Afrique : les risques médicaux en débat

Publié par jfl-seronet le 02.01.2010
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La transmission du VIH par le sang dans le cadre de pratiques de santé dangereuses a été sous-estimée dans l'épidémie de VIH/sida qui sévit en Afrique subsaharienne. C'est ce qu'affirment plusieurs chercheurs et épidémiologistes dans un article de l'International Journal of STD and AIDS. Explications.

"L'opportunisme politique a motivé les gouvernements africains et les bailleurs de fonds internationaux à minimiser délibérément l'importance des infections transmises par le sang" en Afrique Subsaharienne. C'est la thèse défendue par des scientifiques (chercheurs et épidémiologistes) qui affirment ainsi qu' "Il était en effet plus facile de blâmer certains individus et certaines pratiques sexuelles que de prendre ses responsabilités pour assurer des soins de santé plus sûrs." Cette affirmation se fonde notamment sur une étude réalisée sur des enfants du Swaziland séropositifs âgés de 2 à 12 ans et sur des données tirées d'une enquête démographique et de santé (2006-2007). Celle-ci a permis de découvrir que sur ce groupe : un enfant sur cinq avait une mère séronégative. Comme l'explique le site Irin News (12 décembre), les chercheurs ont tout d'abord écarté "la possibilité que des abus sexuels sur les enfants puissent être  l'origine d'une telle quantité d'infections", les auteurs évoquent plutôt "la possibilité que les aiguilles contaminées utilisées pour administrer des vaccins et des injections soient responsables de ces infections." Cet argument a été renforcé par une étude au Kenya qui met en évidence que "les enfants séropositifs dont la mère est séronégative ont été plus exposés à la contamination par le sang que leurs frères et soeurs séronégatifs dans le cadre de traitements contre le paludisme, de chirurgies dentaires et de vaccinations." La première étude a soulevé un tollé au Swaziland. L'Association des infirmières du Swaziland a, par exemple, "démenti avec virulence l'usage multiple des aiguilles et qualifié les résultats de la recherche de "bêtises"".


Des résultats confirmant des contaminations lors de pratiques médicales ont aussi été constatés au Nigeria. Par ailleurs, les chercheurs citent des rapports récents qui indiquent des lacunes assez répandues dans le contrôle des infections, notamment dans les cliniques dentaires publiques et les services de pédiatrie et de maternité. Les chercheurs font également remarquer que plus d'un quart des personnes classées dans la catégorie "récemment infecté par le VIH" lors d'une enquête nationale de prévalence du VIH réalisée en 2005 en Afrique du Sud affirmaient ne pas avoir été sexuellement actifs dans les douze derniers mois. Ces résultats n'ont guère été commentés. "Si ces résultats avaient été obtenus dans un pays industrialisé, ils n'auraient pas été écartés sous prétexte que les répondants peuvent mentir au sujet de leur vie sexuelle, et auraient même entraîné une enquête plus approfondie", affirment les chercheurs.

Cité par Irin News, Moritz Hunsmann, chercheur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris, explique que "le comportement sexuel n'est qu'un aspect de la question, et qu'il ne suffit certainement pas à expliquer les dynamiques de la propagation de l'épidémie de VIH en Afrique subsaharienne". Moritz Hunsmann reconnaît que "les rapports sexuels sont probablement le principal mode de transmission du VIH en Afrique subsaharienne et que les stratégies visant à encourager le changement de comportement devraient jouer un rôle important dans les politiques de prévention." Pour autant, il considère toutefois que la seule "fixation" sur la transmission sexuelle occulte les besoins en termes d'amélioration du dépistage sanguin et de stérilisation des instruments, et permet aux autorités de santé publique de ne pas être tenues responsables d'un nombre important de transmissions. Si elle intéresse les chercheurs, cette thèse ne fait pas pour autant l'objet d'un large consensus. Ainsi certains font remarquer que dans des pays, c'est le cas de l'Afrique du Sud, où il y a de l'argent pour financer les soins (et donc a priori assurer un meilleur respect des procédures médicales) le taux de prévalence est très élevé et parfois nettement plus que dans des pays où très peu d'argent est investi dans la qualité des soins. Pour eux, c'est le signe que les transmissions liés aux risques médicaux ne sont pas à même d'expliquer la dynamique de l'épidémie. Enfin, un des arguments massues des opposants à cette thèse, c'est que "si 10 % des populations africaines ont accès à l'hôpital, on se demande comment dans certains pays plus de 10 % de la population adulte de tout le pays sont infectés par le VIH. Et dans d'autres seulement 1 %."
Plus d'infos sur http://ijsa.rsmjournals.com/