Les chroniques du poumon [Une journée particulière]

Publié par Kitsune le 15.12.2017
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Pardonnez-moi cette référence cinématographique mais je viens de vivre des heures rocambolesques, dont la dramaturgie n’a évidemment rien à voir avec les affres de l’ère mussolinienne (je déteste la fasciste Loren et ses copains, tout aussi fascistes, Dolce et Gabbana (quelle ironie si l’on y songe, que l’histoire de cette femme qui joue dans un film qui dépeint la noirceur de ce type de pensée)).

 

J’avais rendez-vous ce vendredi en HDJ pneumo pour un suivi global de mes BPCO et VIH : je m’arrange en effet pour cumuler en une seule et même journée l’ensemble des examens qui peuvent m’être prescrits, puisque que je fais en sorte de limiter au maximum mes extravéhiculaires (c’est à dire hors du cocon ISSien qu’est le mien) et ambulancières sorties (hors le fait que cela m’arrange, cela permet aussi un moindre coût à la Sécurité Sociale qui ne voit pas s’envoler ma facture de transport).

Or donc, j’étais fin prêt à 8h45 pour accueillir mes prestataires : ils sont arrivés un peu en retard, le souffle haletant (arrêtez la clope bon sang de bois, et, accessoirement, mettez du déodorant !). J’ai, depuis que je traite avec cette compagnie, eu souvent un peu d’appréhension au vu du personnel plutôt fatigué pour porter mes environ 60 kilos dans les escaliers qui mènent à l’air libre.

Mes craintes se sont ce matin avérées fondées : une marche a été ratée et j’ai bien cru arriver à l’hôpital avec, en sus de mes pathologies actuelles, un bras ou une jambe cassé-e. Le personnel étant de surcroît en retard sur les horaires prévus, j’ai été emmené sans trop de ménagement jusqu’à l’ambulance, où je suis arrivé le cœur battant une chamade dont j’aurais préféré qu’elle fut due à un élan du cœur (je rêve d’un garçon tout contre moi). Une fois installé dans le véhicule et après avoir repris le souffle qui me faisait défaut, j’ai expliqué que le stress provoqué par ce départ en fanfare m’avait un peu ôté de ma superbe. Je crois que le message est arrivé à bon port car j’ai eu droit à des excuses.

 

Ce n’était là que le début d’une journée épique.

 

Arrivé en la chambre que l’on m’avait attribuée, j’ai dit à l’infirmière, au vu du nombre de tubes destinés à mes prélèvements sanguins, qu’il en manquait probablement puisque je devais aussi passer au crible les tendances vihiennes qui sont les miennes. L’infirmière n’a pas trop compris : j’ai donc en direct appelé mon infectiologue. Un problème de transmission avait fait que les données n’étaient pas arrivées à bon port en temps et heure. Et hop, un problème de plus réglé par la volonté du patient.

Etaient programmés en cette journée marathon, hors les prélèvements sanguins et une gazométrie artérielle dont je me suis étonné après coup (saleté d’esprit d’escalier qu’est le mien) qu’elle n’ait pas été effectuée en air ambiant, un test de marche auquel j’ai souscrit (j’ai exigé une Rolls-Royce quadrimotrice nantie d’une bonbonne à oxygène réglée sur 3 litres), une exploration fonctionnelle respiratoire (m’ont été cette fois demandées des mesures nouvelles auxquelles je ne suis pas habitué mais qui n’ont donné de résultats autres que les médiocres 20% de capacité respiratoire habituels), un scanner thoracique qui s’avèrera bien problématique (non dans son exécution, mais de par ses résultats, si l’on ne tient pas compte du fait que j’ai dû expliquer au technicien ou médecin qu’il ne risquait rien puisque mon vih était sous contrôle (je lui ai appris qu’un séropositif indétectable pouvait même avoir des rapports sexuels non protégés : ce à quoi il m’a répondu que c’était bien pour moi… Je lui ai gentiment fait remarquer qu’entre mon vih et ma bpco, l’on ne se bousculait pas au portillon. J’ai surtout ajouté que pour moi, le confort de vie résidait surtout aujourd’hui dans le fait de me savoir non-contaminant pour tout intervenant médical)) et une échographie parotidienne qui n’aura pas eu lieu (j’ai en effet privilégié mon rendez-vous avec l’ORL qui m’avait suivi, plutôt qu’un examen avec une technicienne qui aura dit de moi, alors dans le couloir d’où elle ne pouvait me voir, que dans la mesure où j’avais vu le médecin chargé de ce dysfonctionnement, elle ne voulait procéder à l’examen : je suis désolé chérie, tes problèmes d’ego n’ont pas à s’exprimer dans l’enceinte de l’hôpital (je te le rappelle au cas où tu l’aurais oublié : tu es au travail)).

 

J’ai donc été ramené dans ma chambre par un brancardier, gentil au demeurant, mais à qui j’ai dû faire comprendre que non, ce n’est pas moi qui avais ses feuilles de prise en charge (il est en effet revenu dans la chambre après m’avoir raccompagné et a soulevé toutes mes affaires pour voir si d’aventure je n’aurais pas caché ses outils de travail).

 

Un dernier mot : lors de l’attente au scanner thoracique, une dame, arrivée dans son lit d’hôpital (cela se fait pour les patients incapables de bouger : je sais de quoi je parle, j’en ai tâté), a fait une crise difficile : l’homme à côté de moi (un grand téméraire, de la race de ceux prompts à partager leur angoisse de mort (garde tes bébés chéri, j’ai assez des miens !)), n’a su qu’appuyer sur la sonnette de demande alors que moi, sous oxygène, ai trouvé la force de bouger pour aller au devant de cette dame. Ce fut terrible : elle était en train de convulser et la petite infirmière qui est arrivée n’était pas à même de la bouger pour la mettre en pls : croyez-vous que l’abruti d’à-côté qui était valide lui aurait donné un coup de main ? J’ai vu le moment où cette femme allait passer l’arme à gauche : fort heureusement, sont arrivés les renforts hospitaliers nécessaires.

 

Très honnêtement, l’on a beau avoir le cœur bien accroché, frôler la mort par personne interposée est terrible.

 

Ma journée n’aurait pas été parfaite si l’on n’avait pas tout simplement oublié d’appeler mes ambulanciers afin qu’ils me ramènent chez moi : j’ai en effet eu une bonne heure pour méditer sur ce flot de ratés hospitaliers et existentiels.