Le CCNE défend l’AME

13 Octobre 2023
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Les attaques répétées contre l’AME (Aide Médicale d'État) durent depuis des années. Aujourd’hui, c’est le ministre de l’Intérieur qui entend porter l’estocade en échange d’un soutien de l’opposition de droite à l’Assemblée nationale au futur projet de loi Asile et Immigration. La position de Gérald Darmanin ne plait pas à la Première ministre, Élisabeth Borne, qui lui a rappelé que son choix personnel n’était pas celui du gouvernement. Elle a d’ailleurs décidé la création d’une « mission » chargée de déterminer si « des adaptations » de l’AME sont « nécessaires ». Ce travail préparatoire a été confié à un opposant à l’AME actuelle, Patrick Stefanini, et à l’ancien ministre socialiste de la Santé, Claude Evin. La question d'une éventuelle réforme de l'AME s'inscrit dans le débat plus large sur le projet de loi Asile et Immigration, porté par Gérald Darmanin et qui sera discuté au Sénat à partir du 6 novembre. La mission commandée par Matignon bloque temporairement la stratégie du ministre de l’Intérieur, mais jusqu’à quand. Aujourd’hui, des experts-es, des militants-es associatifs-ves, une partie de la société civile et des institutions commencent à craindre une probable nouvelle détérioration de l’AME. C’est ce que l’on comprend à la lecture du tout récent communiqué (12 octobre) du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE). L’institution présidée par le Pr Jean-François Delfraissy rappelle d’abord « son engagement pour une éthique de la fraternité envers les personnes exilées ». Un concept qui ne semble pas compris par l’ensemble du gouvernement. « La solidarité et la dignité sont des valeurs fondamentales qui doivent guider les politiques de santé pour le bien-être de tous », explique le CCNE, qui exprime « sa vive préoccupation quant à la menace qui pèse sur l'Aide médicale d'État ». Et pourtant, rappelle le CCNE dans son texte : « L’Inspection générale des Affaires sociales et l’Inspection générale des Finances dans un rapport conjoint en 2019 » ont démontré que ce dispositif « répond en premier lieu à un principe éthique et humanitaire, mais aussi à un objectif de santé publique». Le CCNE rappelle aussi que dès 2017, dans son Avis 127 sur la santé des migrants, il « mettait en lumière les défis d'accès aux soins rencontrés par les personnes exilées en France, un pays d'immigration depuis plusieurs décennies ». Il affirmait alors que, « la santé, au sens de la définition que donne l’OMS, ne doit en aucun cas pouvoir être instrumentalisée, notamment en maintenant de mauvaises conditions sanitaires comme outil de refoulement ». Ce que semble craindre l’institution à la suite de l’annonce de Gérald Darmanin. « Les mouvements migratoires sont le produit de divers facteurs tels que la croissance démographique, les enjeux climatiques et les crises géopolitiques majeures. Ils sont destinés à se répéter et persister. Cette réalité incontestable doit nous pousser à agir avec fraternité et solidarité », avance d’ailleurs le CCNE qui doit bien avoir conscience qu’il bouscule le discours dominant d’une grande partie de la classe politique actuelle qui pense exactement le contraire. « Dans un contexte géopolitique complexe, le CCNE réitère son soutien aux populations contraintes à l'exil et son attachement à l'AME. Il estime que ce dispositif demeure indispensable car offrant aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire français un accès aux soins de santé, que ce soit en médecine de ville ou en milieu hospitalier ». Et de conclure : « En conformité avec les recommandations formulées dans son Avis 140 destiné à repenser le système de soins sur un fondement éthique, le CCNE exhorte les décideurs à accorder une attention particulière aux personnes exilées. Qu'elles soient réfugiées, demandeuses d'asile ou dépourvues de titre de séjour, elles cumulent de nombreux facteurs de vulnérabilité. Il est de notre devoir de les soutenir dans leur droit fondamental à la santé ». Difficile d’être plus clair.