Drogues et expulsion des locataires : le Conseil constitutionnel censure

27 Janvier 2017
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L’article 119 de la nouvelle loi égalité et citoyenneté, votée en décembre 2016, avait suscité l’indignation de plusieurs associations et syndicat (1). L’article, proposé par des députés socialistes contre l’avis du gouvernement et adopté, disposait que : "Le contrat de location est résilié de plein droit, à la demande du bailleur, lorsque le locataire ou l’un des occupants du logement a fait l’objet d’une condamnation au titre d’une infraction sanctionnée à la section 4 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal et concernant des faits qui se sont produits dans le logement, l’immeuble ou le groupe d’immeubles". Cette disposition permettrait ainsi l’expulsion de locataires y compris des familles avec leurs enfants à la demande du bailleur, privé ou social, si un occupant du logement a été condamné pour acquisition, transport ou détention de stupéfiants. Cette disposition faisait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel. Le conseil constitutionnel vient de rendre sa décision sur la loi égalité et citoyenneté qui lui avait été déférée par les parlementaires selon la procédure de l’article 61 de la Constitution. Le conseil constitutionnel censure l’article 119 de la loi EC : pas de clause résolutoire du bail pour les usagers de drogues. Les associations AIDES, Asud, Droit au logement, Médecins du Monde, et le syndicat de la magistrature avaient déposé un mémoire concluant à l’inconstitutionnalité de cette disposition. Dans un communiqué (27 janvier), associations et syndicat font part de "leur satisfaction que le Conseil [ait] censuré l’article 119  du projet de loi qui prévoyait donc "une résiliation de plein droit des contrats de location en cas de condamnation pour trafic, détention, acquisition, cession de stupéfiants du locataire ou de l'un des occupants du logement, dès lors que les faits avaient été commis dans le logement, l’immeuble , ou l’ensemble immobilier". "Avec cette censure, notre objectif est donc atteint : préserver l’objectif à valeur constitutionnel qu’est le droit au logement, indispensable au respect du droit à la santé", concluent leur communiqué. Le 19 janvier dernier, les associations et le syndicat rappelaient que cette mesure, si elle entrait en vigueur, "constituerait une réponse pour le moins inefficace aux nuisances induites par les trafics de stupéfiants : l’expulsion d’une personne n’empêche nullement les activités illicites de se poursuivre dans un lieu où les réseaux sont implantés et qui sont d’ailleurs de plus en plus tenus par des personnes non résidentes du lieu de trafic pour des raisons de rentabilité". Ils avançaient aussi que "cet article [entrait] en totale contradiction avec les politiques de réduction des risques et de prévention de la récidive, et d’autre part la prévention des expulsions locatives et la lutte contre la grande exclusion. Les usagers de drogues fréquentant les structures de réduction des risques et spécialisées en addictologie ont déjà difficilement accès au logement" Ils concluaient que "cette mesure aurait un impact très grave sur les parcours de soins des personnes souhaitant se réinsérer, particulièrement après une condamnation. Avoir un logement stable est une condition essentielle pour obtenir des droits qui permettent l’accès aux soins. Le retard dans le recours aux soins est beaucoup plus fréquent chez les patients vivant dans des conditions précaires". Tout cela est désormais évité avant la censure de cet article.

(1) : Le Syndicat de la magistrature, AIDES, Asud (Association d’auto-support des usagers de drogues), Droit au logement (DAL), Médecins du Monde et le syndicat de la magistrature