Monumentalement personnel

Publié par olivier-seronet le 20.01.2010
708 lectures
Notez l'article : 
0
 
expo
Le troisième opus de Monumenta, un des grands rendez-vous de l'art contemporain, au Grand Palais à Paris est réussi. Après Anselm Kiefer et Richard Serra, c’est au tour de Christian Boltanski d’investir cette nef du Grand Palais tellement impressionnante. Pour faire simple et rapide, cette expo est magnifique et bouleversante. Et voilà pourquoi je vous écris cela…
boltanski1.jpg

Première lecture : on entre dans cet espace et on a le regard arrêté par des boîtes rouillées sur lesquelles sont écrits des numéros. Ensuite, après avoir contourné ce mur, on débouche sur la nef. Et là, bienvenue chez Emmaüs : des tas de vêtements jonchent le sol et une pince mécanique (dé)construit inlassablement une montagne de vieux vêtements. Et cela sur un grondement. Bof diront les détracteurs de l’art contemporain.


Seconde lecture : j’entre dans un lieu majestueux et suis arrêté par ces boîtes qui me rappellent des urnes funéraires… Moi qui ai la chance de ne pas avoir connu les années de cendres du sida, m’y voilà au funérarium du Père Lachaise, avec tous ces anonymes. Violent.


Et ensuite, ces vêtements regroupés par rectangles (des tableaux vus de haut, avec ces touches de couleurs comme autant de coups de pinceaux) et tous alignés dans le même sens. Je ne peux m’empêcher de penser à Treblinka ou Auschwitz et à l’horreur de la solution finale : recyclage de vêtements, drame organisé, méthode froide et efficace.
Et cette pince mécanique (d’aucuns y voient la main de Dieu) qui choisit ces vêtements au sein de cette montagne. Et nous en train de déambuler dans les allées au milieu de ces vêtements qui ont été portés et qui ont donc une histoire et qui sont l’Histoire.
Et ce bruit (battements de cœur ou bruits de train, je n’ai pas su).
Info utile : Boltanski a une histoire personnelle avec la Shoah.


Ça doit être cela un grand artiste, quelqu’un qui propose une œuvre universelle et qui s’adresse à vous individuellement en tant que personne. Chacun trouve dans cette expo ce qu’il y apporte, et c’est une expérience personnelle et je pense solitaire, même si elle peut être partagée : ce n’est pas l’œuvre que l’on regarde, mais son rapport à la mort, à la vie.
Vous, qu’y voyez-vous ? A la fin de l’expo, l’œuvre n’existera plus car les vêtements seront recyclés : espoir. Memento mori.
"Personnes", Christian Boltanski au Grand Palais dans le cadre de Monumenta. Jusqu’au 21 février 2010. Entrée : 4 euros.