Taire sa séropositivité : La Cour suprême du Canada tranchera

Publié par jfl-seronet le 20.02.2012
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Une personne séropositive au VIH est-elle dans l'obligation légale de divulguer son état de santé à son partenaire, malgré un faible risque de transmission et l'usage de préservatifs ? C’est sur cette question qu'a planché, le 8 février 2012, la Cour suprême du Canada.
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A cette occasion, la juridiction a ententu l'appel des procureurs du Québec et du Manitoba sur deux affaires distinctes. Seronet a déjà parlé de celle de Québec. En 2010, la Cour d'appel du Québec cassait une décision qui reconnaissait une femme coupable de voies de fait grave et d'agression sexuelle pour avoir eu des relations avec son conjoint sans l'informer de sa séropositivité. Comme le rappelle l’agence QMI (2 février), le tribunal avait alors conclu, contrairement au jugement de première instance, que "les risques de transmission du VIH étaient très faibles", puisque la charge virale de la femme mise en cause était indétectable au moment des faits. Autrement dit comme les risques étaient très faibles, la femme n’avait pas mis en danger la santé de son partenaire, ni "vicié le consentement de ce dernier à avoir ce rapport sexuel avec elle", comme le rappelle un article très complet de la "Revue VIH/SIDA, droit et politiques" d’octobre 2011 publiée par le Réseau juridique canadien VIH/sida. Du coup, elle ne pouvait être condamnée. Une affaire similaire avait aussi eu lieu au Manitoba. A la suite de ces deux jugements de cour d’appel, la justice canadienne avait décidé de faire appel de ces deux derniers jugements. "Nous faisons appel d'une décision de la Cour d'appel du Québec qui a substitué un verdict de culpabilité par un verdict d'acquittement", a expliqué Maître Jean-Pascal Boucher, porte-parole du Bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec, cité par l’agence QMI. Il parle même d’une "question d’ordre national".


Selon les observateurs, la Cour suprême pourrait "nuancer" une décision qu'elle a rendue en 1998 [arrêt Cuerrier] qui statuait qu'une personne vivant avec le VIH avait l'obligation légale d'informer son partenaire de son état de santé avant un rapport sexuel qui comporte un "risque important" et cela même avec l’utilisation de préservatifs lors des rapports. Le fait de ne pas mentionner son statut peut être considéré comme une fraude dans des affaires de voies de fait grave et d'agressions sexuelles. Comme l’explique l’agence QMI, une coalition de huit organismes canadiens, qui interviendra à la Cour suprême dans le cadre de l'entente des appels, espérant voir la décision de 1998 être maintenue. D’autres associations espèrent bien que la jurisprudence changera. "A quoi ça sert d'aller au criminel lorsque le risque de transmission est faible et que les personnes se protègent avec des préservatifs", demande ainsi Maître Stéphanie Claivaz-Loranger, juriste de la COCQ-SIDA. Est-ce qu'on va se retrouver à accuser des gens pour un simple baiser ?" Plus de 120 poursuites ont été engagées depuis la première affaire pénale pour non-divulgation de la séropositive au VIH, en 1989.