Hépatants !
De la vie avec le traitement, il est aussi question dans le témoignage de Dominique. Egalement touché par l’hépatite C, Dominique vit à Nîmes où il milite dans la délégation de AIDES. Il a décidé de revenir longuement sur sa relation avec le traitement, de faire comprendre les difficultés qui ont été les siennes. « Bon, c’est mon tour ! » lance t-il devant des participants attentifs. Il évoque ses problèmes avec le traitement, son inquiétude à démarrer et reconnaît qu’on ne peut pas en faire une généralité. « Je connais des personnes pour lesquelles le traitement est passé comme une lettre à la poste, d’autres pour qui il n’a pas marché ou qui en ont encore des effets indésirables. » Dominique est co-infecté VHC et VIH. Il est aussi atteint d’une insuffisance cardiaque. Il ne le dit pas pour qu’on s’apitoie, juste qu’on comprenne. Des échanges avec d’autres personnes seront le déclic pour le traitement. « J’étais réticent à faire le traitement de l’hépatite C, car co-infecté, mais avec les conseils, les expériences, le vécu des autres, les infos que le groupe m’ont apporté, j’ai trouvé la force de commencer avec beaucoup moins d’anxiété (…) C’est en maison de repose que j’ai commencé mon traitement, les quatre premières semaines (…) Lorsque j’ai senti les premiers symptômes (des effets indésirables), j’étais plus à l’aise, moins angoissé, presque prêt. On peut dire que j’ai commencé le traitement dans de bonnes conditions. » L’histoire de Dominique commence bien. Cela ne dure pas. Les effets du traitement deviennent de plus en plus lourds, plus intenses. « Je me sentais devenir fou, plus de repères ni de logique, de plus en plus malade et fébrile. J’avais besoin d’aide, sans doute, mais j’étais hermétique aux autres. Je n’étais plus dans la vie, j’étais entre parenthèses. » Le traitement isole Dominique qui se voit avec un corps et un esprit en « service minimum » pendant plusieurs mois. Il perd du poids : onze kilos. Sa tension est basse, ses plaquettes aux abonnés absents. C’est une transfusion qui le sauve. « Je me suis sorti de ce traitement, il y a un peu plus d’un an. C’était vraiment très difficile, mais c’est pour moi une renaissance et j’espère que les nouvelles molécules arriveront vite et que la vie des personnes vivant avec le VHC et sous traitement va être mieux prise en compte. Cette rencontre va nous permettre d’écrire les solutions à mettre en place et j’espère que nous serons entendus. »
Entendue, Michelle veut l’être aussi. Cette volonté, elle se nourrit des tournants, parfois chaotiques, d’un long parcours avec la maladie, des cinq traitements qui l’ont conduite à la guérison et des actions qu’elle mène depuis une quinzaine d’années. « De plus en plus d’hépatants (un terme inventé par le président de SOS Hépatites Pascal Melin) viennent demander conseils sur leurs droits, les aides dont ils peuvent bénéficier. Epuisés qu’ils sont par le traitement, ils ne peuvent plus travailler et doivent choisir entre se soigner ou perdre leur travail. Je suis désemparée devant le manque de ressources en hébergement, rien n’est prévu pour l’hépatant qui aurait besoin d’être pris en charge pour quelques mois voire quelques semaines », dénonce Michelle. Sa révolte lui fait oublier sa propre situation, son hépato veille à lui rappeler qu’elle doit aussi penser à se soigner. Nouveau traitement encore avec télaprévir - une anti-protéase - cette fois, nouveaux dosages, phase de nettoyage puis phase de récurage des réservoirs et des sanctuaires qui doivent être purgés de tout virus. Michelle prend sagement ses traitements. « Enfin mi novembre, dernière visite (…) "Je n’aurai pas parié sur vous" m’avoue mon hépato… Honnêtement, moi non plus ! », lui répond Michelle. « Cela va bientôt faire un an que je suis guérie de l’hépatite C, il me reste à surveiller ma cirrhose, indique t-elle. On me demande souvent comment je fais pour tenir pendant les traitements. Il n’y a pas de recettes magiques, mais se préparer en s’informant, accepter de ne pas être « un winner ou super woman », ne pas rester seule entre quatre murs, sortir, arrêter de se contempler le nombril et s’ouvrir aux autres, partager ses connaissances, ses expériences, rechercher ensemble des solutions permettent une meilleure qualité de vie… même en traitement. » C’est sa recette à elle. Dominique parle de renaissance. Michelle dit lutter contre le regard des autres. Tous deux sont différents. Leurs parcours, leurs aspirations, leurs rapports aux traitements diffèrent… et pourtant une volonté les réunit : faire entendre leur voix. Et à les entendre… on se dit vite qu’hépatants est un mot qui leur va bien !
Photos : Jean-François Laforgerie et Vincent Cammas
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