L’effet placebo délivre son mystère

Publié par libellule33 le 13.03.2012
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Par hervé Tréguier

On y a longtemps cru sans y croire. Dire : « C’est un effet placebo ! » permettait d’éliminer les traitements qui gênaient le système. Aujourd’hui, on sait qu’il s’agit d’un mécanisme interne, qui constitue la base de toute guérison. y contribuent à la fois nos convictions, nos peurs et notre relation au thérapeute.

Comment nos pensées, nos croyances, nos convictions, peuvent-elles influencer notre métabolisme ? Par quels mécanismes la seule promesse d’un soulagement peut-elle améliorer l’état d’un patient sans avoir recours aux médicaments ? La médecine a longtemps considéré ce phénomène comme une énigme. Quand, en 1955, à Harvard, le professeur Henry Beecher publie la première étude dans laquelle il démontre que 30 % des patients qui prennent un anti-douleur placebo - en l’occurrence une pilule de sucre - ne souffrent plus, la réaction du corps médical est immédiate : « Il s’agissait donc de douleurs imaginaires ! »

Faux, rétorquent aujourd’hui les scientifiques. L’effet placebo traite des malades souffrant de symptômes bien réels - par exemple des douleurs post-opératoires, que la pilule de sucre réussit bel et bien à éliminer. Grâce aux techniques d’imagerie corticale, on voit que le placebo agit réellement sur la douleur, entraînant une réaction physiologique qui emprunte les mêmes circuits neuronaux que celle générée par les produits prescrits sur ordonnance. L’espoir de guérison peut directement changer le processus de la maladie...

En 2001, l’équipe du professeur Raul de la Fuente, de l’université de Colombie-Britannique s’est intéressée, elle aussi, à la maladie de Parkinson. En suivant grâce à la tomographie par émission de positrons (TEP) les cerveaux de deux groupes de patients soumis l’un à un placebo de sérum physiologique, et l’autre à un apport de dopamine qui fait défaut dans cette maladie, les chercheurs en sont restés stupéfaits. Les cerveaux des membres du groupe placebo se mettaient à sécréter le neurotransmetteur défaillant, conduisant à une amélioration de leur état. Leur espoir de guérison était tel qu’ils avaient déclenché un processus physiologique de guérison pourtant rarement atteint.

Les effets du placebo ne correspondaient pas à une diminution imaginaire de leurs symptômes, mais bien à un changement objectif et mesurable de la biochimie de leur cerveau.

« Un patient qui prend un médicament, convaincu qu’il aura l’effet promis, stimule instantanément en lui toute la cascade des réactions psycho-neuro-endocrino-immunologiques positives, explique Thierry Janssen. Mais à l’inverse, si on lui annonce une mauvaise nouvelle, par exemple que son médicament est un poison, on provoque un effet nocebo, c’est à dire une cascade de réactions psycho-neuro-endocrino-immuno-logiques négatives qui vont déclencher douleurs et réactions de rejet. » Une étude citée par David Servan-Schreiber montre de même que les personnes âgées ne développent toutes sortes de troubles que si elles captent des messages négatifs en rapport au grand âge. À l’abri de ces messages, elles n’ont pas ces problèmes. Robert Hahn, professeur d’anthropologie à Harvard, met ainsi en garde : les médias contre les messages négatifs qu’ils diffusent de façon irresponsable et qui agissent comme des sortilèges. Les premiers anthropologues furent interpellés par la capacité des peuples d’Australie de se tuer par de simples mots. C’était « dans la tête », mais ils mouraient vraiment ! Or, nous demeurons sujets aux phénomènes de prescription symbolique beaucoup plus que nous le pensons. C’est une question grave, qu’il ne faut pas prendre à la légère. Depuis quelque temps, on voit des thérapeutes parler de « lecture symbolique du corps et des maladies ». Bravo, mais attention ! À mon avis, beaucoup manquent de rigueur et de recul, enfermant les patients dans des systèmes « sorciers » de croyances culpabilisantes.

La compréhension de l’effet placebo ouvre-t-elle de nouvelles voies thérapeutiques ? Peut-on exploiter ses vertus ? Sans aucun doute. Nous pouvons décider d’aller mieux et cela peut nous conduire à aller mieux, affirment un nombre croissant de spécialistes.

Hélas, dans les hôpitaux universitaires, on travaille beaucoup avec les laboratoires pharmaceutiques, dont la préoccupation est de « repérer l’effet placebo » et de « l’éliminer » - comme si c’était un empêcheur de soigner en paix, alors que c’est un allié ! C’est qu’il s’agit de prouver la toute-puissance de la molécule, donc de la société pharmaceutique qui va s’enrichir en l’exploitant. On comprend la logique, mais elle est devenue mortelle : « Finalement, l’effet placebo, c’est la blessure narcissique des médecins, ça leur renvoie l’image qu’il n’y a pas qu’eux qui guérissent et ça leur est insupportable ! », disent de concert l’épistémologue Isabelle Stengers et l’ethnopsychiatre Tobie Nathan, auteur de « L’Influence qui guérir ».

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La plupart des médecins occidentaux vivent dans un paradigme où l’on est convaincu que seules les solutions extérieures - chimiques pour la plupart - pourront guérir leurs patients. Et quand leurs molécules n’agissent pas, ils les abandonnent ou en essaient d’autres, oubliant qu’ils ont négligé de mobiliser l’immense potentiel des solutions intérieures. Certes, nous ne saurions généralement pas nous guérir seuls...

Mais on veut nous convaincre de l’inverse : nous ne pourrions guérir qu’avec une énorme logistique médicamenteuse. La vérité se situe sans doute entre les deux. « Aidons nos patients à SE guérir, disent les pionniers de la médecine corps esprit. Cela nous ôte du pouvoir, mais nous donne un rôle tellement plus noble ! »On l’a compris, l’effet placebo joue, à un degré ou un autre, dans tout traitement, toute thérapie, toute médication. On s’est récemment aperçu que des antibiotiques prescrits dans les années 50 avaient tapé à côté de la plaque, visant des bactéries non concernées par la maladie. Pourtant, les malades avaient guéri. L’effet placebo était d’autant plus fort que les médecins y croyaient aussi. Si la conviction du patient est cruciale, celle du soignant l’est aussi. En réalité, c’est la confiance entre eux, la qualité de leur relation, qui influence tout le processus de guérison.