Dix jours de calvaire avec la grippe A - Témoignage

Publié par nathan le 09.09.2009
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Jeune stagiaire au  Figaro, Soleyne Joubert, 20 ans, a contracté le virus. Tout juste guérie, elle raconte ces quelques jours où elle a eu le sentiment d'être une «pestiférée».

«Je me revois encore, assise dans le métro, en face de ce garçon qui toussait à en avoir les larmes aux yeux. Il avait l'air inquiet. Autour de nous, tout le monde semblait gêné parce qu'il ne mettait pas sa main devant sa bouche. La grippe A, je l'ai attrapée comme ça. J'ai retourné cent fois cette scène dans ma tête et, deux semaines après, je suis persuadée que c'est lui qui m'a contaminée !

Ce soir-là, un vendredi, je partais en week-end pour Barcelone. Ma maladie s'est déclarée là-bas. Tout a commencé le dimanche matin par une impression très désagréable. La sensation d'avoir un cheveu dans les poumons, impossible à expulser. Puis la toux est apparue. Une toux très forte, très caverneuse. Sur le moment, je ne me suis pas inquiétée. On était entre amis. On faisait la fête. J'ai pensé que c'était une réaction à la fumée de cigarette, omniprésente autour de moi. Mon état a empiré le mardi matin, dans l'avion du retour. Pendant le vol, qui a duré une heure et demie, je n'ai pas cessé un instant de tousser. Mes poumons, ma gorge, ma trachée brûlaient. Mes voisins me jetaient des coups d'œil exaspérés. Pour la première fois, j'ai croisé certains de ces regards, inquiets ou agressifs, qui en disent long sur la paranoïa entourant le nouveau virus.

L'avion a finalement atterri à 9 heures et je suis allée au bureau comme prévu. Je suis en stage pour six mois et n'avais aucune envie de m'absenter. De toute façon, tout allait encore plutôt bien, si ce n'est cette toux tenace et douloureuse. Comme tous les matins, je me suis donc installée devant mon ordinateur et me suis mise au travail. J'aurais continué comme ça si une fatigue intense ne m'avait pas tout à coup rattrapée, dans le courant de la journée. Assommée, j'ai dû lutter pour tenir le coup sans m'assoupir.

Quand je suis rentrée chez moi, après cette première journée de travail avec la grippe A, j'étais épuisée. Je me suis endormie. Les autres symptômes sont apparus dès le réveil, le mercredi matin. Levée avec l'impression d‘avoir été rouée de coups, les bras, le dos et le cou endoloris, j'ai enfin compris que j'avais la grippe. Je me suis alors traînée chez un médecin généraliste. Après quelques questions sur mon état, un examen de la gorge et des oreilles, une prise de température, je suis retournée chez moi avec une prescription de paracétamol et un arrêt de travail. J'avais «peut-être» la grippe porcine.

Il était 18 heures ce mercredi, et je suis tombée dans mon lit. J'ai passé les deux jours suivants dans un état de semi-conscience, ponctué de délires fiévreux et de rêves emplis d'insectes. J'étais si mal en point que je me rappelle seulement m'être levée de temps en temps, avec peine, pour prendre mes antidouleur. J'avais une migraine abominable et j'ai commencé à avoir très peur. Je n'avais jamais connu une douleur pareille. J'émettais un sifflement en continu, comme une asthmatique. Pleurer aggravait la situation. Et si la maladie devenait plus sérieuse ?

À bout de forces, j'ai finalement appelé mes parents, partis en vacances avec mes trois petits frères, et j'ai fait venir un autre médecin. Il est arrivé avec un masque, le vendredi soir, vers 18 h 30. Cinq jours après mes premiers symptômes. Il a noté «ma mine déconfite», a constaté mon manque de force, ma perte d'appétit, mes nombreuses douleurs. J'avais aussi envie de vomir. Le diagnostic est enfin tombé : «Grippe A».

Bizarrement, mettre enfin un nom sur mon mal m'a complètement rassurée. Je ne serais hospitalisée qu'en cas de complications pulmonaires, m'a expliqué le médecin, après avoir longuement écouté mon souffle et mon cœur. Il m'a laissé un stock de masques.

Quand mes parents sont arrivés, deux jours plus tard, ils s'étaient armés de gel pour les mains, de pschitt antivirus et de lingettes désinfectantes. Ils ont commencé par ouvrir les fenêtres pour ventiler et tout nettoyer. Puis ils m'ont attribué la salle de bains du premier étage qu'ils ont interdite aux autres membres de la famille. Je n'avais pas le droit d'enlever mon masque, ni d'approcher mes frères de trop près. Bien sûr, je comprends leur inquiétude mais je culpabilisais. On me rappelait à tout bout de champ le danger de ce virus pour les plus fragiles. Un soir, j'ai préparé le dîner ; mes parents n'y ont pas touché. Mon placement en quarantaine a duré ainsi toute la semaine.

À Barcelone, j'avais fait, sans le savoir, tout ce qui est déconseillé. Notamment vivre les uns avec les autres dans des atmosphères confinées. À Paris, j'ai respecté les consignes de prévention à la lettre. J'ai aussi appris ce que signifiait le mot «pestiférée». Je me souviendrai longtemps du jour où je suis sortie dans la rue avec mon masque pour m'approvisionner à la pharmacie. Les gens changeaient de trottoir ! Aujourd'hui encore, mes amis s'amusent à parler tout haut de ma «grippe porcine» quand ils prennent le métro avec moi. Certains passagers changent de wagon.

Vendredi, deux semaines après avoir pris le métro pour Roissy, j'ai enfin repris le chemin du journal. Mon bureau et mes stylos avaient été désinfectés deux fois en mon absence. Ils ont encore l'odeur du produit. On a aussi envoyé un mail de mise en garde à tout mon service. Une liste de personnes à qui j'avais parlé avant mon arrêt-maladie a été établie. En principe, je ne suis plus contagieuse.

Pour l'instant, personne n'est tombé malade au bureau. Je croise les doigts. Jeudi dernier, la baby-sitter de mes frères a eu une chute de tension et une grosse fatigue. Mes parents ont eu peur, mais ce n'est pas la grippe A. J'ai aussi appris mardi qu'un ami de mon frère, âgé de 15 ans, est malade. Il pourrait avoir attrapé le virus chez moi, où il est venu. Je m'inquiète beaucoup pour lui.

Du coup, j'ai commencé à m'intéresser à la maladie. Ce matin, j'ai regardé sur Internet l'évolution du nombre de cas. Le H1N1 progresse à une vitesse démesurée. Deux semaines après mes premiers symptômes, je commence à peine à me remettre. J'ai toussé violemment toute la nuit et j'ai encore, par moments, des accès de fièvre. Pour une jeune fille en pleine santé, ce fut juste un très mauvais moment à passer, mais je mesure mieux aujourd'hui à quel point ce virus peut être dangereux quand on est une personne fragile.»

Commentaires

Portrait de Ferdy

J'en avais entendu un extrait ce matin dans la revue de presse sur Inter. L'intégrale permet de mieux saisir l'échec catastrophique de la com à ce sujet. Hier, c'était le plan d'urgence au niveau des prisons et des tribunaux qui faisait froid dans le dos (MAM évoquait une piste de travail), etc.

Ce n'est pas tant les effets du virus qui sont à redouter (quoique) que la stigmatisation qui sera faite des personnes infectées. Rien ou presque n'est encore fait dans ce sens, et c'est sans doute ce qui va paralyser le pays.

Portrait de derdeder

l'an dernier lorsque quelqu'un toussait, reniflait et avec de la fievre, les toubibs la plupart du temps ne parlaient meme pas de grippe, mais de symptomes grippaux, maintenant au premier eternument c'est direct la grippe a, mais par compte lors qu'on regarde les chiffres officiels c'est a dire que l'on a fait des tests sur le virus il s'avere qu'il ne reste que moins de 1% des cas qui sont reellement confirmes.

les informations depuis la rentree virent au sensationnel, la premiere stagiaire journaliste qui relate sa grippe, faudrait faire gaffe, car ici, si chacun commence a vouloir relater sa derriere chiasse, crise de vomissement, ca risque d'etre hard et assez peut ragoutant ;)

tiens sur le plateau de france 5 hier soir a 19h30, le premier diabetique ayant eu la grippe a, a qui le premier seropositif ayant la grippe a a la radio et a la tele, je laisse ma place, deja je n'aime pas les cameras et en plus pas croise ce tit virus ! 

Portrait de nouan

... comme le dit Domonique Wolton "L'information n'est pas la communication".

Il nous est fait une cathédrale d'une simple niche.

Comme les tournois de football, cette grippe A permet de nous faire avaler bien  des couloeuvres et de "masquer" ce qui est vraiment important derrière un écran viral.

Tout se dit - il n'y a qu'à être sur le chat d'ici parfois - et rien ne se dit.

Ma mère prétend que nous envoyons nos vaccins au Brésil contre je ne sais plus quel équipement qu'ils pourraient nous acheter, d'autres prétendent que la grippe A sort de certains Labo, d'autres que c'est une nouvelle arme de destruction massive tournée vers les plus faibles...

"Oh lala" comme dirait mon Roumain préféré !

Mon médecin n'a pas semblé catastrophé : il m'a dit que de toutes les manières le vaccin ne serait sans doute pas prêt à temps, que tout dépendait aussi des températures de fin d'année, que je ne devais pas plus m'inquiéter que cela.

Donc arrêtons de stigmatiser nous même ce que nous repprochons aux autres.

Restons calmes et pondérés.

Ne parlons pas et n'écrivons pas à tord et à travers.

Je crois de moins en moins à toutes ces mises en scènes radio-télévisées où le moindre reportage est monté de toute pièce, corrigé, orienté afin de nous passer LE message.

Comme l'écrit DERDEDER nous allons avoir tous les scoop possibles et imaginables... à moins que la crise ne repointe son nez.

Et surtout avant Noël... parce que Noël vous comprenez, Noël c'est important.

Il y aura des masques dans le sapin ?

Positivement vôtre, Nouan

Portrait de nathan

Le rôle d'un citoyen averti n'est-il pas de savoir déchiffrer les présupposés de certaines informations afin d'y repérer les éventuelles tentatives de manipulation à une époque où information et communication sont de plus en plus imbriquées ? Et pour cela, ne faut-il pas plutôt "aller à l'information" plutôt que d'adopter la posture de l'autruche ?

Portrait de nathan

Il y a dans ce témoignage des passages qui m'interrogent plus particulièrement, grippe A ou pas. Ce sont les suivants :

"Quand mes parents sont arrivés, deux jours plus tard, ils s'étaient armés de gel pour les mains, de pschitt antivirus et de lingettes désinfectantes. Ils ont commencé par ouvrir les fenêtres pour ventiler et tout nettoyer. Puis ils m'ont attribué la salle de bains du premier étage qu'ils ont interdite aux autres membres de la famille. Je n'avais pas le droit d'enlever mon masque, ni d'approcher mes frères de trop près. Bien sûr, je comprends leur inquiétude mais je culpabilisais. On me rappelait à tout bout de champ le danger de ce virus pour les plus fragiles. Un soir, j'ai préparé le dîner ; mes parents n'y ont pas touché. Mon placement en quarantaine a duré ainsi toute la semaine. "

"À Paris, j'ai respecté les consignes de prévention à la lettre. J'ai aussi appris ce que signifiait le mot «pestiférée». Je me souviendrai longtemps du jour où je suis sortie dans la rue avec mon masque pour m'approvisionner à la pharmacie. Les gens changeaient de trottoir ! Aujourd'hui encore, mes amis s'amusent à parler tout haut de ma «grippe porcine» quand ils prennent le métro avec moi. Certains passagers changent de wagon."

"Mon bureau et mes stylos avaient été désinfectés deux fois en mon absence. Ils ont encore l'odeur du produit. On a aussi envoyé un mail de mise en garde à tout mon service. Une liste de personnes à qui j'avais parlé avant mon arrêt-maladie a été établie. En principe, je ne suis plus contagieuse."

Cela n'évoque-t-il rien pour vous ?

Famille, Société, Travail....