement depuis août 2004, je vis avec ce virus depuis l'annonce de mon statut en 1997, depuis 16 ans, alors comment ne pas l’appeler mon "ami fidèle". Tout ce que je suis aujourd'hui, je le lui dois entièrement car il a stimulé en moi cette hargne de réussir. 36 ans,  Je suis séropositive et fière de l'être.

Commentaires

Portrait de bambou

Ta force de caractère est vraiment admirable et quel courage ! merci pour la clareté de ton récit je suis vraiment admirative car je connaît l'Afrique et son rapport au v.i.h, tu as vraiment beaucoup de mérite Miraine.

 

Bien à toi !

 

Portrait de kbess12

j'apprécie beaucoup votre courage et votre sens original de rendre le témoignage.

prends soin de toi et châpeau

Portrait de basique

je tombe par hasard sur ce témoignage... et je ne peux que dire bravo, devant autant l'intelligence que le courage qu'il à fallu pour dans le silence faire face à la présence du virus et dans le même temps penser que le meilleur moyen de s'en sortir passait par l'instruction.

 

Portrait de JIPETTE

tu es une grande dame

Portrait de Tincky

Tu fais partie des Grandes Dames à la Vaillance & la Force inestimables... immense sourire

Conserve cette Hargne de Survie et continue d'être Toi !!! Tu es un Si Bel Exemple de Vie !!! intense sourire

Et merci pour ton doux et fort Témoignage "d'extraits de Chemin de Vie"...  Sourire Reconnaissant

Tu nous démontres avec talent qu'il est possible de changer "un handicap" en "atout" et d'avoir "une belle Vie" bien "remplie"!!! Sourire Ravi

***Tincky***

Portrait de Did94

Merci Miraine,

Je suis 1 " usagé " du V.I.H, 19 ans au " Compteur" cette Année, et d' avoir lu ton Temoignage, Miraine, je me reconnais: cette Force de lutter, de s' en sortir, et surtout de VIVRE!

C'est la preuve, pour les récents (es) contaminés (ees) que l' on peut continuer à notre vie, malgre ce Virus, et qu'il ne faut pas baisser les Bras!!!

Et les Jeunes Seronautes, Nous sommes à Votre écoute, alors n' hésitez pas à Nous contacter.

Bises à Miraine, et vous tous et toutes.

Didier.

 

Portrait de Fleurdelys

Émouvant témoignage!!!bravo pour ton courage!

Je suis en admiration et comme on dit chez nous tu es une vraie guerrière !!!

Belle leçons de vie pour les nouveauxcontaminés !!!

Tu as été plus forte que le VIH ,tu es un exemple et je penserai à toi lorsque j'aurai besoin d'un remontant :)

Gros bisous

Prend soin de toi(je suis sûre que tu le fais très bien!!!:)

Portrait de IMIM

A moi aussi il a surement sauvée la vie !!!

 

A son annonce en 1987, j'étais une toxicomane (depuis 78/79) arrivée presque à la fin de son parcours. On ne vit pas lontemps dans ce milieu...

Je cherchais la mort depuis des années. Je jouais avec elle, je la défiais.

Bien des cures de désintox n'avaient servi à rien. (dont une chez leibowich, petit rappel à 1 autre sujet)

 

Et comme par esprit de contradiction (je n'ai jamais réussi à faire de psychothérapie), 1an après cette annonce du SIDA (on ne disait pas autrement), j'arrête la drogue définitivement (jusqu'à ce jour), je retravaille, je trouve un appart. (dans lequel je suis toujours) et je commence seulement a vivre...

 

Je l'ai longtemps considéré comme "mon meilleur ami".

 

Il m'arrivait souvent de lui parler. De lui demander de rester" sage et tranquille". Et tant qu'il s'est bien "comporté", nous étions" bon potes" tout les 2.

 

Ca a duré 26ans.

 

Aujourd'hui, il semble vouloir prendre le dessus.

Depuis que j'ai vraiment mal dans mon corps, je ne lui parle + que pour l'insulter et lui répéter qu'il ne gagnera pas, que je serais la plus fortes malgré ces attaques.

 

Et comme 1 ami ou 1 amour qui m'aurait trahi,

JE LE HAI.

 

@Miraine,

 

Tu es une femme très courageuse. Je souhaite que tu réussisses dans tout tes projets. 

 En Afrique, beaucoup reste à faire.

 Notamment, pour la distribution des traitements, qui semble souvent interrompues.

(1 amie internaute à beaucoup de mal à se les procurer régulièrement).

 

Bonne chance. Bye

 

 

 

Portrait de panarie

ça c'est du témoignage. si j'avais eu un comme celui ci  qui va booster la vie de beaucoup de séropos; je crois que ma vie aurait pris une autre tournure il y a plus de 10 ans. car le VIH m'a volé mes rêves.