"Il n’y a plus de limite à la xénophobie d’Etat !"

Publié par jfl-seronet le 08.05.2011
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droit au séjour pour soins
Président de la Ligue des droits de l’Homme, Jean-Pierre Dubois était présent à la manifestation, dimanche 1er mai 2011, en mémoire de Brahim Bouarram, victime d’un crime raciste en 1995. Son organisation avait signé l’appel de "Non à la politique du pilori !" contre le racisme et la xénophobie. A cette occasion, il a accepté de répondre à Seronet sur le droit au séjour pour soins des étrangers malades. Interview.
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Ces derniers mois, les attaques par le gouvernement et sa majorité contre les personnes immigrées ont été nombreuses. Aujourd’hui, un projet de loi remet profondément en cause le droit à la santé des étrangers malades. Comment expliquez-vous ce choix ? Et comment expliquez qu’aucun argument de santé publique, financier, éthique contre cette remise en cause du droit au séjour pour soins ne soit pris en compte ?
Il n’y a plus aucune limite à ce que nous appelons la xénophobie d’Etat. Ce gouvernement et cette majorité parlementaire cherchent par tous les moyens à refouler, bloquer ou à expulser le maximum d’étrangers de notre pays. La question des étrangers malades avait, jusqu’ici, fait l’objet, non pas d’un traitement convenable, mais d’un traitement un peu moins violent. Mais malheureusement, le fait de passer du critère de l’effectivité des soins au critère de l’accessibilité théorique est une chose terrible car, en clair, il suffira que dans un pays extrêmement pauvre il y ait 1,5% de la population qui puisse avoir accès à une thérapeutique pour qu’on renvoie mourir des gens dans leur pays. Malheureusement, ce n’est pas la première mauvaise nouvelle. Je me rappelle avoir été horrifié en découvrant [ il y a plusieurs années, ndlr] un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui avait jugé que la Grande-Bretagne pouvait légalement expulsé une ressortissante ougandaise [atteinte du sida, ndlr] pourtant menacée de mort, pour des raisons tenant à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale britannique ; ce qui m’avait glacé de la part de la Cour européenne des droits de l’homme. Alors évidemment quand les juges européens dérapent à ce point-là, il ne faut pas s’étonner que monsieur Guéant [ministre de l’Intérieur] aille beaucoup plus loin. Nous sommes sur une montée en puissance qui fait qu’aucune digue ne résiste.

Parmi les arguments avancés pour justifier les réformes concernant le droit au séjour pour soins, on trouve souvent celui des finances publiques. En gros, dans un contexte de crise financière et budgétaire, la France n’aurait plus les moyens de financer cette politique-là.
Si ce n’était pas un sujet aussi dramatique, cet argument serait comique. Ce qui a été fait sur l’AME [l’aide médicale d’Etat, ndlr] a considérablement alourdi le coût de prise en charge des étrangers malades dans ce pays. Et je n’en ferai pas un argument principal parce que les considérations humanitaires priment, mais même du point de vue utilitariste, égoïste, budgétaire, chacun sait qu’en restreignant l’accès à l’aide médicale d’Etat… on aboutit à ce que de plus en plus de gens soient pris en charge au stade du SAMU parce qu’ils n’ont pas pu être pris en charge avant. Cela coûte infiniment plus cher de laisser les pathologies s’aggraver et de laisser les gens dans des situations d’urgence que de les soigner correctement quand il en est encore temps. L’argument budgétaire est non seulement inacceptable par rapport à des considérations de droit à la vie et il est en plus totalement faux. Mais, il semble qu’on en soit plus à un mensonge près.

La Ligue des droits de l’Homme est très engagée dans la défense des personnes étrangères et s’est opposée à toute restriction du séjour pour soins. Pensez-vous que la société française partage ce point de vue, comprend ce qui est en jeu, soutient cette revendication ?
Quand on parle de la société, on recouvre d’une qualification unique des mouvements très contradictoires. La population française, elle est diverse. Elle est traversée par des contradictions. Il y a beaucoup de gens qui sont maintenant plongés dans une misère noire, dans la précarité la plus absolue. Il y a beaucoup de gens qui ont cru à un discours mensonger en 2007 et qui ont une rage extrême et chez ces gens-là certains sont vulnérables à un discours qui désignerait des boucs émissaires. C’est plus simple de montrer que ce serait de la faute aux étrangers, aux musulmans aujourd’hui comme hier aux juifs et aux arabes. C’est beaucoup plus simple que de pointer les responsabilités réelles et de régler les problèmes économiques et sociaux. Il y a évidemment des risques comme dans toutes les crises sociales graves que les discours simplistes et haineux abusent une partie de la population. En même temps, je suis frappé de voir qu’à chaque fois que nous sommes sur des choses concrètes… Cela a été vrai pour les écoliers avec RESF, cela a été vrai avec les travailleurs sans papiers… L’opinion a immédiatement réagi de manière massive en disant majoritairement que c’était scandaleux. Je crois que notre travail est de montrer que concrètement des malades vont mourir à cause de ces politiques (1).
Propos recueillis par Jean-François Laforgerie


(1) La Commission mixte paritaire a adopté le 4 mai l’article 17ter dans la version du Sénat. Pour les opposants à la loi, il s’agit de la plus mauvaise, celle qui condamne 28 000 personnes étrangères malades vivant en France à la mort.

Commentaires

Portrait de sonia

On se demande si c'est du lard ou du cochon cette histoire ! Je crois comprendre qu'il s'agit d'une logique économique et non pas humanitaire....Alors, moi je dis : F comme France P comme Putain Votez ......