Les déserts médicaux divisent

9 Juillet 2023
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Débat. L'Assemblée nationale va-t-elle toucher à la liberté d'installation des médecins ? Pour lutter contre les déserts médicaux, un groupe transpartisan espère bien remporter un bras de fer contre le gouvernement en adoptant un texte contraignant pour les médecins. « Ça va être chaud », admet le ministre de la Santé et de la Prévention. « Créer des rigidités et des contraintes » pour l'installation des professionnels-les de santé « sera totalement contre-productif, et ne ferait que détourner plus encore de l'exercice de la médecine », a expliqué le ministre. Les députés-es ont entamé l'examen en première lecture d'un texte du camp présidentiel contre les déserts médicaux, porté par le député Frédéric Valletoux (groupe Horizons). Avec le soutien du gouvernement et de 200 députés-es de la majorité, il entend « accroître la participation des établissements de santé à la permanence des soins », en visant en premier lieu les cliniques privées, qui seraient obligées de prendre part notamment aux urgences.  Sa proposition de loi prévoit aussi d'interdire l'intérim en début de carrière pour certains-es soignants-es, et d'ouvrir, dès la troisième année, la possibilité pour les étudiants-es en médecine de signer des « Contrats d'engagement de service public », avec une allocation mensuelle contre un engagement dans un désert médical. Ce qui crispe le gouvernement et sa majorité, c’est un amendement au texte, porté par le député socialiste Guillaume Garot, et un groupe transpartisan d'élus-es venant de presque tous les groupes politiques, y compris ceux du camp présidentiel. Le RN n'a pas été associé. Cet amendement prévoit de remettre en question la liberté de principe pour les médecins de s'installer dans des zones déjà bien pourvues en soignants-es, en instaurant une « régulation ». Pour aller dans un secteur déjà bien doté, les médecins libéraux et chirurgiens-dentistes devraient obtenir une autorisation de l'Agence régionale de santé (ARS), conditionnée, par exemple, au départ à la retraite ou au déménagement d'un-e médecin exerçant le même type d'activité. Le député Frédéric Valletoux est opposé à une « régulation » immédiate, estimant que les effectifs de médecins seront trop faibles ces cinq ou dix prochaines années pour qu'elle résolve le problème : « J'y serai favorable le jour où on a des effectifs de soignants importants à dispatcher sur le territoire ».  Le ministre François Braun torpille la mesure proposée, qui risque de « pourrir la situation ». D’autant que certains-es professionnels-les sont déjà opposés-es à la version « Valletoux » du texte, notamment parce qu’elle prévoit que les médecins libéraux-ales soient rattachés-es automatiquement, « sauf opposition », aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), censées faciliter la coordination à l'échelle du territoire. La profession est d’ailleurs sur le pied de guerre : quatre des six syndicats représentatifs (Avenir Spé, UFML, FMF, SML) ont annoncé lundi 12 juin une grève illimitée à partir du 13 octobre. Dans ce contexte, le ministre François Braun est revenu sur l’année supplémentaire de la formation des médecins. Les internes en médecine générale, jusqu'à présent formés-es en trois ans, devront à l'avenir effectuer une année supplémentaire « en cabinet médical », qui pourra être payée « jusqu'à 4 500 euros net par mois », a annoncé (12 juin) François Braun. Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, votée dans le dernier budget de la Sécu (PLFSS 2023), cette mesure concernera les futurs généralistes qui débuteront leur internat en septembre et donc leur quatrième année à l'automne 2026.  Cette année supplémentaire ne sera « pas juste une année de plus », a assuré François Braun. Elle comprendra « deux stages de six mois » effectués (sauf exception) « dans le même cabinet médical », avec une participation obligatoire à la « permanence des soins » le soir et le week-end. En contrepartie, les internes bénéficieront du statut de « docteur junior », assorti d'une rémunération de 32 000 euros brut par an. Ils garderont aussi 20 % des honoraires de leurs consultations — dans une fourchette de 10 à 30 actes par jour.  Ceux-celles qui choisiront d'exercer dans un désert médical « recevront une indemnité supplémentaire », a indiqué le ministre, rappelant que cette réforme vise à la fois un « renforcement de la spécialité de médecine générale » et « de l'accès à la santé dans les territoires ». Au total, les généralistes en dernière année d'internat pourront ainsi empocher « jusqu'à 4 500 euros net par mois ». Au final, le dispositif devrait concerner 3 600 internes par an. À condition toutefois de trouver des maîtres de stage pour les accueillir : le ministre a, pour cela, fixé un objectif de 16 000 praticiens-nes formés-es fin 2026, contre 13 000 actuellement.