Peut-on aimer sans s’aimer ?

Publié par libellule33 le 08.01.2012
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Besoin d’aimer à tout prix, dévotion ou dévalorisation, le manque d’amour de soi empoisonne toute relation de couple, explique Jacques Salomé, psychosociologue

Comment se manifeste le manque d’amour de soi dans notre relation aux autres et dans le rapport amoureux ?
Jacques Salomé : Le manque d’amour de soi – cet amour fait de bienveillance, de respect – a des conséquences directes sur nos relations avec autrui. Il se traduit par un manque de confiance, des doutes et de la méfiance qui vont générer ou entretenir soit des relations à base d’appropriation et de possessivité, soit des relations de type persécuté-persécutant. Si je ne m’aime pas, je ne pourrai pas aimer, puisque je serai dans le besoin et l’exigence d’être aimé.

Dans le manque d’amour de soi, on est toujours, ou dans le « demander-exigence », ou dans le « refuser, parce que pas assez ». Dans les deux cas de figure, on a une grande difficulté à donner. Lorsque l’on ne s’aime pas, on pense que l’on n’a rien à donner de valable et d’intéressant, et lorsque l’on donne, on a le sentiment d’être dépossédé, par une sorte d’équation inconsciente d’avoir "un moins" en soi.

C’est un constat que l’on vérifie sans cesse. Dans ces couples bancals, celui qui ne s’aime pas finit invariablement par user, puis par détruire la confiance de l’autre envers lui. Le partenaire pourvoyeur d’amour va, à son tour, se mettre à douter, avant de se lasser définitivement de fournir des preuves d’amour n’entraînant aucune réciprocité. Ce genre de relation est un jeu fou de miroir, qui repose sur une mission impossible : tenter pathétiquement de donner à l’autre ce que lui seul pourrait s’offrir, de l’amour envers lui-même.

Le manque d’amour de soi se traduit essentiellement par la recherche de partenaires dont on va essayer de se faire aimer à tout prix. Ces choix, qui sont la plupart du temps inconscients, reposent sur une sorte d’escroquerie relationnelle : tout se passe comme si l’un disait à l’autre : « J’ai tellement besoin de toi, et tant que tu réponds à mon besoin, je te suis attaché. » L’autre pourrait répondre : « Je sens bien au fond de moi que tu ne m’aimes pas, mais j’ai la croyance que, grâce à mon amour, tu m’aimeras quand même un jour. » Il faut aussi ajouter que, dans la relation amoureuse, le manque d’amour de soi entraîne très souvent un jeu de disqualification mutuelle. Celui qui ne s’aime pas va mettre en cause l’amour de l’autre : « Comment peut-il aimer quelqu’un d’aussi nul que moi ? Il est encore plus nul que je ne le pensais. » Cela se passe sur un mode inconscient, mais violente les relations intimes.

Ce manque d’amour de soi peut aussi prendre une forme de dévotion, se traduisant par un besoin d’aimer "à tout prix". Mais ce don d’amour n’est que le masque d’un énorme besoin d’être aimé qui ne sera jamais comblé. Ainsi, une patiente me confiait que les « je t’aime » incessants de son mari la mettait mal à l’aise, car elle les ressentait comme une exigence menaçante, une violence cadrée qui contredisait ce qu’il pouvait y avoir de bon et de sécurisant dans leur relation. Lorsqu’elle s’est séparée de lui, elle a perdu en deux mois les vingt kilos qu’elle avait accumulés inconsciemment pour se protéger de ces « je t’aime » terroristes.

 Quelle répercussion ce manque d’amour de soi peut avoir sur notre vie sexuelle ?

La vie sexuelle est fondée sur la rencontre de tous les langages de la communication humaine : langage des sentiments, des désirs, des émotions, de l’inconscient et des sens. Dans la rencontre sexuelle, le manque d’amour de soi va induire des rapports d’exigence, de violence, voire de perversité de type sadique. Celui qui ne s’aime pas peut à la fois tout accepter de l’autre et se vivre comme un simple objet de désir, et traiter l’autre comme l’objet de son propre plaisir. Je repense à cette femme qui s’est, selon ses mots, « révoltée après quinze ans de vie commune ». Elle percevait que son compagnon lui faisait l’amour, non dans le plaisir et l’abandon, mais avec la volonté de vérifier qu’elle lui appartenait, que son corps était sa propriété. Très souvent, le manque d’amour de soi va orienter la vie sexuelle sur des pratiques de possessivité, de consommation, de captation, et d’aliénation de l’autre.

et vous qu'en pensez vous ?

Commentaires

Portrait de barcelo

si on ne s aime pas soi meme c impossible d aimer sa compagne c evident
Portrait de RAINBOW75

...pour ces extraits et de citer cette brillante analyse.

Même si cela paraît "évident" on ne l'expliquera jamais assez... 

j'aime beaucoup ces termes: "jeu de disqualification mutuelle" car c'est exactement ça.

On ne s'aime pas alors on se met hors jeu et en refusant cet amour de soi on douter

de la probabilté d'être aimé et on finit par se faire disqualifier par l'autre.

Donc, Si on ne s'aime pas on ne peut pas aimer l'autre mais surtout on ne peut pas SE FAIRE aimer ou bien cela ne dure jamais longtemps si c'est le cas.

Alors oui même si cela paraît évident: il faut le dire et le redire car la verbalisation des choses souvent évidentes permet de mieux les cerner et les appréhender. 

Le chemin est suffisamment long pour parvenir à "savourer" l'amour pour qu'on prenne le risque de se répéter pour pouvoir agir en consequence si on veut gagner du temps...

Merci pour ce partage...

Clin d'oeil

G.

Portrait de libellule33

libellule33

mais n'est il pas plus simple d'aimer l'autre avant de s'aimer tout court ? ce n'est pas une solution certes mais à mon avis je pense que l'homme existe uniquement au travers d'un ou d'une autre... et s'oublie bien trop vite ...

ce qui le rend vulnérable, mendiant et en attente de quelque chose ainsi au lieu d'avancer vers cet amour il le cloisonne dans des pensées parfois obscures l'empechant d'être libre, d'exister...

c'est pourtant l'amour qui libère...l'amour...

Portrait de RAINBOW75

...qu'il soit plus "simple" d'aimer l'autre avant de s'aimer car on y projette souvent sa propre notion de l'amour et elle est donc faussée puisqu'on est pas parvenu à l'appliquer pour soi.

Ne pas s'oublier dans la notion d'amour (tu le dis toi-même) sinon c'est voué à l'échec à plus ou moins long terme... Projeter complètement ses envies et ses rêves au travers de l'autre n'est jamais bon et ça s'appelle un "transfert".

Le tout est de na pas se "cloisonner (comme tu dis) et d'oser parler, se dévoiler, à condition que ce soit le bon moment et dans le respect de l'autre et de son parcours.

L'échange et le partage me semblent être deux notions pour parvenir au bon équilibre.

Clin d'oeil

G.

Portrait de libellule33

libellule33

et pour aimer il faut avoir reçu aussi de l'amour !!! d'ou la responsabilité que nous ayons en tant que parent ! recevoir et donner ! donner et recevoir ! nos enfants ne nous appartiennent pas mais c'est à travers nos dons d'amour qu'ils pourront à leur tour donner aux autres...

Portrait de trente1

On pourrait dire aussi que s'aimer toujours c'est s'accepter tel que on est !, ce qui est déja une forme de compromis avec soi meme. En effet moi d 'hier et moi d'aujourd hui , il y a forcement des choses qui ont évolué, et pas toujours dans les sens de ce que nous qualifions de positif.

Il ne suffit pas seulement de s'aimer pour nourrir son ame,se sentir aimé est une sorte de flatterie qui nourit l'ame et dont nous avons besoin, car il n ' ya pas assez de mirroir sur notre planete........