Prise en charge : ce que défend Yazdan Yazdanpanah

Publié par pascale-seronet le 23.09.2010
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prise en chargehôpitalaccès aux soins
Chaque année, le TRT-5, organise une grande journée scientifique pour informer et faire débattre. Cette année, en pleine application de la loi HPST (Hôpital, Patient, Santé et Territoires), et notamment la mise en route des ARS (agences régionales de santé), le focus s'est fait sur "la qualité des soins et l’organisation de la prise en charge dans l’infection à VIH". L'enjeu est primordial avec des débats complexes comme celui de prise en charge en ville versus prise en charge dans les hôpitaux… Jimmy, militant et salarié à AIDES (Délégation Nord Pas-de-Calais) y participait.
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Chef du service universitaire régional des maladies infectieuses et du voyageur au centre hospitalier Gustave-Dron à Tourcoing, le professeur Yazdan Yazdanpanah avait été invité par le TRT-5 pour parler d'un sujet vaste et complexe : la prise en charge des personnes touchées. Il s'agissait surtout à partir d'une analyse de l’existant et de propositions nouvelles du groupe d’experts (dont il faut partie) qui a rédigé le Rapport Yeni 2010 de se demander ce qu'est une prise en charge globale de qualité. Yazdan Yazdanpanah a donc posé la problématique suivante : Comment garantir une prise en charge de qualité avec des files actives (le nombre de personnes suivies) qui ne cessent d’augmenter dans les services VIH des hôpitaux ? Comment organiser l’offre de soins pour dépister au plus tôt les nouvelles infections ? Comment assurer la prise en charge des personnes dépistées et aussi ne pas perdre de vue celles nouvellement dépistées ?  Effectivement, on constate une surmortalité chez les personnes dépistées tardivement. Pour être honnête et attirer aussi l’attention des décisionnaires, un autre argument est avancé. Il est économique : le coût de la prise en charge médicale d'une personne dépistée tardivement reste supérieur à celui d’une personne dépistée tôt…

Selon le professeur Yazdanpanah, pour limiter les découvertes tardives de séropositivité, il faut multiplier et diversifier les acteurs de dépistage. Par exemple, en responsabilisant plus les médecins de ville ou en autorisant les acteurs associatifs à réaliser des dépistages. Il faut également penser aux spécificités des populations dont le profil correspond le plus à celui des perdus de vue comme les personnes usagères de drogues, celles qui sont en situation précaire, les personnes dépistées pour la première fois. Pour lui, cela commence par la prise en charge et l’orientation de ces personnes au moment de leur dépistage ou de leur remise de résultat. Le système de soins doit être capable d’offrir une prise en charge globale de la personne séropositive quelque soit sa situation et les contraintes liées à celle-ci, en incluant des programmes d’éducation thérapeutique, des prises en charges psychologiques, mais aussi des prises en charge psychosociales et paramédicales.

Yazdan Yazdanpanah préconise de faire évoluer la consultation de synthèse annuelle (un grand rendez-vous avec consultations pluridisciplinaires, batterie d'examens et de bilans, etc.) avec un protocole de prise en charge qui inclurait le médecin référent, le bilan éducatif et psychologique du patient, une évaluation sociale; entre autres spécificités; correspondante à chaque personne. Il convient, par ailleurs, de penser à la mise en place des programmes d’éducation thérapeutique conformément aux critères du cahier des charges et pas uniquement sur la base d’une aide à l’observance. Il faut créer les conditions d’un suivi en ville partagé avec l’hôpital afin d’optimiser le suivi pour améliorer l’accès aux soins et le confort de chaque personne. Il a, bien entendu, mentionné les COREVIH (coordinations régionales VIH) qui "doivent intervenir dans l’optimisation de la collaboration entre la Ville et l'Hôpital", en incitant et renforçant l’implication des médecins de ville dans le suivi des personnes vivant avec le VIH.

Si l’on réussit à améliorer le système de dépistage, il faudra nécessairement et en parallèle penser à améliorer les capacités du système de santé à prendre en charge des files actives qui pourraient croître rapidement. Et cela sans perdre en qualité, à l’heure où la nouvelle loi HPST a tendance à centraliser des services en créant la désertification dans certains territoires.

* collectif inter-associatif spécialisé dans la recherche sur le VIH/sida et l'organisation de la prise en charge des personnes touchées

Crédit photo : TRT-5

Commentaires

Portrait de nathan

En janvier 2011, un nouveau diplôme de type Master verra le jour. Il est dirigé par le Pr Yazdanpanah autour de la problématique Santé (vih) et Précarité : http://medecine.univ-lille2.fr/format/du/sante_precarite.pdf
Portrait de nathan

Quand il n'était pas encore Professeur, un des travaux de recherche du Professeur Yazdanpanah avait fait bondir les associations de lutte contre le sida dont le TRT5 quand ce travail de recherche avait été (mal) rendu public à Strasbourg au motif que ce travail préconisait des "économies" en matière de lutte contre le vih.

En réalité, quand on lit les travaux du médecin Yazdanpanah, on comprend que sa thèse est tout autre. Il y a notamment une analyse clinique comparative exemplaire concernant une affection pulmonaire infectieuse grave pour laquelle la stratégie initiale de routine s'avérait davantage onéreuse en fin de compte pour la société qu'un traitement fort et très dispendieux dès le départ.

Le Professeur Yazdanpanah est un spécialiste des rapports entre l'économie de la santé et la société mais c'est toujours dans l'intérêt du malade. Et dans son service, il ne fait jamais l'économie d'une prescription quand il sait qu'au final, c'est la société qui fera des économies.