Séropositif en prison : quelles conditions de vie ?

Publié par tofo le 16.06.2010
1 712 lectures
Notez l'article : 
5
 
0
prisondiscrimination
Jeudi 3 juin 2010, Sidaction organisait son 6ème colloque "VIH et prison" pour traiter de la condition des personnes séropositives en milieu carcéral. Les personnes séropositives ont-elles leur place dans des prisons surpeuplées et insalubres ? Comment faire respecter le secret médical alors que les responsables de l'administration pénitentiaire considèrent que le partage d'informations est indispensable au bon déroulement de l’incarcération ? Quelles sont les alternatives à l’enfermement des malades ? Constats, témoignages et suggestions.
prison2_0.jpg

L'aménagement de peine pour séropositivité au VIH, c'est fini
Cette mesure était déjà peu employée ; pour les personnes séropositives, elle ne l'est quasiment plus du tout. Parce que les médicaments antirétroviraux permettraient désormais de mener une vie "normale" avec le VIH, Jean-Claude Bouvier, juge d'application des peines à la maison d'arrêt de Fresnes, reconnaît que la maladie n'est plus considérée comme incompatible avec la détention en milieu pénitentiaire... alors que des lois existent pour les protéger. L'aménagement de peine et la suspension de peine pour séropositivité au VIH/sida ne sont plus envisagées et ne seraient même plus envisageables par la magistrature. La promiscuité? Le manque d'hygiène? Ces raisons ne semblent plus suffisantes pour justifier une reconsidération de la sanction, peu importe les besoins particuliers dus aux effets indésirables entraînés par les traitements anti-VIH, l'impact psychologique de la maladie sur la personne, ou la stigmatisation dont celle-ci est victime au sein de sa cellule ou de la prison. Puisque les suspensions de peine – qui sont donc très rares – ne semblent concerner que les détenus en fin de vie, les associations commencent même à douter du motif de leur application. S'il y avait une réelle volonté politique d'améliorer le quotidien des personnes, l'aménagement de peine serait peut-être envisagé avant que leur vie ne soit en jeu. Et, puisque l'on recense un suicide tous les trois jours dans les prisons françaises, ces suspensions tardives n'auraient-elles pas pour seul objectif que celui de diminuer le nombre de décès en prison ?
 
Se soigner en prison… dans le respect du secret médical
Pour la Commission consultative des droits de l'Homme, il y a atteinte aux droits de l'homme si la personne détenue ne bénéficie pas des soins dont elle pourrait bénéficier à l'extérieur. En pratique, les exemples qui mettent en danger la santé et la dignité des détenus porteurs du VIH ne manquent pas. La sanction n'est pas faite pour être agréable, mais quand le froid entraîne des troubles intestinaux, quand l'insalubrité du quartier disciplinaire devient synonyme d'infections pulmonaires, et lorsque l'on a pas droit au réfrigérateur pour conserver son Norvir, les besoins particuliers des détenus séropositifs apparaissent évidents. Des détenus soignés par le SAMU dans la cour de la maison d'arrêt, parce que l'autorisation de sortie prend du temps ou parce qu'aucune escorte ne peut les accompagner jusqu'à l'hôpital, cela arrive aussi. Et le secret médical ? Une notion impossible à respecter quand ce sont les surveillants qui envoient la personne détenue à sa consultation, quand le praticien exige la présence d'un surveillant pendant la consultation par peur d'être agressé, et quand on sait que les différents professionnels du milieu carcéral (médecins, psychologues, conseillers d'insertion et de probation, responsables pénitentiaires…) se partagent les informations qui concernent les personnes détenues. Résultat : des personnes détenues stigmatisées, isolées, qui choisissent souvent de ne pas consulter ou d'annuler une consultation au détriment de leur santé. Notons que, depuis 2008, un groupe de travail réfléchit au partage d'informations, sous l'égide de la ministre de la Santé.
 
"On était finalement mieux soignés en prison"
Difficile de se réinsérer dans la société sans papiers, sans logement et sans argent. Les personnes détenues qui quittent la maison d’arrêt sans ordonnance, sans médicaments et sans couverture de santé ne peuvent se soigner. Sans CMU, une personne dépendante à l’alcool ne peut entrer en cure de désintoxication et risque de récidiver. Sans l’allocation pour adulte handicapé (AAH), une personne dans l’incapacité de travailler est condamnée. S’il faut, en plus, attendre trois mois pour obtenir une carte d’identité ou se battre pour obtenir un titre de séjour, il y a de fortes chances pour que la réinsertion soit un échec. L’épreuve numéro un reste la recherche d’un logement. Les bailleurs de relais, d’appartements thérapeutiques, de maisons de retraite et de maisons de retraite médicalisées refuseraient catégoriquement d’héberger les anciens détenus à cause de leurs possibles troubles du comportement. On remarque aussi de nombreuses incohérences dans le travail des différents acteurs de la réinsertion. Ainsi, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) ne peut demander au juge de suspendre la peine d’une personne détenue tant qu’aucun logement ou qu’aucune place en hospitalisation n’est disponible. Pour tous les intervenants de ce colloque, l’hébergement des anciens détenus est une urgence qu’il faut prendre en compte. Encore faut-il trouver quelqu’un qui se charge de cette phase cruciale de la réinsertion, puisque les prisons et l’AP-HP s’en renvoient la responsabilité, et puisque les assistantes sociales sont quasiment absentes des maisons d’arrêt.