Apaisement d'un trouble de la personnalité limite

Publié par balwin le 21.06.2015
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https://www.youtube.com/watch?v=IDWtFuI2sl0

J'ai trouvé cette représentation de la personnalité dite "limite" assez juste, même si on pourra toujours lui reprocher de nourrir par sa tonalité l'objet dont elle essaie de rendre compte.

Appréhender la personnalité limite dans un site dédié au sida n'est pas une incongruité en ce sens que se contaminer ou jouer à la roulette russe avec un phantasme de contamination peut représenter un apaisement chez celui qui souffre de cet excès de tension des ressentis.

Il ne s'agit pas de faire l'apologie de la contamination : l'apaisement est ponctuel et laisse très vite place à des angoisses de mort que tout un chacun connaît. Ca ne fonctionne pas mieux que l'alcool, le tabac ou toute forme de substances susceptibles d'apaiser un instant, rarement dans le long terme.  

On peut isoler des symptômes de cette personnalité, mais une fois dégagée une entité morbide, nous ne sommes guère avancés.

Il faut se représenter un être constamment angoissé, capable de se donner, voire et peut-être surtout s'adonner, s'abandonner avec une passion peu commune à laquelle fait écho un sentiment d'abandon violent. Si violent qu'il est à rapprocher du vide, de la néantisation : un au-delà de l'absence, une sorte de magma organique qu'il observe.

Car l'état limite n'est pas un état de "folie" ni véritablement une maladie : la personne voit, observe et sait que quelque chose ne fonctionne pas "bien": on pourrait évoquer que c'est une pathologie qui a échoué et laisse l'être sur un fil "avec tout l'épuisement qu'entraîne cet exercice d'équilibriste" (Source ne pouvant être citée.).

Il y a bien sûr des moments où cet être est anéanti parce que débordé : la fonction d'étanchéité des "bords de soi" ne fonctionne plus et l'affect prend le dessus à l'occasion d'une dysharmonie entre soi et un événement existentiel. Il est ici difficile pour autrui de comprendre comment un détail peut plonger l'autre dans un tel désarroi. Du reste, le désarroi n'est souvent pas visible, mais la réaction au désarroi l'est qui apparaît sous des formes qui laissent autrui désarçonné. Ce n'est pas une personnalité facile que la personnalité limite, fût-elle capable de bon et même de beaucoup de bonnes choses ! Peu facile à vivre certes, mais pas un être méchant : juste un être qui souffre trop souvent et trop fort pour ce qui semble être des broutilles.

Avec plus d'humour, on dira : "il y a quelque chose de pourri au royaume de l'état limite". Il est de fait un Hamlet en puissance, "être ou ne pas être" est une constante, quand il ne s'agit pas de désêtre, ce qui est plus grave.

C'est-à-dire que l'émotion fonctionne comme certaines théorisations des champs sémantiques : quand un élémént X est actualisé dans le discours, X montre que X', X", etc., n'ont pas été choisis par l'énonciateur mais auraient été susceptibles de l'être. Or, dans l'état limite, cette coexistence d'un X et X' est impensable en même temps que toujours présente à l'esprit : l'idée d'un "tout ou rien"s'impose, les choix sont impossibles ; activer ou actualiser un champ suppose ipso facto la rébellion d'un autre champ qui n'a pas été choisi.

Trouble de la personnalité qui n'entrave pas la vie sociable, il faut cependant en chercher l'origine dans des spères préoedipiennes : la relation d'objet a été entravée ; il y a eu une terrible violence, que l'on apparente souvent à un viol - je dirai un abus. Or, cette violence, l'état limite s'en tient pour le point d'origine : il sombrerait dans la folie, réussirait une psychose s'il parvenait à la faire venir de l'extérieur après l'avoir d'abord introjectée. Mais le conflit n'est pas pour autant résolu : il y a un aménagement, bien douloureux, autour de la provenance de l'intrusion, aménagement qui va pouvoir se nourrir des myhtes et codes sociaux autour des notions de "responsabilité" et, probablement, de "honte",  l'introduction du "merci".

Constante oscillation entre abandon et intrusion, conflit constant entre un terme X et un terme X' prompt à attaquer le choix de X, plus que X lui-même : la confusion entre choix et objet du choix opère là comme opère la redoutable consitance de ce qui n'a pas été choisi.

Cette position est d'autant plus intenable que pour actualiser un élément, il faut bien qu'il y ait un paradigme ouvert d'éléments en instance d'être validés dans le discours : l'état limite est dans un constant dilemne, lui-même en instance.   

Je proposerai que le milieu gay, que notre société actuelle en général sont de nature à être un terrain d'élection pour l'état limite : les changements d'objets d'amour y sont hautement facilités, voire valorisés après des Années sida prescriptives. Deux aspects jouent : Le premier consiste à ne pas avoir à s'engager, ce qui peut-être soulage pour ne pas confronter au dilemne ; le second consiste à démolir puisque l'on est alors dans un "hors le choix", hors la possibilité d'un apaisement de l'être abandonnique au profit d'un être boulimique faute d'addiction positive.

Car, outre qu'il est capable de se faire mal pour s'apaiser (se contaminer ; souscrire aux coïts aveugles, etc.) , l'état limite n'a besoin que d'un regard suffisamment constant et bon, assez bienveillant pour ne pas être intrusif pour comprendre qu'il est encore digne d'amour. (Le "encore" en italiques veut évoquer tous les contaminés qui ne se sentent plus "dignes d'amour", plus dignes d'être aimés.)

Il y aura des écueils avec lui, et mêmes de redoutables écueils, mais vous serez payés de retour par sa sensibilté, sa capacité à s'engager et la force de ses émotions, sa sensualité.

Si il y a maladie, c'est une maladie du temps, du reste mis à dure épreuve avec le vih.

Y a-t-il un soin que c'est l'amour qui s'inscrit dans le temps dans une dimension d'apaisement et de sécurité.

      

J'ai voulu évoquer là les liens possibles entre un état psychique dit "limite" et le vih, montrer un peu le vih comme une représentation rétroactive de l'effraction à l'origine de cet état. Partant, la dangerosité, l'illusoire des intrusions vécues comme un domptage de l'intrus si l'on va vers elles. Surtout et encore, montrer combien cela repose sur une difficulté préexistante à la contamination, un "préconstruit" en quelque sorte.

Il m'est apparu aussi important de montrer (quasiment du doigt !) combien ce qui est aujourd'hui socialement acceptable ou normalisé est prompt à nourrir le dilemne ches l'état limite.

On me pardonnera, je pense aisément, mon incursion du côté de la sémantique énonciative : je pense en effet que l'on ne peut pas faire l'économie de la question de l'actualisation d'un terme si l'on veut s'intéresser à l'"être ou ne pas être" qui anime notre état limite. Je ne nie pas pour autant qu'il y a une différence entre la modalité négative et l'introduction d'un terme autre que X, soit le dilemne :

X' = autre que X = X   

C'est bien là que sont emprisonnés l'état limite et sa souffrance ; cette souffrance "privée" qui demande à être reconnue : Il sait ne pas la montrer.

Voilà donc un être que la critique ne doit pas éreinter mais l'intelligence étudier.

L'amour et la caresse apaiser.

 

      

 

   

Commentaires

Portrait de Sealiah

J'ai parfois, souvent du mal,en te lisant.

C'est limpide.Je prends le temps de combler mes lacunes.

115 ans?Je pense que tu me ments sur ton âge.

Je m'interrogeais quant à la néccéssiter de consulter un psy il y a quelques jours.J'ai regardé le reportage sur St Anne.J'ai pas envie que mes émotions soient médicamenteusement modifiées juste pour rester en équilibre.

55 ans que je vis partagé.Un rien me fait basculer de l'amour à la haine.J'ai beaucoup d'amour et beaucoup de haine.Ma haine-souvenir,mon amour-présent.Haine contenue,présent pressant.

Quand le présent ressemble aux souvenirs,j'ai du souci à me faire et Toi aussi.

Je ne m'allonge pas sur ton divan.Ton sujet de blog m'entraîne vers d'autres réflexions que je n'avais pas encore exploités.

Ton dernier blog me plait,C'est lui qui ma amené ici.

Amicalement Lohic

Portrait de balwin

Bonsoir Lohic,

Merci pour ta confiance.

Je ne peux toutefois pas me permettre de jauger ce que tu vis.

Je n'ai pas les compétences nécessaires et ne me ferai pas démiurge, d'autant moins virtuellement et, surtout, par souci de toi : c'est un domaine si sensible.

Les symptômes de la personnalité "limite" sont très pénibles et cette organisation entre Iago et Othello est peu sensible aux psychotropes à ma connaissance ; disons que l'on peut p.ex apaiser un passage dépressif.

Mais le noyau n'est accessible, à mon sens, que par l'analyse ; analyse en général longue et coûteuse en investissements.

Quant à Sainte Anne, je n'ai pas vu de reportage. Si ce n'est plus le foisonnement intellectuel des Années 50, je suis assez convaincu que ça reste une bonne "crèmerie" - ce sont les mentalités qui ont changé, les besoins aussi.

Tu dois y être hospitalisée pour y être si sensible ?

  

Pour l'heure, bon courage et merci encore.

 

Bien amicalement

Portrait de Sealiah

Pour ta réponse.

J'en ferai bon usage.

Je te lirai toujours avec plaisir.

Amicalement Lohic.

Portrait de barberousse

"Deux aspects jouent : Le premier consiste à ne pas avoir à s'engager, ce qui peut-être soulage pour ne pas confronter au dilemne ; le second consiste à démolir puisque l'on est alors dans un "hors le choix", hors la possibilité d'un apaisement de l'être abandonnique au profit d'un être boulimique faute d'addiction positive."

 

Bonjour Baldwin, pourriez vous me traduire ce paragraphe avec des termes accessibles à mon petit niveau, à peine le bac , possible? merci

Portrait de balwin

Je suis très embarrassé. J'ai d'abord cru que c'était votre propre écrit. (C'est "La névrose d'abandon" de G.Guex ?)

Ne me demandez pas de me faire exégète : Encore une fois, je n'en ai ni le droit ni les compétences !

Il est évident que l'abandon est toujours au RV, angoisse couplée à celle d'intrusion.

Le mot "addiction" n'a pas une connotation si négative en anglais : c'est quand même bien une tentative de maîtrise de l'absence, non ?

De surcroît, je crois que le choix de l'objet d'addiction a été, à tort, peu théorisé. Certes, on pourra toujours dire que ce sont des sensibilités de certains neuro-transmetteurs. Mais on sait aussi que de nouvelles connections se font dans l'interaction.

Quand vous parlez du "dilemne", vous dites un symtôme qui est et qui est cruel surtout, d'autant plus cruel qu'il est souvent une stratégie dont il est difficile de se passer. "Tout foutre en l'air" est une autre stratégie face à l'intrusion plus qu'au choix je crois.

Avec ce sentiment d'être "dépossédé" de son choix ; d'agir pour sauver la peau de l'Autre. (L'abandonnique est souvent un enfant "pansement" qui a la lourde mission de préserver l'intégrité du premier autre, après qu'il a ressenti un changement qualitatif du soin et dont il se tient pour être à l'origine. Mais A.Green le dit bien mieux !)  

Vous parlez de choses complexes, Barberousse, et l'on ne saurait synthétiser ici, et si vite, ce que sont l'abandon et l'intrusion, les symptômes invalidants - mais qui restent opérationnels pour apaiser, au moins un moment.

C'est précisément parce que les symptômes ont une fonction - et parfois d'étayage, que je suis si frileux à aborder ce sujet en dehors de tout cadre. Je ne suis pas sans savoir ce qu'il en coûte de renoncer à ces symptômes.

J'ai aussi appris à comprendre qu'ils sont un Hydre et que ce domaine, cet espace "à la limite", épuisant, déroutant et douloureux réclame la plus grande prudence et une attention constante, un cadre surtout et encore ; cadre qui est une des garanties du succès thérapeutique : ce n'est pas, là, un artefact.

Bien à vous

PS Si les lectures sont précieuses, rien ne remplacera jamais un vrai travail où il est question d'actualiser qc qui a été vécu      mais pas expérimenté (cf. Winnicott, "La crainte de l'effondrement et autres essais cliniques.).

Portrait de balwin

Ce qui me semble important, dans le contexte de ce site, c'est que "tout détruire" pour apaiser l'angoisse, cela peut vouloir dire aller se contaminer volontairement - et dieu sait que l'apaisement est de courte durée !

Portrait de barberousse

L'apaisement est de courte durée alors que l'intrusion du virus est ad vitam eternam.

Alors, quand on se dit indétectable, est ce une forme d'apaisement? 

On peut penser que : Ne plus être contaminant

doit forcément s'inscrire dans une vision globale de santé publique et d'estime de soi ?

Est ce un leurre?

bien à toi

Portrait de balwin

Bonjour,

J'ai lu hier soir et ce matin encore votre "post" ; j'ai du mal à comprendre, à trouver l'articulation.

Vous voyez, je ne suis vraiment pas compétent en matière de santé publique !

Et puis, ce n'est pas facile de travailler les politiques de santé publique quand l'on a affaire à l'irrationnel de la sexualité. 

J'ai juste voulu évoquer qu'il y a des contaminations volontaires qui apaisent, un temps bref, certains symtômes

de la personnalité pathologique dont nous avons parlé : C'est-à-dire que la "nébuleuse" d'angoisse va trouver comme un point d'ancrage plus comptable, discernable. C'est aussi acter l'autre comme mauvais objet, contaminant, phagocytant, etc.

Mais, encore une fois, c'est une idée qui m'est propre, comme je crois que ça peut être manière de se punir d'être homosexuel, non aimable en quelque sorte.

Cdt.