La taxe « lapin » fait débat

20 Février 2023
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Les sénateurs-rices ont mis sur la table mardi 14 février un mécanisme ouvrant la voie à une indemnisation des rendez-vous médicaux non-honorés par les patients-es et à une « pénalisation financière des patients indélicats », une initiative qui répond à une demande des représentants-es des médecins. Le Sénat a examiné en première lecture dans l’hémicycle une proposition de loi pour l’accès direct à certains-es infirmiers-ères en pratique avancée (IPA), kinésithérapeutes et orthophonistes, à laquelle s’opposent les médecins libéraux. En commission, les sénateurs-rices ont adopté un article additionnel à ce texte pour tenter de trouver une solution au problème des rendez-vous médicaux non-honorés, qui atteindraient le nombre de 28 millions par an, selon les syndicats de médecins cités par la rapporteure Corinne Imbert (LR), mais les chiffres sont contestés. La Cnam « recommande la plus grande prudence sur ces données », évoquant un taux d’annulation de rendez-vous entre 3 et 4 %. L’article additionnel modifie le code de la santé publique afin de prévoir que la convention médicale détermine les modalités et les conditions d’indemnisation du médecin. Elle devra aussi déterminer les conditions dans lesquelles les sommes versées sont mises à la charge du-de la patient-e qui « fait faux bond sans raison légitime ». Le dispositif pourrait prendre la forme d’un recouvrement de la somme par la caisse d’assurance maladie sur des remboursements ultérieurs versés au-à la patient-e au titre d’autres prestations, suggère la commission des Affaires sociales. Cette pénalisation « aurait ainsi un effet dissuasif et responsabilisant » : réduire le nombre de rendez-vous annulés au dernier moment ou auxquels les patients-es ne se présentent pas « permettrait de redonner du temps médical utile aux médecins », souligne la rapporteure. Cette disposition est très sévèrement critiquée par les associations de patients-es, tout spécialement France Assos Santé (FAS). « L’idée d’une sanction financière est une mauvaise solution au problème », a réagi FAS, dénonçant « une mesure absurde en matière de santé publique et en totale contradiction avec la réduction des inégalités sociales de santé ». Réclamant la « suppression pure et simple » de ce qu’elle qualifie de « taxe lapin », cette fédération a déploré que le texte, porteur de « progrès concrets sur l’accès aux soins », ait été « scandaleusement raboté par les sénateurs en commission ». Votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en première lecture, avec l’abstention du RN et de LR, la proposition de loi de la députée Renaissance Stéphanie Rist vise notamment à élargir les missions des infirmiers en pratique avancée (IPA), un statut créé par la loi Touraine de 2016, puis un décret en 2018. Les patients-es pourraient se rendre chez ces soignants sans passer par un médecin, mais toujours dans le cadre d’un « exercice coordonné » avec ce dernier. La proposition de loi permet également un « accès direct » aux kinésithérapeutes et orthophonistes exerçant dans des établissements de santé. En commission, les sénateurs-rices ont donné un premier feu vert à ces dispositions, mais amendées, de sorte à « garantir la sécurité des soins » et « conserver le rôle central du médecin dans la coordination et le suivi des patients ». La commission a regretté le calendrier « particulièrement inapproprié » de l’examen de ce texte, alors que « les négociations de la prochaine convention médicale battent leur plein ». Les médecins libéraux-les étaient d’ailleurs appelés-es à cesser le travail mardi 14 février et à manifester entre le ministère de la Santé et le Sénat, pour réclamer des hausses de tarifs et s’opposer à la proposition de loi Rist.