Dépistage forcé : voilà, c’est fait !

Publié par jfl-seronet le 04.02.2011
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loppsi 2
En septembre 2010, plusieurs associations et structures officielles dénoncent une nouvelle disposition du projet de loi sur la sécurité intérieure (LOPPSI 2) instaurant un dépistage obligatoire pour toute personne ayant commis sur un dépositaire de l’ordre public un "acte susceptible d’entraîner sa contamination par une maladie virale grave". Le 20 janvier dernier, le Sénat a adopté la loi LOPPSI 2. Ce nouveau type de dépistage forcé en fait partie. Explications.
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LOPSSI 2 (Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) est la dernière loi en date de réforme de la police. C’est un vaste fourre-tout législatif qui a pour objet d’illustrer et de décliner les orientations (obsessions ?) sécuritaires du gouvernement : cybercriminalité, vidéosurveillance, peines plancher pour les récidivistes, fichiers, permis à points, expulsions locatives, etc.  Le texte est d’abord présenté au Sénat qui le vote. Il passe ensuite à l’Assemblée nationale (pour une première lecture). A cette occasion, un nouvel article est déposé. Le Sénat n’a donc pas statué sur cette disposition… qui n’existait pas dans le texte d’origine. Cet article propose qu’un "officier de police judiciaire territorialement compétent [puisse] faire procéder sur toute personne ayant commis sur une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice de ses fonctions, des actes susceptibles d'entraîner sa contamination par une maladie virale grave, à un examen médical et à une prise de sang afin de déterminer si cette personne n'est pas atteinte d'une telle maladie". De surcroît, l’article introduit une notion complémentaire : "A la demande de la victime ou lorsque son intérêt le justifie, cette opération peut être effectuée sans le consentement de l'intéressé sur instructions écrites du procureur de la République ou du juge d'instruction qui sont versées au dossier de la procédure". En outre, "le fait de refuser de se soumettre au dépistage prévu au présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende". Bref, c’est la porte ouverte à une nouvelle forme de dépistage obligatoire du VIH, des hépatites virales… quoi qu’on en dise.
Les associations de lutte contre le sida, des structures officielles comme le Conseil national du sida (CNS), l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS), des personnalités scientifiques comme le professeur Yeni, à la tête du groupe d’experts français sur le VIH/sida (Rapport Yeni) ne s’y trompent pas et montent au front. Communiqués de presse et travail auprès des parlementaires sont au menu.  Le CNS, l’ANRS et le Groupe d’experts écrivent (le 19 novembre 2010) à Marie-George Buffet, députée PC et présidente de la Mission Sida à l’Assemblée nationale, pour dénoncer les risques d’une telle mesure. Ce texte est une vraie dérive ne matière de santé publique et d’autant plus préjudiciable qu’elle ne permet même pas d’assurer la protection "des victimes". Marie-George Buffet écrit à son tour (24 novembre) au Premier ministre pour attirer l’attention du gouvernement sur les difficultés que soulèvent cette disposition particulière. Pas de réponse et le texte suit son cours. Le projet avec la disposition controversée est adopté par l’Assemblée. En janvier 2011, le projet de loi LOPPSI 2 revient pour une seconde et dernière lecture au Sénat. On s’attend donc à ce que des sénateurs réagissent contre cet article particulièrement problématique. Surprise, aucun amendement de suppression ou de modification de l’article instaurant une nouvelle forme de dépistage forcé n’est déposé : aucun à droite, aucun à gauche. Conséquence, l’article n’est même pas revoté au Sénat puisqu’il reste conforme au vote de l’Assemblée nationale. Le Sénat adopte (20 janvier) en deuxième lecture le projet de Loi Loppsi 2. Le dépistage forcé voit son champ élargi (jusqu’à présent, il n’existait qu’en cas de viol). La droite a voté pour et la gauche contre… Cette dernière considère que le texte est "attentatoire aux libertés publiques". L’Assemblée nationale revotera une dernière fois la loi LOPPSI2, mais il n’y aura plus de changement possible concernant le dépistage forcé. C’est perdu ! Typique des dispositions symboliques qui ne servent pas à grand chose, cet article sera sans doute très difficilement applicable. La procédure adoptée est, en effet, aussi complexe que laborieuse. Il n’en reste pas moins que le gouvernement aura réussi à élargir le champ du dépistage forcé du VIH/sida sans guère de réactions des parlementaires… Ce n’est vraiment pas rassurant !

Commentaires

Portrait de madelin40

Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Portrait de Zagadoum

Bon déjà , cette affaire a déjà plus d'un mois , cet article et donc anachronique. Oui la police peut procéder à des dépistages forcés en cas de blessure d'un membre des forces de l'ordre. Dans l'idée ça n'a pas l'air choquant , le problème c'est que je vois mal comment par une simple blessure cutanée , le virus pourrait entrer , trithérapie efficace oblige. Cliniquement c'est idiot et cela démontre que nos députés sont des mal informés , saturés de préjugés , surtout à droite. Reste plus qu'à attendre des témoignages poignants , sur le mode ; " on m'a humilié , en me forçant à faire une prise de sang". Tout est fait dans ce pays pour doter la police de plus de pouvoir , rien n'est fait ou presque pour sanctionner les dérives ;: un an de prison pour des flics ayant crée des preuves contre un type qui se retrouvait à risquer la perpète c'est pas assez. Dix ans pour l'exemple et les syndicats policiers au piquet aurait été mieux. Plus on a de pouvoir , plus on est vertueux. C'est triste mais c'est pas le cas.