Monopole dans le traitement de l’hépatite C : quels risques ?

Publié par jfl-seronet le 18.12.2014
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ThérapeutiqueHarvoniSolvadivhchépatite C

Plusieurs communiqués associatifs ont dénoncé le prix retenu pour le Sovaldi (voir article sur Seronet), mais outre le scandale du prix, un autre problème se pose : celui du risque "d’assister à l’organisation d’un monopole dans le traitement de l’ hépatite C". C’est ce que craint et dénonce dans un communiqué (6 décembre) l’association SOS hépatites. Explications.

"L’arrivée de nouveaux traitements contre l’hépatite C permet d’espérer l’éradication du virus chez la quasi-totalité des malades. Mais nous assistons aujourd’hui à la mise en place d’une véritable stratégie de rationnement, créant ainsi une inégalité d’accès aux soins intenable dans la durée. Cette organisation, ce qui est un comble, crée une situation de monopole pour un laboratoire qui a pratiqué des prix exorbitants,  qui a été fustigé pour son comportement non responsable et à qui on octroie encore une ATU de 48 000 euros pour Harvoni. Où sont les concurrents ? L’état français vient ainsi de créer et de favoriser un environnement anti concurrentiel au détriment des patients et de ses citoyens", dénonce SOS hépatites. L’association analyse d’ailleurs étape par étape ce qui aboutit à la situation d’aujourd’hui.

Rappel des faits

"En mai 2014, le médicament Sovaldi accède au marché français sous le régime des ATU (autorisation temporaire d’utilisation) au prix de 56 000 euros (par mois). Le premier rapport d’experts coordonné par le Pr. Daniel Dhumeaux, permet de réaliser que les recommandations qu’il contient ne pourront pas être appliquées en raison du poids financier que le Sovaldi fait peser sur les comptes de l’Assurance-maladie. C’est la première fois que des arguments économiques l’emportent sur les arguments scientifiques et thérapeutiques. Clairement, nous ne pourrons pas traiter tout le monde si nous ne voulons pas faire exploser les comptes sociaux.

Les premières recommandations de la HAS, plus restrictives que celles du rapport Dhumeaux, viennent tristement confirmer la tendance. Marisol Touraine déclare que son intention est de permettre un accès le plus large possible aux nouveaux traitements et que tous les moyens seront employés pour faire plier Gilead, y compris en faisant jouer la concurrence dans un contexte d’arrivée de nouvelles molécules en 2014 et 2015. Et en effet, nous apprenons qu’en juillet 2014, AbbVie dépose une demande d’ATU pour son association Viekirax/Exviera et propose de fournir gratuitement le traitement dans le cadre de cette ATU.

Parallèlement, Gilead dépose une autre demande d’ATU : cette fois pour Harvoni (sofosbuvir + lédipasvir), sa propre combinaison thérapeutique. Mais toutes ces nouvelles demandes d’ATU sont bloquées par le gouvernement pendant l’examen parlementaire du projet de loi de finances de la Sécurité sociale et notamment de la clause établissant une enveloppe budgétaire fermée pour le remboursement des nouveaux médicaments dans l’hépatite C. Elles restent toujours bloquées pendant la négociation des prix des médicaments de Gilead.

Il y a 1 mois enfin, le prix commercial du Sovaldi est fixé à 41 000 euros, et l’ATU d’Harvoni est accordée pour un prix de 48 000 euros !

Pas d’avis sur "l’ATU gratuite d’AbbVie" ?

Mais que se passe-t-il pour la combinaison du laboratoire AbbVie ? "Nous attendons… nous ne savons pas ! Personne n’est capable de nous répondre. Incompréhensible alors que tous les experts interrogés demandent à pouvoir utiliser ces molécules, qui, en plus, sont gratuites pendant plusieurs mois, permettant ainsi à l’Assurance Maladie d’économiser des dizaines de millions d’euros", déplore SOS hépatites. "Ce n’est pas un problème d’efficacité : Viekirax/Exviera affiche entre 96 et 100 % de guérisons avec un plan de développement très solide y compris pour les populations de patients les plus difficiles à traiter", avance le communiqué de l’association. "Il va falloir que les autorités nous expliquent pourquoi elles ont accordé une ATU à Harvoni à un prix de 48 000 euros, alors qu’elles pouvaient estimer les besoins thérapeutiques couverts grâce aux associations sofosbuvir/daclatasvir (Sovaldi/Daklinza) ou sofosbuvir/siméprévir (Sovaldi/Olysio)", demande l’association. "Il va falloir aussi qu’elles nous expliquent alors, pourquoi elles n’ont toujours pas statué sur l’ATU gratuite d’AbbVie. Deux poids, deux mesures ? Y-aurait-il des accords secrets ?

Là où les arguments thérapeutiques ne tenaient plus, nous pensions que les arguments financiers l’emporteraient. Et bien non ! C’est d’une incohérence totale", dénonce SOS hépatites. L’association conclu en interpellant ainsi Marisol Touraine : "Madame la Ministre, aidez-nous, expliquez-vous parce que là, nous sommes perdus !"