Canada, terre d’accueil pour les immigrants séropositifs ?

Publié par olivier-seronet le 16.04.2010
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La plupart des demandeurs d’asile séropositifs sont au départ en bonne santé, nous dit David Thompson. C’est ici qu’ils apprennent leur séropositivité, puisque le Canada exige le dépistage du VIH. C’est un choc pour eux.

La majorité des réfugiés sont âgés de 35 à 40 ans, mais là s’arrêtent les généralités puisque leur profil diffère selon leur pays d’origine. Par exemple, les demandes venant d’Afrique subsaharienne proviennent surtout de femmes, sur le motif de guerre civile et de conflits interethniques essentiellement, alors que les demandeurs d’Amérique Centrale ou du Sud sont des hommes, invoquant très souvent des motifs de persécution en raison de leur homosexualité.

Il y a aussi encore de nombreux Haïtiens demandeurs et plusieurs d’entre eux ont vécu quelques temps aux États-Unis avant de faire ici leur demande, ce qui, depuis le 23 juillet 2009, complique beaucoup leur situation. En effet, l’entente sur les tiers pays sûrs d’Immigration Canada a changé : auparavant, les citoyens de certains pays pouvaient avoir séjourné aux États-Unis avant de faire leur demande d’asile au Canada, mais dorénavant, ces immigrants ne peuvent plus prétendre à l’asile et doivent obtenir un visa canadien. Pour les citoyens du Mexique, notamment, les règles ont également changées cet été : le visa de visiteurs leur est maintenant imposé. Ceci a eu pour effet de faire brusquement chuter le nombre des demandeurs de ce pays, ceux-ci déposant souvent leur demande lors de séjours au Canada officiellement temporaires. Parmi ces demandes, était très souvent invoqué le motif de persécutions de la part de la police ou de l’armée du Mexique en raison de l’orientation sexuelle, ce qui révèle un écart surprenant entre le discours officiel du gouvernement et la vie quotidienne des homosexuels  mexicains.  “Ce qui est malheureux aussi, c’est qu’en imposant ces nombreuses et récentes restrictions le Canada passe par la porte d’en arrière, si je puis dire, pour ne pas respecter les obligations de la Convention de Genève qu’il a signée”, conclut David Thompson.


Beaucoup de demandeurs d’asile craignent que la séropositivité au VIH soit un obstacle majeur dans leurs démarches. Ce n’est pas le cas : les critères qui définissent le statut de réfugié sont établis par la Convention de Genève et celle-ci ne parle pas de l’état de santé des réfugiés. Les immigrants craignent aussi de dévoiler leur statut sérologique dans le cadre de leur demande de permis de travail : malheureusement, il arrive, en effet, que leur avocat véhicule cette idée fausse.  Le formulaire de permis de travail demande effectivement si la personne souffre d’une maladie grave, mais le Réseau juridique canadien VIH/sida a réussi à obtenir d’Immigration Canada que le demandeur séropositif n’ait pas à répondre oui à cette question. En fait, ce sont les délais d’obtention et de renouvellement qui représentent le vrai problème. Le processus d’immigration lui-même est très long, l’intégration aussi : l’apprentissage de la langue française, l’adaptation à une autre société, à mener parallèlement aux divers démarches administratives. Il est triste de voir que ces personnes sont souvent très isolées. Même si elles vivent au sein d’un petit groupe de leur communauté d’origine, elles craignent là aussi que leur statut sérologique soit dévoilé, en raison des tabous sur les questions de sexualité, d’homosexualité et de VIH. Finalement, elles vivent un double isolement.


David Thompson craint que le Canada ne ferme de plus en plus ses frontières aux demandeurs d’asile. Jusqu’à présent, les immigrants séropositifs ont, pour la plupart, vu leur demande acceptée. Mais qu’en sera-t-il, suite aux changements de règles d’Immigration Canada ? Il lui paraît insoutenable qu’on puisse déporter une personne séropositive, en attente de statut pendant plusieurs années, sans qu’elle ait l’assurance de pouvoir poursuivre son traitement dans son pays d’origine. C’est malheureusement ce qui risque d’arriver de plus en plus, selon David Thompson.

David Thompson est un avocat engagé depuis longtemps dans la défense des personnes séropositives. La Clinique d’immunodéficience de l’Institut thoracique de Montréal fait souvent appel à ses services pour aider les personnes immigrantes séropositives. David leur donne des conseils de nature juridique, même si les demandeurs d’asile ont un avocat les représentant devant la Commission de l’immigration.

 Illustration : Olivier Dumoulin