AME : front contre la future loi

14 Juillet 2023
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Depuis des semaines, le gouvernement multiplie réunions de travail, calages ministériels et contacts avec la droite (LR) sur son nouveau projet de loi sur l’immigration, dont le gouvernement a fait une de ses priorités. Ce texte (pas complétement calé) pourrait faire disparaitre l’AME (Aide médicale d’État) telle qu’elle existe aujourd’hui au profit uniquement d’une prise en charge des « soins urgents », constatent des ONG et des experts-es de la société civile qui contestent sévèrement le bien-fondé de cette mesure. Du côté du gouvernement, on estime que ce changement permettrait « une économie de 350 millions d’euros ». Dans un récent communiqué (28 juin), la FNCS (Fédération nationale des centres de santé), dont AIDES est membre, et l’USMCS (Union syndicale des médecins de centres de santé) ont critiqué la vision gouvernementale en rappelant que : « L’AME n’est pas un instrument de politique migratoire » ; leur façon de faire entendre que « restreindre l’AME [est] un non-sens en termes de santé publique et économique ». Les deux structures partent du principe que « l’accès aux soins et à la prévention sont des droits pour toutes et tous quel que soit son statut ». Pour elles, l’AME répond, comme le mentionne un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales à un objectif public et sanitaire. Elle assure aux étrangers-ères en situation irrégulière le droit fondamental d’être soignés-es et de rester en bonne santé. Elle permet aussi de protéger toute la population contre les maladies transmissibles non repérées à temps. Le communiqué fait aussi le constat que le problème actuel (s’il y a problème) n’est pas que trop de personnes perçoivent l’AME, mais que toutes les personnes qui peuvent y prétendre ne le font pas et lorsqu’elles le font se trouvent trop souvent confrontées à des difficultés d’accès (démarches administratives pour y accéder complexes, refus de soins en médecine de première ligne nombreux etc.). Une situation d’ailleurs documentée par la Défenseure des droits (DDE). Le non-recours est, lui aussi, très bien documenté. Comme le rappelle le communiqué de la FNCS et de l’’USMCS, l’enquête Premiers Pas a ainsi montré que seules 76 % des personnes éligibles à l’AME en bénéficient réellement quand elles sont présentes depuis moins d’un an sur le territoire. Même après cinq ans en France, 35 % des personnes sans titre de séjour n’ont pas l’AME. Le taux de non-recours toutes durées de séjour confondues est de 49 %. Cette étude met aussi en évidence que, parmi les personnes ayant cité une raison de santé à leur venue en France, 34 % n’ont pas l’AME. Depuis plusieurs décennies déjà, des formations politiques à droite et à l’extrême droite prétendent que l’AME constituerait un « appel d’air » pour l’immigration (une thèse qu’aucune étude ne valide) et représenterait une « menace » pour les équilibres budgétaires. Sur ce point de nombreuses études montrent que la dépense reste faible et expliquent qu’elle serait plus importante si elle n’existait pas. « L’AME permet des prises en charge précoce des problèmes de santé évitant les coûts reportés comme le démontre l’exemple de l’Espagne. En 2012, ce pays avait réduit l'accès aux soins universels pour faire une économie de 500 millions d’euros au nom de lutte contre « le tourisme sanitaire ». Les conséquences furent désastreuses. Aucune économie, les coûts avaient été reportés ailleurs. Mais il a été aussi démontré un accroissement des morts évitables. Elle a abandonné ces dispositions en 2018 », rappellent les auteurs-rices du communiqué. Et les deux ONG de prévenir : « En France, comme en Espagne, la diminution du panier de soins impactera les hôpitaux qui recevront plus de bénéficiaires et dans une situation plus dégradée et donc plus couteuse. Pour les Centres de Santé, ne pas assurer un accès aux soins primaires à toutes les personnes, particulièrement à celles en situation de précarité sociale, qu’elles soient en situation régulière ou pas, est humainement injuste, une erreur économique et un contre sens en termes de santé publique ».