C'est un jour comme un autre ... et pourtant vous êtes partis

Publié par jl06 le 11.03.2022
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Tatyana, Nikita et Alise... Une famille ukrainienne tuée alors qu'elle tentait de fuir, le père de famille raconte le drame

Ils sont morts le dimanche 6 mars, fauchés par une attaque russe alors qu'ils fuyaient la ville d'Irpin en Ukraine. Le père de famille qui ne pouvait pas être auprès d'eux s'est confié au New-York Times sur les derniers moments de vie de sa femme, de son fils et de sa fille qu'il ne pourra plus jamais serrer dans ses bras.

La rédaction  Publié le 11/03/2022 à 15:42, mis à jour le 11/03/2022 à 16:36 Tatyana Perebeynos, son fils Nikita et sa jeune fille Alise sont morts en fuyant la guerre en Ukraine. Photos DR / Facebook

Une image déchirante. Celle de trois corps gisant dans les rues d'Irpin, une ville désormais totalement défigurée par les frappes russes, située à une vingtaine de kilomètres de Kiev. Il n'y a presque plus personne. Seulement quelques habitants qui refusent de partir. Certains ont réussi à fuir alors que d'autres sont morts en tentant de le faire. 

"Pardonnez-moi, je n'ai pas pu vous protéger"

C'est le destin tragique qu'ont connu Tatyana Perebeynos, 43 ans, et ses deux enfants, Nikita, 18 ans et Alise, 9 ans. Les trois corps allongés au sol sur la photo qui a fait le tour du monde, ce sont les leurs. Laissant derrière eux un père rongé par la culpabilité et la colère. "Pardonnez-moi, je n'ai pas pu vous protéger, ils m'ont tous été enlevés. Et pourquoi?", a écrit Sergei sur Facebook.

Lorsque le drame s'est produit, il se trouvait à Donetsk dans l'est de l'Ukraine pour s’occuper de sa mère qui avait contracté la Covid-19. Sergei était parti mi-février. Et lorsque les Russes ont envahi le pays, il s'est retrouvé piégé et n'a pas pu quitter la ville.

 Aucun des trois membres de la famille n'a survécu. Photo AP.

Tous les trois ont perdu la vie le dimanche 6 mars après une attaque russe par des obus de mortier. Ils avaient leurs valises, bien décidés cette fois à quitter cette ville fantôme après avoir retardé l'échéance du départ. La mère de Tatyana - qui vivait à proximité de leur domicile avec son père - était atteinte de la maladie d'Alzheimer. Il fallait donc trouver un moyen de la mettre en sécurité.

Ils avaient déjà fui la guerre en 2018

Quelques jours avant qu'ils ne décident de partir, leur appartement est détruit par une énième offensive. La mère de famille et les deux enfants se cachent au sous-sol. La veille du drame, ils avaient déjà tenté de fuir, mais alors qu'ils s'apprêtaient à monter dans la voiture, un char a soudainement dévalé la rue. Ils décident que ce n'est pas le bon moment et regagnent le sous-sol.

Le lendemain, à 7 heures, ils prennent la route. Tatyana a pour objectif de rejoindre un groupe avec ses parents et ses enfants et de fuir tous ensemble vers Kiev. Ils ne font quelques kilomètres en voiture et doivent poursuivre à pied. La famille doit traverser un tronçon de route non protégé d’environ 100 mètres. Et c'est à ce moment-là que le drame se produit, alors qu'ils ne sont encore même pas sortis d'Irpin.

Sergei, sa femme et ses enfants, avaient déjà fui les violences à Donetsk et avaient décidé de s'installer dans cette ville en 2018.

Il apprend la mort de sa famille sur Twitter

Le père de famille pensait pouvoir suivre sa femme et ses deux enfants à distance, grâce à une application de localisation. Il se connecte une première fois et le signal lui indique que le portable Tatyana est toujours à leur domicile. Il suppose que c'est un problème de réseau. Ce n'est que vers 10 heures qu'un nouveau signal apparaît... dans un hôpital. Il sait que quelque chose de grave s'est produit. 

Il appelle mais personne ne répond. Une demi-heure plus tard sur Twitter, il lit un message dans lequel il est écrit qu'une attaque au mortier a tué une famille à Irpin. Puis il tombe sur une photo et reconnaît immédiatement les valises. "C'est comme ça que je l'ai su", raconte-t-il au New York Times. Les parents de Tatyana quant à eux sont en vie. Un miracle. 

 

Sergei a rejoint Kiev depuis. Il sait que là-bas la menace est constante, que les troupes russes ne sont plus très loin et que les combats font rage. Mais qu'importe, "je n'ai plus rien à perdre", déclare le père de famille résigné et dévasté par la colère et le chagrin.