Limite Planétaire franchie ......

Publié par jl06 le 29.04.2022
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Pourquoi une sixième limite planétaire, celle du cycle de l’eau douce, a-t-elle été franchie ?

C'est l'affirmation d'une étude publiée ce jeudi dans la revue Nature

Propos recueillis par Camille Poher - Publié le 29/04/22 à 16h30 — Mis à jour le 29/04/22 à 16h30 

  • Le 18 janvier dernier une étude des scientifiques du Stockholm Resilience Center (SRC) avait dévoilé que l’on avait atteint le seuil de pollution chimique sur Terre.
  • Ce jeudi 28 avril, une nouvelle étude suédoise publiée dans la revue Nature révèle que cette fois-ci l’homme a franchi la limite planétaire du cycle de l’eau douce.
  • Mélanie Mignot enseignante en chimie anlytique et chercheuse pour le laboratoire Cobra sur le développement de méthodes d’analyse de polluants dans des milieux complexes (sols, eaux, biohuiles, cuir) nous explique ce que cette étude veut dire.

Après le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore ou encore l’usage des sols et la pollution chimique, c’est au tour de l’eau douce d’atteindre ses limites. C’est en tout cas ce qu’affirme une étude menée par plusieurs scientifiques suédois, publiée ce jeudi dans la revue Nature. Qu’est-ce qu’une « limite planétaire » et ce que signifie l’épuisement d’une ressource telle que l’eau douce ? Réponses avec Mélanie Mignot, chercheuse en chimie analytique et maître de conférences à l’Institut National des sciences appliquées (INSA) Rouen.

C’est quoi une limite planétaire ?

Ce concept a été défini par une équipe internationale de 26 chercheurs dans une étude publiée en 2009 dans les revues scientifiques Nature et Ecology and Society. Les limites planétaires correspondent à des seuils, à l’échelle mondiale, que l’humanité ne devrait pas dépasser afin de continuer à vivre dans des conditions qui lui sont favorables, et à préserver un écosystème sûr, soit une certaine stabilité de la planète. Le dépassement de ces limites [il en existe neuf : le changement climatique, les pertes de biodiversité, les perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore, l’usage des sols, l’acidification des océans, la déplétion de la couche d’ozone
les aérosols atmosphériques, l’usage de l’eau douce et les pollutions chimiques] pourrait entraîner des modifications brutales, difficilement prévisibles sur l’Homme et son environnement.

Que dit l’étude publiée le 26 avril dernier sur la 6e limite planétaire franchie ?

Cet article porte sur une nouvelle évaluation réalisée par des chercheurs du Stockholm Resilience Center avec d’autres scientifiques du monde entier à propos de l’eau verte. Ils ont mis en lumière que l’eau douce évaluée jusqu’alors portait surtout sur l’eau bleue, c’est-à-dire l’eau dans les rivières, les lacs et les eaux souterraines. Les chercheurs estiment que le rôle de l’eau verte n’a pas suffisamment été pris en compte dans les précédentes études.

Ils suggèrent de considérer aussi l’humidité du sol dans la partie racinaire des plantes, qui contribue à assurer la résilience de la biosphère, préserver les puits carbones et réguler la circulation atmosphérique. Dans leur étude, les chercheurs ont montré que la forêt perd ainsi de l’humidité à cause du changement climatique et de la déforestation. Ils relèvent que des sols anormalement humides et secs sont de plus en plus courants.

En prenant en compte cette nouvelle composante (eau bleue ET eau verte), les chercheurs ont estimé que la limite avait aussi été franchie pour le cycle de l’eau douce.

Et quelle est cette eau verte dont parle l’étude ?

L’eau verte correspond à l’eau adsorbée par les végétaux et provient des précipitations et de l’humidité du sol et de l’évaporation. La sixième limite planétaire concerne donc le cycle de l’eau.

Faut-il s’inquiéter ?

Deux limites planétaires franchies en 2022, on en arrive à six limites planétaires dépassées sur les neuf définies. Difficile de rester impassible devant ces constats alarmants. Ces études complètent les travaux du dernier rapport du GIEC, et particulièrement les chapitres traitant du cycle de l’eau, qui a été modifié à un rythme supérieur à tout ce que nous avons pu connaître pendant l’ère géologique de l’Holocène.

PLANÈTEPollution chimique : Comment la cinquième limite planétaire a été franchie dans l’indifférence la plus totale

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Portrait de jl06

Le "jour du dépassement" est la date à partir de laquelle nous consommons davantage de ressources que la Terre ne peut en produire.

 À l'échelle de la France, ce jour tombe ce jeudi 5 mai. Si le monde entier consommait aujourd'hui comme les Français, il faudrait 2,9 Terres pour subvenir aux besoins des habitants. 

Si toute l'humanité vivait comme les Français, elle aurait consommé ce 5 mai toutes les ressources que la planète peut renouveler en un an, a annoncé WWF, estimant que la France pouvait faire reculer ce "jour du dépassement" de 25 jours d'ici 2027. 

Chaque année, l'ONG américaine Global Footprint Network calcule le "jour du dépassement" pour le monde -29 juillet en 2021-, en croisant l'empreinte écologique des activités humaines (surfaces terrestre et maritime nécessaires pour produire les ressources consommées et pour absorber les déchets de la population) et la "biocapacité" de la Terre (capacité des écosystèmes à se régénérer et à absorber les déchets produits par l'Homme, notamment la séquestration du CO2). Cet indice qui ne cesse de se dégrader depuis des décennies (à l'exception de l'année 2020 marquée par la crise du Covid-19) vise à illustrer la consommation d'une population humaine en expansion sur une planète limitée. Et il se décline également par pays. 

5 mois plus tôt qu'en 1961

Pour 2022, le jour du dépassement pour la France tombe le 5 mai, environ 5 mois plus tôt qu'en 1961. Si le monde entier consommait aujourd'hui comme les Français, il faudrait 2,9 Terres pour subvenir aux besoins des habitants, précisent Global Footprint et son partenaire WWF. 

"Tous les présidents de la Ve République ont laissé l'empreinte écologique du pays se dégrader. En moyenne, selon les données utilisées chaque année par le Global Footprint Network, entre 1981 et 2007, le Jour du dépassement a avancé de 10 jours à l'issue de chaque mandat", a dénoncé WWF France dans un communiqué. 

 Trois scénarios

Mais "bonne nouvelle : nous n'y sommes pas condamnés", a commenté sa présidente d'honneur Isabelle Autissier. Passant en revue trois scénarios possibles, l'ONG estime ainsi que le nouveau quinquennat d'Emmanuel Macron "peut renverser la tendance"

Dans un scénario de "planification écologique", la France pourrait ainsi gagner 25 jours (30 mai) d'ici 2027. Cela impliquerait une planification et un financement de la transition dans tous les secteurs, avec des objectifs et des mesures "plus ambitieux qu'actuellement", notamment diviser par deux l'utilisation de pesticides, parvenir à 25% de terres cultivées en bio, réaliser 700.000 rénovations complètes chaque année, soutenir les alternatives à la voiture, faire baisser de 20% la consommation de protéines animales, accélérer le développement des énergies renouvelables. 

Dans le scénario "engagements déjà pris", qui correspond à l'application des lois et objectifs déjà formalisés ces cinq dernières années (Stratégie nationale bas-carbone, lois Mobilité, Alimentation, Anti-gaspillage, Climat...), la France gagnerait 3 jours, pour atteindre le 8 mai en 2027. 

Dans un scénario du "laisser-aller" le Jour du dépassement avancerait au contraire de deux jours, au 3 mai en 2027.