Covid-19 : cibler les macrophages

19 Mai 2020
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En ciblant des cellules du système immunitaire impliquées dans l’inflammation, une équipe de l'Inserm de l’institut Gustave-Roussy à Villejuif espère réduire leur production de molécules associées à la survenue du syndrome respiratoire aigu chez les personnes atteintes de Covid-19. Les chercheurs-ses misent dans un premier temps sur le repositionnement de médicaments déjà utilisés dans d’autres indications thérapeutiques. Si cette approche thérapeutique s’avère payante, ils-elles se lanceront dans le développement de médicaments plus spécifiques, précise un communiqué de l'agence de recherche (4 mai). À Villejuif, l’équipe de Jean-Luc Perfettini (unité 1030 Inserm/Université Paris-Saclay/Institut Gustave-Roussy) travaille sur une nouvelle stratégie thérapeutique pour contrer le Covid-19 : la reprogrammation fonctionnelle de cellules du système immunitaire, les macrophages (cellules du système immunitaire chargées d’absorber et de digérer les corps étrangers). En effet, les données déjà disponibles au sujet de cette nouvelle maladie indiquent que le syndrome respiratoire aigu associé, qui peut être mortel pour certaines personnes, serait dû à des lésions des tissus pulmonaires provoquées par un afflux extrêmement important de molécules inflammatoires : des cytokines (substances synthétisées par certaines cellules du système immunitaire, agissant sur d'autres cellules immunitaires pour en réguler l'activité). Les spécialistes parlent même « d'orage » ou de « tempête cytokinique ». Or, ces molécules pro-inflammatoires sont essentiellement produites par les macrophages, rappelle l'Inserm. « Ces cellules ont la capacité de passer d’un état anti-inflammatoire à un état pro-inflammatoire selon les situations et les maladies », explique Jean-Luc Perfettini. Les chercheurs-ses ont notamment identifié une protéine impliquée dans ces changements d’état : NLRP3. Celle-ci conduit habituellement à la production de cytokines pro-inflammatoires en réponse à des signaux alertant l’organisme de la présence d’intrus tels que des microbes ou des cellules cancéreuses, mais elle peut aussi être directement contrôlée par des protéines microbiennes et favoriser l’infection. Ici, l’objectif est donc de reprogrammer les macrophages en prenant NLRP3 pour cible, afin de les rendre moins pro-inflammatoires et d’empêcher la tempête cytokinique liée à l'infection à Covid-19. Pour cela, le chercheur mise sur le repositionnement de médicaments. Certaines molécules déjà sur le marché ciblent directement ou indirectement la protéine NLRP3. D’autres présentent une structure susceptible d’avoir une affinité pour cette dernière. Les chercheurs-ses ont ainsi identifié douze candidats et sont en train de les tester in vitro sur des macrophages. Deux des molécules sont d’ores et déjà extrêmement prometteuses, affirme le communiqué de l'Inserm. L’équipe recherche actuellement les doses et les séquences d’utilisation qui pourraient présenter un intérêt thérapeutique. Elle travaille également sur leur formulation, pour permettre une administration par nébulisation (sous la forme d’aérosols). Une fois cette étape achevée, ces candidats médicaments passeront dans les mains de l'équipe de Roger Le Grand (unité 1184 Inserm/Université Paris-Saclay/CEA, Fontenay-aux-Roses) qui les testera chez l’animal (le singe). Parallèlement, Jean-Luc Perfettini se rapprochera de cliniciens-nes pour monter un essai chez l’humain. « L’objectif est d’aller le plus vite possible compte tenu de l’urgence sanitaire. C’est pour cela que nous misons d’abord sur le repositionnement de médicaments, qui évite bien des étapes dans le développement. Dans un second temps, si le ciblage de NLRP3 s’avère efficace, nous développerons de nouvelles molécules plus spécifiques », explique-t-il. Cette stratégie de détournement de la protéine NLRP3 a récemment été mise en oeuvre par la même équipe dans le cadre de l'infection à VIH-1. Les chercheurs-ses espèrent que ces molécules auront un effet sur la réplication du virus. « Dans le cas du VIH-1, la protéine NLRP3 contrôle l’infection virale. Si cela est également le cas avec le Sars-CoV-2, nous ferions coup double en réduisant la charge virale et en limitant la réaction pro-inflammatoire et le risque de détresse respiratoire », espère Jean-Luc Perfettini.