Le festin de pépette

La seule chose agréable que j'ai gardé de mes longs et fréquents séjours en Angleterre, depuis le plus jeune âge, c'est le rituel du breakfast light. N'allez cependant pas vous imaginer toute la panoplie du folklore des oeufs au bacon, ou des saucisses accompagnées de haricots blancs sauce tomate (sugar/vinegar). J'en ai déstabilisé des amants de passage, en France, avec mon cassoulet matinal, quand ils tentaient de savourer leur croissant beurré, trempé dans un bol de café au lait indigeste.

Je m'en tiens désormais aux "fondamentaux", comme on dirait aujourd'hui : breakfast tea (Twinings) / un soupçon de lait, jamais de sucre + toasts grillés (pain complet) marmelade d'oranges (bio) et/ou Marmite (ineffable mixture noirâtre à base de dérivés végétaux), un petit bol de céréales (Alpen, ou All Bran pour le transit, ou müesli helvète, etc.), fromage (genre Comté ou Appenzeller), un fruit (peu importe, un truc de saison qui n'aura pas eu à parcourir six fois le tour de la planète avant d'échouer dans mon frigo).

Voilà, ça n'intéresse personne ? Donc, je continue.

Le breakfast, c'est le seul repas convenable que les british sont parvenus à élaborer, dans une médiation assez confuse de la diététique contemporaine et de considérations gastronomiques ataviques impénétrables.

Enfant, l'odeur du bacon parcourant les trois étages du cottage parvenait à me faire bondir du lit : "It's time to get up boys !". Mais, on ne trouve plus de vrai bacon en province, rare à Paris depuis la fermeture de M. & S. (réminiscence nostalgique de mousses de yaourt à la rhubarbe ! kiev chicken ! muffins ! scones !...)

Suite du programme. Trois ou quatre mugs de thé plus tard, c'est le café qui s'impose (sans lait mais sucré cette fois, inversement des tendances que je ne suis jamais parvenu à m'expliquer, sombre mystère des affinités gustatives.) Ma vieille Bodum (c'est le prénom de ma cafetière, suédoise ?) a été conçue pour un célibataire acâriatre et patient. Je prends plaisir parfois à goûter (chez des amis conquis par toutes les séductions du marketing) l'arôme d'un espresso, mais pas de ça chez moi. Tout est plus lent ici. Je n'ai pas de bouilloire électrique, il faut donc attendre l'ébullition, puis touiller, puis attendre encore que le café se redépose, puis enfin presser l'arabica grossièrement moulu.

Evidemment, tout ceci donné à titre indicatif, n'engage que l'auteur. Ca peut paraître un peu long comme mise en train, mais rien de bon ne se produit dans la précipitation.