Protégez vos données personnelles !

Publié par olivier-seronet le 12.11.2008
1 319 lectures
Notez l'article : 
0
 
invaliditéassurance invaliditépension d'invalidité
Lorsqu’une personne ne peut pas ( ou plus ) travailler du fait de son état de santé, elle perçoit un revenu de substitution versé par les assurances sociales ou l’assistance sociale. En Suisse, la 5ème révision de l’assurance invalidité ( AI ), votée en 2007 et en vigueur début 2008, est de nature à changer profondément le fonctionnement du dispositif. Qu’en est-il vraiment ?

Depuis le 1er janvier 2008, une 5e révision de l’assurance invalidité est entrée en vigueur, Remaides Suisse a demandé à Ariane Ayer, avocate qui exerce à Genève et Fribourg,  de revenir sur les changements de la dernière réforme et leurs conséquences pour les bénéficiaires de l’AI.

Quels sont les points les plus importants de la dernière révision ?
Elle a supprimé des prestations ( diminution des rentes pour enfants, suppression des rentes pour conjoint, suppression du supplément de carrière pour les jeunes assurés, nouveau calcul des indemnités journalières ). Le but étant de diminuer de 30 % les prestations versées.


Ensuite, elle a introduit une nouvelle notion de l’invalidité qui ne tient compte que des conséquences de l’atteinte à la santé dont souffre l’assuré, et non plus des éléments socioprofessionnels comme son âge, son degré de formation ou encore de ses connaissances linguistiques pour statuer sur sa capacité de travail. Par exemple, l'AI pourrait considérer qu'une personne est apte, d'un point de vue médical, à exercer une activité comme employé de commerce et qu'elle a alors la capacité de réaliser le salaire normalement versé dans la branche, ce, même si elle n'a aucune formation professionnelle et qu'elle ne parle pas bien le français.

Une des principales nouveautés est l’introduction d’un système de détection précoce qui permet d’intervenir très rapidement si l’assuré présente une incapacité de travail. Si cette approche est louable en soi, le système mis en place est critiquable, en termes de liberté individuelle et de droit de la personnalité. En effet, la situation d’une personne en incapacité de travail, pour cause de maladie ou d’accident, peut être signalée à l’Office AI, par l’assuré lui-même ou par des tiers ( employeurs, membres de la famille, médecin traitant, assureurs, services sociaux ). Il y a aussi pour l'assuré une obligation renforcée de collaborer avec les Offices AI. Des sanctions en cas de refus de collaboration sont prévues. Ainsi l’assuré peut voir les prestations réduites ou refusées s’il ne s’annonce pas à l’AI, s’il ne communique pas les informations requises ou en cas d’abus.


En outre, La révision allonge la durée de cotisation minimale afin de pouvoir avoir droit au versement d’une rente AI : celle-ci est désormais de trois ans ( un an auparavant ).

Prestations de l’assurance-invalidité
La Loi fédérale sur l’assurance-invalidité ( LAI ) définit l’invalidité comme une incapacité permanente de gain causée par une atteinte à la santé. Une telle situation ouvre, par principe, le droit aux prestations de l’assurance-invalidité ( AI ). En cas de longue maladie, comme le VIH, le droit à la rente AI commence au plus tôt après une période d’attente d’un an. Avant le versement d’une rente, c’est le principe de “réinsertion avant la rente” qui prime. Par réinsertion, il est entendu les mesures de maintien dans l’emploi ( adaptation du poste, formation, mobilité, etc. ) ou de retour vers l’emploi ( orientation professionnelle, formation professionnelle, reclassement, etc. ). Les rentes ne sont versées que lorsque les mesures de réinsertion ne sont pas applicables ou lorsqu’elles ne mènent pas au résultat souhaité. Pour établir le droit à une rente d’invalidité, le degré de l’invalidité est évalué par l’Office AI.


 


La "détection précoce" inscrite dans la réforme porte t-elle atteinte à la loi sur la protection des données ?
La levée du secret professionnel du médecin traitant en faveur de l’Office AI permet de contourner la protection par la loi des données personnelles.
La levée du secret médical est introduite à plusieurs niveaux : d’abord quand l’assuré formule une demande de prestations ( me-sures de réadaptation ou rente ). Elle concerne les médecins, les physiothérapeutes, les infirmiers et les logopédistes. Cette mesure ne paraît pas excessive dans la mesure où auparavant la personne qui demandait des prestations signait une procuration en faveur de l’Office AI. Par ailleurs, ce dernier a besoin de disposer de renseignements médicaux pour déterminer le droit aux prestations de l’assuré.


Ce qui est excessif, c’est la levée du secret professionnel médical au stade de la détection précoce. Cette approche est particulièrement choquante. Elle va à l’encontre des principes de droits des patients garantis par le Code civil et les législations cantonales et du consentement libre du patient au traitement, ainsi qu’à l’accès à ses données personnelles.
Inutile de préciser qu’en cas d’incapacité de travail ( pour maladie ou accident ), l’assuré peut se trouver très rapidement signalé soit par son employeur, son médecin, les assureurs perte de gain ( maladie ou accident ) ou encore par les services sociaux en vue d’une détection précoce, sans même qu’il soit à l’origine de la demande. Si, après avoir été signalé à l’AI par une tierce personne, il refuse que l’Office AI prenne des renseignements médicaux, ce dernier peut passer outre son consentement et s’adresser directement au médecin traitant, dont le secret médical est levé par la loi.

Avez-vous des retours ou demandes de la part d’assurés à propos de cette révision ?
Les assurés s’adressent à un avocat souvent au moment où ils reçoivent une décision de l’Office AI leur refusant une prestation. Les premières décisions ont été rendues en 2008, ce qui ne permet pas d’avoir une vision encore très importante des changements. Toutefois, la tendance au durcissement des conditions d’octroi des prestations, déjà présente les années précédentes, se confirme.


S’agissant plus particulièrement des mesures d’intervention précoce, qui sont le but visé par la détection précoce, leur octroi n’est pas un droit garanti par la loi. Un refus n’est donc pas contestable en justice. Il est dès lors difficile de dresser un bilan sur la base des requêtes des assurés, qui ne s’adressent à un avocat que dans le but d’engager une procédure.

Cette révision implique une réorganisation des offices. Est-elle opérationnelle ?
Il est un peu tôt pour tirer un bilan de l’activité des Offices AI. Lors de la campagne en vue des votations, l’OFAS ( Office Fédéral des Assurances Sociales ) avait indiqué que tout était prêt dans les Offices pour l’entrée en vigueur de la 5ème révision, notamment l’engagement de nouveaux collaborateurs en placement, plus actifs pour trouver des emplois adaptés pour les assurés. Au vu de la stagnation de certains dossiers, ces mesures ne semblent pas avoir eu un effet fulgurant.

Besoin d’infos ?
Vers qui une personne séropositive ( quel que soit son canton de résidence ) peut-elle se tourner pour bénéficier d’une information sur ses droits ou être aidée et défendue ? Les associations présentes dans certains cantons fournissent des renseignements, de même que les services sociaux ou certains syndicats qui disposent d’un service juridique. Toutefois, si certaines associations ou les syndicats assurent parfois la défense de leurs membres, il est conseillé de s’adresser à un avocat pour être défendu dans les procédures en matière d’assurance invalidité, qui sont relativement complexes.

Permanences juridiques

-> Aide suisse contre le sida
Consultation le lundi de 9h à 12h, le mardi et jeudi de 9h à 12h et de 14h à 17h, Tél. : + 41 44 447 11 11.

-> ASSUAS, Association Suisse des Assurés
Tél. : 022 301 00 31 ( présente sur les cantons
de Genève, Vaud, Fribourg, Neuchâtel, du Jura
et du Valais ).

-> Groupe sida Genève
Permanence téléphonique mardi et jeudi de 9h à 11h au + 41 22 700 13 61.

Illustrations : Nicolas Ducret