"Partager pour vaincre", mon journal (3/4)

Publié par Jonathan Quard le 05.04.2012
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Militant à AIDES, Jonathan a assisté pour la première fois à une conférence internationale sur le VIH : l’AFRAVIH 2012 à Genève. A cette occasion, il a tenu un journal des moments forts de cette conférence.

Un seul mouchoir dans ma poche
Après toute cette occupation de cerveau… Le soir, nous avions rendez-vous au Groupe sida Genève pour assister à la projection d’un film documentaire sur les débuts de l’épidémie à San Francisco : "We Were Here" ("Nous étions là"). Wahoo… Franchement, ça a été un des moments les plus marquants de mon aventure genevoise ! Ce film retrace la vie de rêve qu’était San Francisco pour un gay à la fin des années 70 jusqu’au début des années 80… Avant que les premiers cas de sida n’arrivent et fassent une véritable hécatombe… Des jeunes gens en pleine forme qui tombaient comme des mouches du jour au lendemain… Les récits des survivants de cette époque m’ont beaucoup touché. Et quel grand drame pour moi de constater que je n’avais qu’un seul mouchoir dans ma poche… Etant né en 1989, j’imagine bien à quel point cela a dû être traumatisant, mais ce film nous refait vivre tout cela avec beaucoup d’émotion, pour ma part en tous cas. Je n’ai pas pu contenir mes larmes durant plus de la moitié du film (un peu comme pour "Bobby seul contre tous" ("Prayers for Bobby"). Et je prends vraiment conscience de la chance que j’ai de vivre cette épidémie dans les années 2000 où le traitement est super efficace pour une très grande majorité des gens… Je n’aurais pas supporté de voir mourir des gens de qui j’ai été amoureux, mon meilleur ami, beaucoup de personnes à AIDES que j’aime énormément, ainsi que d’autres amis plus ou moins proche de moi sur Grenoble…
Par ailleurs, l’infirmière qui témoignait dans ce film me faisait beaucoup penser physiquement et mentalement à une ancienne collègue du CAARUD sur Grenoble, Cathy pour ne pas la citer, que j’aime beaucoup, et qui était bien investie auprès des gays à cette époque. Ce film ne m’a pas seulement touché par son côté dramatique, mais aussi beaucoup par la mobilisation qui s’est créée, un magnifique élan de solidarité, d’amour certainement, entre gays, avec les lesbiennes, les femmes, ainsi que leurs proches, pour prendre soin les uns des autres et se battre pour vivre, et pour avoir accès à l’information et à des droits. Bref… je vous conseille vivement de le voir si vous en avez la possibilité. Ça donne encore plus envie de se mobiliser et de continuer dans la lignée des premiers militants ! La relève est prête ! "We Were Here… We’re Still Here… We’ll be Here Until the End !"

Des menaces qui pèsent sur la lutte contre le sida
Troisième jour. Tout le monde se retrouve dans la salle de conférence principale dès 8h30 du matin pour débuter la journée par une plénière, avec notamment le président de AIDES, Bruno Spire, qui intervient sur le thème "Prévention, réduction des risques et microbicides". Plusieurs études sont présentées, comme l’essai UC781 avec des microbicides rectaux, un gel au ténofovir rectal serait peut-être bientôt en vue… Pour la Prep (traitement pré exposition), c’est l’essai Iprex qui a montré une efficacité globale de 44% de réduction des risques. Cependant le problème avec cet essai est l’observance à la prise de Truvada, car pour les personnes de l’essai ayant pris leur comprimé plus de 90% du temps ont une protection qui monte à 73%, et ça monte à 92% pour ceux qui ont eu la meilleure observance. Il est compliqué de prendre un traitement en continu si on n’en a pas forcément la motivation, comme lors d’un longue période sans sexe, et que les mecs doivent prendre Truvada en Prep en continu, ou des femmes prenant leur pilule contraceptive sur la durée. C’est en ce point que l’essai Ipergay sera différent car la Prep sera sur demande, avant et après des rapports sexuels. L’essai Partner’s PrEP, dont les résultats définitifs sortiront pour la conférence de Washington (en juillet prochain), a inclus 4 758 couples séro-différents, où le partenaire séronégatif prenait une Prep, la réduction du risque a été autour des 70%. Ce meilleur résultat par rapport à Iprex est expliqué notamment car le fait d’être en couple séro-différent qui serait une motivation aidant à la bonne observance. La plénière se termine par une intervention d’Eric Fleutelot, directeur adjoint international de Sidaction, sur "Financements : la bombe à retardement !" Il alerte encore une fois sur la nécessité d’investir massivement dans la prévention et la recherche sur le VIH/sida. Les financements ont chuté entre 2009 et 2010, et les dirigeants prétextant la crise nous assènent la même sérénade comme quoi les riches sont pauvres eux-aussi. En 2010, il y avait 15 milliards alors qu’on estime à 27 milliards le besoin pour avoir un réel impact sur la courbe de l’épidémie, dont 7 milliards sur les traitements antirétroviraux. En 2013, les nouvelles ne sont pas très bonnes, on estime une perte de 12% des financements. Les accords d’Abuja sont rappelés, et il termine son intervention en parlant des menaces qui pèsent sur la lutte contre le sida, notamment avec le procès de Novartis contre l’Inde, les accords de libre-échange, ACTA, etc.

Sida : la propriété intellectuelle tue !

Justement, après cette intervention, avec les membres de Coalition PLUS et d’autres qui ont rejoint notre cause, quelque 250 personnes en tout, partent pour une marche silencieuse en direction du siège de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, dont le siège se trouve pas très loin du centre de congrès où se déroule la Conférence AfraVIH. "NOVARTIS PAS TOUCHE A MES GENERIQUES" , "SIDA : LA PROPRIETE INTELLECTUELLE TUE", "COPY = RIGHT" , "GENERIQUES = VIE", "MONOPOLES = MORT", étaient quelques uns des slogans que nous portions à bout de bras ! La manifestation avait pour but de visualiser notre combat contre le lobby pharmaceutique qui essaye d’empêcher les producteurs de médicaments génériques, l’Inde notamment, en copiant leurs médicaments qui ne sont plus sous brevets, afin que l’on puisse avoir accès à des médicaments à bas prix et de bonne qualité ! L’accord ACTA lui fait l’amalgame entre les génériques et la contrefaçon, ce qui permettrait de saisir des cargaisons de médicaments qui transiteraient par les pays l’ayant signé. J’aurais aimé que ce soit plus mouvementé, avec des slogans criés comme on fait dans des manifs en France… mais bon, on était en Suisse, et traverser la route en dehors des passages piétons était déjà mal vu ! Au bout de 45 minutes on était déjà de retour dans nos conférences.

Un préservatif en intestin d’agneau
Du coup, j’étais un peu en retard pour "Les traitements ARV en prévention". Une étude montre que malgré une charge virale plasmatique (dans le sang) indétectable, de l’ADN viral serait présent dans le sperme de 5 à 30% des hommes. Le professeur Bernard Hirschel tient à préciser que ceci serait certainement du fait de la présence de résidus d’ADN pro-viral, mais qui ne serait pas contaminant. Pendant la pause, j’assiste à une présentation de "Condomize" ! Une initiative de l’ONUSIDA pour la promotion du préservatif sous toutes ses formes. Leur stand est plutôt joli et attire l’œil, avec des capotes de toutes les couleurs, de toutes les textures, et des gels lubrifiants à tous les goûts ! Je découvre même, avec un plaisir très relatif, un préservatif en intestin d’agneau… La texture et l’odeur sont assez spéciales, cependant on nous précise que ce n’a un but que contraceptif et n’a donc pas vocation à protéger du VIH et des autres IST. Il y a une présentation aussi du Fémidon ! C’est l’occasion de se souvenir qu’il faut frotter le paquet pour répartir le lubrifiant de manière homogène ! Il faut aussi regarder la génération du Fémidon, si c’est du FC, FC1 ou FC2, car la dernière version n’est pas en polyuréthane mais en nitrile, et donc pas aussi résistante que la première version. Pour eux, le Fémidon n’est adapté qu’au vagin, et ne doit en aucun cas s’utiliser pour la pénétration anale.

Lire les épisodes 1, 2 et 4.