Sexe et handicap, pour s’en faire une idée

Publié par Sophie-seronet le 05.05.2011
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Plusieurs militants de AIDES ont entamé une réflexion autour de la prévention auprès des personnes en situation de handicap et plus particulièrement sur le débat sur les aides de vie sexuelle. Dans ce contexte, Fabrice et Jimmy ont proposé un atelier intitulé "Sexe et handicap… et la prévention dans tout ça ?" lors des Assises régionales de la région de AIDES Nord Ouest Ile-de-France. Ils racontent.
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Dans le débat sur sexe et handicap, le sujet le plus controversé est le recours à des professionnels-les afin de faciliter l’accès à la sexualité des personnes handicapées. En effet, dès que le sujet a été lancé, qu’il s’agisse des opérateurs et opératrices de l’acte sexuel, de simples accompagnateurs et accompagnatrices dans des lieux de consommation sexuelle ou de personnes ne pouvant pas passer à l’acte sans aide d’un tiers, ils et elles se sont retrouvés exposés à des représailles légales inspirées de la loi contre la prostitution. Des associations comme Le Nid et Femmes Pour Le Dire se sont positionnées contre cette idée d’aidants et d’aidantes sexuels. Pourtant, ce service existe déjà dans certains pays comme la Suisse, l’Allemagne et les Pays Bas. En France même, un collectif Handicaps et Sexualités a été créé en 2008 à la suite du colloque "Dépendance physique : intimité et sexualité" qui s’était tenu l’année précédente. Il demande que des aidants sexuels puissent exercer librement.

Lors des échanges à l’occasion des Assises régionales, il est ressorti que le sujet était loin d’être  nouveau dans l’association. En effet, des personnes ont déjà revendiqué ce genre de service dans le cadre des actions de maintien à domicile. D’autre part, des militants ont pu témoigner de leurs connaissances dans ce domaine, expliquer que ces pratiques ont déjà cours sans que cela se dise ni que ce soit approuvé ou reconnu par les structures de prise en charge des personnes en situation de handicap. Le problème majeur tient à la complexité qu’il y a à parler de sexualité au sein des foyers d’hébergement qui sont gérés par des associations de parents de personnes en situation de handicap. Ces derniers ne veulent pas entendre parler de sexualité et retoquent, d’emblée, les projets de travail ou d’action dans ce domaine. Un peu comme si devoir s’occuper de sexualité allait leur compliquer par trop la vie. Il est souvent interdit d’avoir des rapports sexuels dans les structures et même dans des appartements thérapeutiques. Du coup, l’accès à la prévention des infections sexuellement transmissibles est systématiquement bloqué. A cela s’ajoute le non respect de l’intimité des personnes : personnel soignant qui entre dans les chambres sans frapper, obligation de dormir la porte ouverte. Et tout cela alors que la loi dit qu’il faut préserver cette intimité dans le sens du respect de la personne. Faut-il encore reconnaitre une vie affective et sexuelle aux personnes handicapées ? Et puisqu’il est difficile de parler de la sexualité des personnes en situation de handicap, imaginez-vous les difficultés qu’il y a, dans ce contexte, à parler d’homosexualité.


Qui dit sexualité, dit prévention. Ainsi, si on estime nécessaire d’avoir des professionnels et professionnelles formés à l’accompagnement érotique et sexuel d’une personne vivant avec un handicap, il faut aussi que ces professionnels aient également conscience de toute la dimension des prises de risques liées à une sexualité, a fortiori lorsque les obstacles à sa mise en œuvre sont nombreux. L’équation peut se résumer ainsi : moins il est facile (pour différentes raisons) de trouver un partenaire ou une partenaire sexuel(le), plus la personne peut être "prête à tout" pour vivre sa sexualité. Le handicap étant souvent un motif d’exclusion, il doit être reconnu comme facteur supplémentaire, dans les effets comportementaux qu’il peut induire, de risque face aux IST.

Plusieurs propositions pour améliorer l’accès à la prévention des personnes en situation de handicap ont été formulées par le groupe lors de cet atelier :
- Faute de données chiffrées précises, une étude sur la sexualité (pratiques, comportements, etc.) des personnes vivant avec un handicap serait utile ;
- Mise en place d’actions de plaidoyer auprès des instances et structures concernées sur l’importance de la prise en compte et de la prise en charge de la sexualité des personnes en situation de handicap ;
- Respect de la loi sur le handicap de février 2005 qui impose la mise en accessibilité du cadre de vie, principalement auprès des structures de soin et de prévention liées aux IST. En commençant au sein de l’association AIDES ;
- Défense de la même exigence pour les établissements de socialisation et de consommation sexuelle dans lesquels les militants de AIDE interviennent ;
- Sensibilisation de la population sur le fait que les personnes handicapées sont des individus à part entière avec des désirs, des fantasmes et une vie sexuelle. Ainsi lutter contre la stigmatisation de ces personnes ;
- Replacer le débat sur les aides de vie affective et sexuelle en dehors de la prostitution, mais bien sur un besoin et un droit à l’équilibre affectif et sexuel des personnes.