Disparition d’Agnès Daniel

Publié par Fred Lebreton le 04.08.2023
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InitiativeAgnès Daniel

Administratrice de AIDES et militante du lieu de mobilisation de Clermont-Ferrand depuis 1992, Agnès Daniel a eu de nombreuses fonctions d’élue au cours de ses 31 années d’engagement dans l’association. La militante est décédée jeudi 3 août 2023. Seronet lui rend hommage.

Plus de 30 ans de militantisme

« J'ai poussé la porte de AIDES à Clermont-Ferrand car un ami très proche m'a annoncé sa séropositivé et j'ai observé toutes les discriminations dont il a été victime (sérophobie, homophobie, biphobie, etc.). J'ai toujours été combative et combattante et AIDES a répondu à toutes mes attentes. Je suis engagée principalement auprès de détenus-es et des personnes immigrantes » expliquait Agnès dans une interview à Seronet le 9 mars 2018 à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.

En 31 ans de militantisme à AIDES, Agnès Daniel s’est engagée pour agir, mais aussi s’impliquer politiquement dans la lutte contre sida. La militante a siégé au Conseil d’Administration de l’association à partir de 2015, en tant que présidente de la région Auvergne, puis à partir de 2017 comme présidente de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Agnès était également membre du Bureau de AIDES à compter de 2021 au poste de secrétaire générale adjointe. Ces dernières années, la militante était particulièrement investie sur les actions prison et sur les actions de RDR (réductions des risques) auprès des usagers-es de drogues. Agnès était également présente dans plusieurs instances extérieures où elle n'avait pas peur de représenter AIDES, ses valeurs, son plaidoyer partout où elle siégeait.

Féministe, Agnès tenait beaucoup à encourager la place des femmes à AIDES notamment dans les instances politiques de l’association mais aussi dans les actions : « En tant que présidente de la région Auvergne-Rhône-Alpes de AIDES, je suis sans doute plus vigilante quant à la participation des femmes dans les instances, même si nous sommes encore minoritaires au sein du Conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes ; sur cinq femmes faisant partie du Conseil régional de AIDES trois sont issues d'Auvergne — historiquement dans AIDES, le comité auvergnat a toujours été féminin. J'essaie de valoriser le travail des militantes ; je pense que je suis plus attentive aux demandes et aux problématiques rencontrées par les femmes (santé, droits, violences, sexisme ordinaire, etc.). Pour améliorer la place des femmes dans AIDES, il faut que nous soyons plus visibles ! Que nous nous sentions encore plus légitimes qu'actuellement. Que nous soyons plus présentes sur des postes en responsabilité. Nous ne prenons pas suffisamment la parole en notre nom. Il faut que nous prenions notre place dans AIDES et ne pas attendre qu'on nous la donne ! »

Dans la continuité de ce combat pour la visibilité des femmes dans l’association, Agnès avait participé à diverses actions de communication ces dernières années. Citons par exemple cette vidéo réalisée le 8 mars 2022 dans le cadre de la campagne « Où sont les femmes ?! » Quelques mois plus tard, Agnès faisait partie des visages de la campagne nationale de AIDES du 1er décembre 2022 qui mettait en valeur les militants-es de l’association : « J’ai souvent râlé en disant que les personnes sur nos affiches de campagne ne ressemblaient pas forcément aux militants-es. Là, on a fait appel à nous. Je me suis dit "c’est facile de râler, mais il faut aussi y aller." C’est un chouette hommage aux militants-es ».

Une infinie tristesse

Les premières réactions suite au décès brutal d’Agnès Daniel montrent l’ampleur de son engagement et la tristesse de celles et ceux qui ont milité à ses côtés. Dans un message envoyé aux militants-es de AIDES, Camille Spire, présidente de l’association fait part de son « infinie tristesse » : Agnès était une figure incontournable de notre association depuis 31 ans » souligne Camille Spire. « Son histoire dans AIDES est celle de l’histoire de la lutte ! Elle a poussé la porte du lieu de mobilisation à Clermont-Ferrand en 1992, affectée et touchée personnellement par le traitement réservé aux personnes vivant avec le VIH/sida. Depuis, elle a toujours placé les personnes séropositives au centre de son engagement » rappelle la présidente de AIDES. Et Camille Spire de conclure : « Ensemble, continuons son combat, notre combat. Toutes nos pensées à l’ensemble des militants-es de Clermont-Ferrand, à Fabienne, Monique et Christopher, aux proches d’Agnès, à son fils Ben, ainsi qu’aux volontaires et salariés-es qui l’ont suivie dans son parcours, ses actions, ses frondes ».

Contactés par Seronet, les militants-es du lieu de mobilisation de AIDES à Clermont-Ferrand, où Agnès était élue, font également part de leur grande tristesse : « Agnès laisse un vide énorme et un lieu de mobilisation orphelin. Elle était très attachée à son engagement local ».

Stéphane Giganon, amie de longue date d’Agnès Daniel et Directrice Démarche Qualité à AIDES a tenu à lui rendre hommage : « Agnès, une militante, une mère, une enseignante,  la définition même d'une femme engagée. Elle adorait « mes » Craven A, car elle en fumait plus jeune… Elle m'appelait ma Gigi tout le temps, et faisait bien le singe avec les mains au-dessus de la tête. Nos journées de travail en AGL et nos soirées sont gravées pour toujours. Son soutien était sans faille ».

Beaucoup d’émotions aussi chez Fabienne Gelas, amie proche d’Agnès et militante de AIDES : « J'ai rencontré Agnès en juillet 1994 sur un stand de AIDES lors d'un festival... Nous ne nous sommes plus quittées. Je perds une sœur, dans ma famille choisie de AIDES, sœur de tous nos combats et sœur de cœur. Je pleure… »

De son côté, Vincent Leclercq, Directeur général de Coalition PLUS, insiste sur la vision globale d’Agnès Daniel dans la lutte contre le VIH : « Elle avait participé au congrès de Dakar, faisait partie du groupe de travail de Coalition PLUS sur le projet associatif et de manière générale a toujours eu un attachement et une sensibilité aux questions de solidarité internationale dans le VIH. Elle avait bien conscience que notre combat était global ».

Laissons les mots de la fin à Agnès : « Volontaire depuis 1992, je suis séro-affectée. Mon entourage familial et amical a été touché de plein fouet par cette épidémie durant les « années de cendres ».  Je continue mon engagement car je suis intimement convaincue que AIDES et ses militants-es peuvent faire changer les choses ».

Merci Agnès.