Loi Médicament : longue vie aux ATU !

Publié par Franck-seronet le 23.12.2011
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Le 19 décembre, le Parlement a définitivement adopté la réforme du contrôle des médicaments. Cette loi fait suite à l’affaire du Mediator et a pour objectif qu’un tel scandale ne se reproduise pas. Texte complexe aux enjeux multiples, la nouvelle loi a failli passer à la trappe les ATU. Dans le cadre du TRT-5, AIDES et Act Up-Paris sont particulièrement montées au créneau, avec succès, puisque ce système qui a permis de sauver tant de vies… a sauvé la sienne.
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Commencé dans une ambiance relativement consensuelle (toutes les formations politiques ont été secouées par le scandale du Mediator), l’examen du projet de loi portant sur la réforme du contrôle du médicament s’est achevé dans une guerre de tranchée entre députés et sénateurs ; les uns mettant à bas, ce que les autres avaient voté la veille et vice-versa. Certains articles du texte ont ainsi fait l’objet d’âpres débats et d’amendements proposant tout et son contraire… Rien que de normal dans une démocratie… surtout depuis le changement de majorité au sénat. Le problème est qu’à ce petit jeu-là, où la surenchère tacle l’intérêt collectif, le système des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) a failli disparaître. Les parlementaires ont voulu tellement renforcer la sécurité que celle-ci remettait en cause l’accès aux thérapeutiques innovantes pour des personnes pour lesquelles c’est le moyen de rester en vie, d’éviter des séquelles graves ou de maintenir une qualité de vie acceptable. Le texte initial lui-même et plusieurs amendements instaurant par exemple une limitation dans le temps ou des contraintes administratives supplémentaires, auraient, s’ils avaient été définitivement adoptés, complètement réduit à néant la conquête historique des ATU.

Des milliers de vies sauvées

Le dispositif d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) a été mis en place à la suite de l’engagement des associations de lutte contre le sida, et notamment du TRT-5, collectif inter-associatif sur les traitements et la recherche thérapeutique, dont AIDES est membre. Faisant suite aux "protocoles compassionnels" des années de cendre, il permet depuis lors de rendre accessible sous conditions des médicaments n’ayant pas encore obtenu leur autorisation de mise sur le marché (AMM). Les ATU ont permis de faire face à des situations intolérables où des personnes allaient mourir faute de traitements, alors que des molécules étaient à l'étude et que les résultats provisoires des essais étaient très positifs. Autrement dit, des médicaments pouvant sauver des personnes n’ayant pas d’autres solutions médicales, n’étaient pas disponibles pour elles pour des raisons administratives. Ce système a permis de sauver des milliers de vies.
Aujourd'hui, quinze ans après l'arrivée des antiprotéases, les ATU continuent de répondre aux besoins des personnes vivant avec le VIH/sida. En 2007, entre 5% et 7% de ces personnes se trouvaient encore en situation d'impasse thérapeutique. Autre élément important, 25% des personnes séropositives sont co-infectées par le VHC. Chez elles, le traitement de référence du VHC (une bithérapie avec interféron et ribavirine) est moins efficace que chez les personnes qui sont uniquement atteintes d’une hépatite C. Les personnes co-infectées (VIH/VHC), plus vulnérables du fait des deux pathologies, ont un besoin impérieux de nouvelles molécules. Pourtant, elles ne peuvent avoir accès aux essais thérapeutiques menés sur les nombreuses nouvelles molécules actuellement à l'étude du fait du refus de l'industrie pharmaceutique. Dans ces deux situations, le système des ATU est indispensable.

Le bénéfice pour la santé d’un accès précoce

C’est pour cette raison que des associations, AIDES et Act-Up-Paris en tête, dans le cadre du TRT-5 sont montées au créneau pour défendre ce dispositif lors des débats et surtout faire comprendre aux parlementaires les conséquences dramatiques de certaines restrictions, tout en soutenant un meilleur recueil de données dans le dispositif afin de l’améliorer en renforçant la sécurité de ceux qui prennent et prendront ces médicaments. Ce combat a été soutenu par le CISS (Collectif interassociatif sur la santé). Le travail des associations en pointe sur le dossier a permis de faire inscrire dans la loi que les ATU concernent les personnes en cas de risque vital, mais aussi de risque grave pour leur santé, c'est-à-dire lorsque leur qualité de vie est gravement compromise ou que le risque de séquelles est grand. Les écueils, introduits par le texte initial du gouvernement ou des amendements aberrants, ont été évités, un beau succès au moment où des personnes atteintes d’hépatite C ou co-infectées (VIH/VHC) vont en avoir le plus besoin.
Tout médicament doit être jugé dans un équilibre, la balance bénéfices/risques. Si le scandale du Mediator a montré que les autorités sanitaires avaient, jusque là, trop négligé le risque, le gouvernement a voulu renforcer la sécurité, jusqu’à empêcher l’accès aux médicaments encore non totalement évalués. Nous avons dû batailler auprès de lui et des parlementaires pour leur rappeler qu’il ne fallait pas oublier le bénéfice pour la santé d’un accès précoce aux molécules. C’est quand même finalement aux malades, informés honnêtement et justement dans le dialogue avec leur médecin, qu’il revient de faire le choix de prendre un médicament quand cela concerne leur vie !



NOUVELLE LOI : DES AVANCEES ET DES MANQUES
Bien évidemment, pour décisive qu’elle soit, la bataille des ATU qui s’achève par leur maintien, ne résume pas toutes les avancées de la réforme du contrôle des médicaments. La nouvelle loi permet par exemple de mieux surveiller les conflits d'intérêt. Ainsi, les responsables et experts d’autorités sanitaires devront déposer et actualiser une déclaration publique d’intérêts sur leurs liens avec l’industrie pharmaceutique dans les cinq dernières années. Le texte permet aussi d’encadrer le travail des visiteurs médicaux avec la fin des visites individuelles auprès des médecins dans les hôpitaux pour présenter de nouveaux médicaments. Autre avancée concernant les visiteurs médicaux : un professionnel de santé qui alerterait les autorités sanitaires sur la nocivité d'un médicament sera protégé de toute sanction ou discrimination, en particulier de la part de son employeur.
Autre signal, l'Afssaps change de nom pour devenir l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm), mais le changement ne se bornera pas à changer de logo puisque la nouvelle Agence aura des pouvoirs accrus. Selon la réforme adoptée, elle pourra demander à l’industrie pharmaceutique de mener des essais comparatifs pour montrer l’amélioration d’un nouveau produit par rapport à un médicament existant. Parmi les autres avancées intéressantes, on trouve la révision quinquennale de tous les médicaments sur le marché ainsi que la création d’une "base médicaments". Il s’agit en gros, d’un portail internet gratuit sur les traitements, mais pas sur les maladies. Même si elle comporte de sérieuses avancées, la nouvelle loi reste l’objet de critiques.
Pour certaines formations politiques et associations de malades, le nouveau texte ne va pas assez loin sur les essais comparatifs, l’indépendance des experts et le droit des victimes. Autre grief de taille, le refus de l’actuelle majorité d’intégrer dans le texte les "actions de groupe" (les plaintes collectives), alors même que "de très nombreux patients sont victimes d’accidents thérapeutiques graves après avoir pris des médicaments prescrits par leur médecin".

Commentaires

Portrait de keepsmilling

encore faudrait il que les ATU ne soient pas délivrées sur des critères moraux (au moins pour ce qui concerne toutes les galéniques des cannabinoides .....) ..... les tribunaux administratif prenant en plus largement le temps pour "examiner" les demandes (à strasbourg, deux ans pour celle qui concerne l'importation de cannabis émanant de "bedrocan BV" ....) quand au "sativex", tres peu, voir pas psycho actif, la France a été le premier pays d’Europe à le refuser, elle sera probablement le dernier à l'accepter, résultat de ce "jeux à la con", les malades français frontalier avec l’Allemagne (par exemple) peuvent aller chercher sativex avec une prescription française dans une pharma allemande .... pareil pour les spécialités bedrocan, des médecins français font des ordonnances pour que leurs patients puissent aller à la pharma en hollande .... tout va bien au "royaume de la connerie".