A la Toussaint, sème ton grain

En ce jour béni des saints, encore un bien joli cadeau offert à la laïcité républicaine, pas grave si la fête des défunts n'a lieu que demain, autant profiter du jour chômé pour aller vite fait déposer un pot de chrysanthèmes, le cimetière c'est plus sympa quand il y a foule, le plus difficile c'est de retrouver la bonne allée, la bonne dernière demeure, pas de digicode à l'entrée, le nom gravé avec ses dates d'arrivée et de départ, pas de doute, pépé repose en paix et en bonne compagnie, le caveau est plein comme un œuf comme le chantait Brassens, les générations montantes opteront pour la crémation (40 % en 2010), sur 66 millions, reste donc à trouver encore 39 millions de concessions, même étroites et sommaires comme une studette parisienne, ça représente une belle superficie, ce sont les chats qui adorent ces endroits paisibles, les humains ne s'y rendent que contraints et forcés, leur préférant les centres commerciaux ou l'aquaboulevard,

parce que là attention, ça ne rigole pas, ce n'est pas tellement la mort qui est prise au sérieux, mais sa représentation, les ossements sous nos pieds, le bloc de calcaire ou de granit sculpté avec plus ou moins d'inspiration par la compagnie des pompes funèbres, sous un ciel ténébreux, avec le sentiment du devoir accompli on ressort de là prudemment, comme pour briser le silence, on essaiera de se souvenir d'une anecdote, les défunts même les plus acariâtres ont tous eu, une fois au moins dans leur existence, un mot aimable ou drôle, ça détend l'atmosphère, il pleut mais ça aussi c'est normal, un vrai temps de Toussaint, la vie reprend ses droits, on va prendre un verre chez l'un ou l'autre, ou dans un bar, les deux voitures qui se suivent ont un petit air de cortège, l'éternité se moque bien de l'horodateur.