Ces deux jours passés ici vont me permettre de franchir le pas

Publié par Yvon le 28.06.2013
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59 ans, séropositif, homosexuel… Expert de la vie avec le VIH, Yvon l’est assurément depuis qu’il a appris sa séropositivité en 1983. Lors de la conférence de consensus sur le vieillissement, organisée par Aides en avril 2013, il a participé à l’atelier Sexualité. Il explique ce choix.

"Qu’as-tu appris…" "Rien !", lâche-t-il. Pas le temps d’achever la question sur l’apport des experts à l’atelier sexualité… que la réponse tombe déjà, abrupte. Il est comme çà… Yvon. Direct, un poil impatient, énergique. Reste que si on demande une seconde fois… la spontanéité laisse la place à la réflexion. "Je les ai trouvés très conciliants, dit-il, parlant des deux médecins présents dans l’atelier. En accord avec nous… Je n’ai pas senti le poids de leur savoir scientifique. Je les ai sentis en empathie avec ce que nous portions comme demandes… sans doute parce que ce sont des médecins qui sont engagés depuis très longtemps".

Des quatre thèmes d’atelier, c’est donc celui de la sexualité qu’Yvon a retenu. Pourquoi ? "Je l’ai choisi parce que cela fait quinze ans que je n’ai pas de sexualité et j’en ai besoin. J’ai surtout besoin de tendresse et de câlins, plus que de l’acte sexuel lui-même. Et peut-être que ces deux jours passés ici vont me permettre de franchir le pas".

Dans son atelier, Yvon a constaté que trois personnes avaient eu un parcours relativement proche du sien. "Elles ont les mêmes besoins que moi ; elles en ont marre de ne pas avoir de sexualité. Je ne sais pas si j’ai trouvé la solution, mais je suis en pleine réflexion. Peut-être vais-je changer mon fusil d’épaule ? Peut-être vais-je être plus avenant, plus réceptif aux choses et aux gens ? Je ne sais pas quoi dire d’autre", explique-t-il. Il reconnaît que choisir ce thème lui a fait du bien. "Les quatre ateliers se recoupaient finalement. J’ai choisi la sexualité parce que j’en ai besoin, parce que j’ai besoin que l’on s’occupe de moi, besoin d’une épaule… Généralement, je suis quelqu’un de battant, quelqu’un de fort, mais on a tous nos faiblesses", concède-t-il.

Yvon a longtemps fréquenté AIDES, avant de s’engager et de militer C’est la première fois qu’il participe à une conférence de consensus. "C’est assez intéressant. Cela fait dix ans que je suis militant à AIDES. C’est la première fois, de mon point de vue, que véritablement on peut parler de séropositivité et de sexualité et c’est un événement pour moi. J’ai le sentiment qu’iI y a dix ans, on évitait de dire qu’on était séropositif à AIDES et je trouvais cela dommage." On n’en saura pas plus sur qui se cache derrière ce "on". A l’évidence, Yvon ne s’y place pas. "Moi, je suis dans la disance". "La République du Centre" lui a d’ailleurs consacré un long article le 17 avril, la veille de la conférence, un beau portrait qui salue le "séropositif engagé" qu’il est.

A 59 ans, Yvon ne pensait pas vieillir. "Au tout début, il y a trente ans, on m’avait donné une espérance de vie de huit jours. Et puis, au fur et à mesure du temps, il y a eu un an, puis deux ans, puis trois… Je suis confronté au vieillissement et je ne m’y attendais pas, je ne devais plus être là. C’est donc nouveau pour moi. Mais je ne me sens pas vieillir, j’ai toujours 20 ans dans ma tête. C’est vrai que la maladie m’a frappé physiquement, mais mon esprit est toujours jeune et je ne me sens pas vieillir".

De son parcours, Yvon ne lâche que quelques bribes. Le sida fait partie de sa vie et il n’en a pas honte. Il a reçu une éducation rigoureuse et ses parents ne lui ont pas donné d’éducation sexuelle. Sa sexualité, il l’a apprise sur le tas. Il préfère plutôt parler de bien-être sexuel que de sexualité. "A Orléans, j’ai un médecin à l’écoute avec lequel on peut parler de sexualité… Mais moi je n’en parle pas pour le moment. Mais je sens que cela va changer après ces deux journées. Je pense qu’à ma prochaine consultation avec lui on va parler de sexualité..." ou plutôt de bien-être sexuel.

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie.