Afrique : c'est chaud pour les gays !

Publié par jfl-seronet le 08.01.2010
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homophobie
Une fois encore, les gays ont la vie dure en Afrique. Projets de loi ouvertement homophobes, nouvelles arrestations au Sénégal et au Malawi… L'année 2010 commence comme a fini l'année 2009 : mal !
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Une enquête policière a été ouverte au Sénégal après l'interpellation (24 décembre 2009) d'un groupe de vingt-quatre hommes, dont deux Français, accusés d'"activités homosexuelles" et de "participation à une soirée non autorisée" au sud de Dakar. Ils ont été arrêtés puis relâchés à la suite d'une garde à vue… "Elles peuvent à nouveau être convoquées à tout moment. Les deux organisateurs sénégalais de la soirée ont été interrogés (…) pour voir la suite à donner à cette affaire", a indiqué une source policière à l'AFP. Au Sénégal, pays principalement musulman, l'homosexualité est réduite à la clandestinité car elle est interdite. Elle est d'ailleurs passible d'un à cinq ans d'emprisonnement. Il y a près d'un an, neuf hommes avaient été condamnés à Dakar à huit ans de prison pour "acte impudique et contre nature et association de malfaiteurs" après avoir été arrêtés dans un appartement privé, mais, en avril, la Cour d'appel avait annulé la procédure et ordonné leur libération. Un rassemblement a été organisé (le 30 décembre) à Paris, devant l'ambassade du Sénégal, en soutien aux 24 homosexuels concernés.

Au Malawi, c'est un couple gay qui a été arrêté (29 décembre) et placé en prison sous l'accusation d'"attentat à la pudeur", trois jours après s'être "marié" lors de la première cérémonie publique du genre dans ce petit pays conservateur d'Afrique australe. Comme l'explique l'AFP, leur arrestation illustre la "répression croissante de l'homosexualité en Afrique, où le Burundi, l'Ouganda ou encore le Sénégal resserrent l'étau autour des gays. Tiwonge Chimbalanga et Steven Monjeza, se sont rencontrés dans une église du Malawi il y a neuf mois et vivaient ensemble depuis cinq. [Le 29 décembre dernier], ils ont officialisé leur union lors d'une cérémonie mêlant musique traditionnelle et hip-hop." "Il y avait beaucoup de curieux parce que c'était la première fois que des homosexuels s'affichaient publiquement", a raconté à l'AFP, un des témoins de l'événement.  Fin décembre, un tribunal a prolongé la garde à vue du couple accusé d'"attentat à la pudeur". L'homosexualité est illégale au Malawi et la sodomie est passible d'une peine de quatorze ans de prison ! Les autorités s'adressent toutefois régulièrement à la communauté homosexuelle (qui vit cachée) pour l'appeler à participer à la lutte contre le sida. Le pays, qui compte 13 millions d'habitants, est particulièrement touché par la pandémie, avec un taux de prévalence du VIH de 14 %. Plus de 20 % des homosexuels seraient séropositifs.

En Ouganda, le problème se pose un peu différemment. Le 13 octobre dernier, une proposition de loi a été déposée au Parlement prévoyant des peines d’emprisonnement à vie pour les homosexuels et la peine de mort pour les homosexuels séropositifs, accusés alors d’homosexualité aggravée. Sous la pression internationale, il est possible que les deux peines les plus importantes initialement prévues, la peine de mort et la prison à vie, soient retirées. Mais même ainsi amendée, la proposition de loi, si elle était adoptée définitivement, ne ferait que renforcer un climat de haine et de répression envers les homosexuels et les séropositifs. Ce texte a suscité de très vives protestations un peu partout. A Paris, un rassemblement, à l'initiative du Collectif "Empêcher la criminalisation des homosexuels ougandais", a été organisé le 4 janvier dernier. Ce rassemblement entendait protester contre ce texte qui serait "inspiré par les milieux ultra conservateurs américains". "Nous sommes mobilisés pour rompre le silence. Nous sommes mobilisés car nous sommes solidaires. Nous sommes mobilisés pour que nos gouvernements fassent pression pour que cette loi ne passe pas. Ailleurs ou ici, nous dénonçons l'homophobie, qu'elle relègue les homosexuel(le)s au rang de citoyen(ne)s de seconde zone ou qu'elle les criminalise et les punisse de mort", indiquait le Collectif lors de la manifestation.

L'Ouganda n'est, du reste, pas le seul pays à imaginer des lois homophobes. Ainsi le Rwanda s'est lancé en novembre dans une révision du Code pénal. Un projet a été déposé au Parlement. Comme l'indique AIDES dans un communiqué de presse : "L'article 217 du projet de loi introduirait de nouvelles dispositions criminalisant des actes sexuels entre adultes consentants de même sexe ainsi que l'action des défenseurs des droits humains des personnes LGBT alors que l'homosexualité n'a jamais été un crime au Rwanda. Outre les protestations des associations LGBT ou de lutte contre le sida, l'ONUSIDA est, lui aussi, monté au front. Mi décembre, l'institution "exhorte le Rwanda à faire preuve de leadership en Afrique et au-delà en rejetant ces lois punitives qui auront des répercussions négatives sur la riposte au sida, ainsi que sur les droits humains des personnes affectées." L’ONUSIDA note "les progrès atteints par la République du Rwanda dans sa riposte au sida", mais c'est pour mieux s’inquiéter des "dispositions (…) du projet de Code pénal [qui] pourraient mettre en péril les efforts du Rwanda sur la voie de la réalisation de l’objectif de l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et à l’appui dans le domaine du VIH."
Finalement, le Parlement rwandais a rejeté (fin décembre) le projet. Il ne devrait donc pas y avoir de loi homophobe dans ce pays qui n'en a jamais connu.

On le voit, les exemples de législation discriminantes et d'arrestations homophobes se multiplient ces dernières années dans plusieurs pays d'Afrique. Cela pose de sérieux problèmes. D'une part parce que ces textes de circonstance vont à l'encontre de conventions internationales qui protègent les droits humains les plus fondamentaux, conventions signées par les pays. D'autre part, la pénalisation des relations sexuelles entre hommes adultes consentant, a de graves conséquences en termes de santé publique. Comme le fait remarquer AIDES : "Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes en Afrique sont beaucoup plus exposés au VIH que la population adulte en général (entre cinq et vingt fois plus selon les pays). Il est aussi démontré que discriminer et stigmatiser les homosexuels augmente considérablement les risques de transmission du VIH."

Illustrations : tirées de l'affiche du festival d'Afrique du Sud : "Out in Africa"