Coup de chaud sur les virus

8 Novembre 2022
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Menace ? De plus en plus de fortes chaleurs… le phénomène n’inquiète pas que les agriculteurs-rices. Il préoccupe les scientifiques qui notent la remontée en France de moustiques qui n’y vivaient pas jusqu’à présent, ou l’apparition de cas de dengue « autochtones » en France métropolitaine. Interviewée par l’AFP (27 octobre), la chercheuse Anna-Bella Failloux, spécialiste des maladies liées aux moustiques à l'Institut Pasteur, explique qu'il faut s'attendre à une hausse des virus qui étaient classiquement « exotiques ». Interrogée sur la situation actuelle, la spécialiste note que les « moustiques tigres sont encore présents, or ils ne devraient plus être là à cette période de l'année. Le moustique tigre est un vecteur : il est en fait compétent pour transmettre des virus qui vont être pathogènes pour l'humain, comme la dengue. On a recensé plus de 60 cas de dengue autochtones [des cas qui concernent des personnes qui n’ont pas quitté le territoire, ndlr] : un tel nombre, ça n'était jamais arrivé. Cela semblait même inimaginable il y a quelques années ». « À quoi peut-on s'attendre à l'avenir ? », lui demande-t-on. « Des maladies liées aux moustiques, classiquement « exotiques », sont maintenant capables d'être transmises par un moustique tempéré en France.  Le premier cas de dengue autochtone en France date de 2010. On avait eu un premier cas autochtone de chikungunya en 2010 également, et un premier cas de zika en 2019.  Avec le changement climatique, il faut s'attendre à davantage de moustiques et donc de virus. Au lieu d'avoir des moustiques à partir de début mai, on les verra dès avril. Et ils resteront plus tard après la fin de l'été.  Plus il va faire chaud à l'extérieur, plus le cycle de développement du moustique va se raccourcir. Entre l’œuf et l'adulte, il faut dix jours. Mais si la température augmente par exemple de cinq degrés, le cycle se raccourcit à huit jours. À l'avenir, on aura donc des densités de moustiques qui vont augmenter puisqu'il leur faudra moins de temps pour devenir adulte », explique Anna-Bella Failloux. Et d’ajouter : « Le changement climatique va, par ailleurs, leur offrir davantage d'espaces à coloniser. Aujourd'hui, le moustique tigre est installé dans le sud de la France. Il va s’y installer durablement et tenter de coloniser d'autres sites plus au nord qui lui offriront un espace où les températures seront de plus en plus adaptées à son développement et à sa survie ». Est-ce un motif d’inquiétude ? « Il faut rester vigilant, essayer d'anticiper. On s'attend à une hausse des virus car les populations continuent à voyager et les écosystèmes autour de nous, fortement perturbés, seront prêts à accueillir les moustiques, souligne Anna-Bella Failloux. Dans le cas de la dengue, il n'y a pas de vaccin à large utilisation et les moustiques tigres sont résistants aux insecticides qu'on utilise. Or la dengue tue entre 30 000 et 50 000 personnes par an dans le monde.  On teste différentes méthodes pour l'éradiquer. L'une d'elle consiste à introduire dans la nature des moustiques infectés par une bactérie bloquant la circulation du virus. On le fait aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.