Pire qu'un pervers narcissique, "l'enflure toxique" : apprenez à la repérer (et fuyez-la)

Publié par jl06 le 08.06.2019
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Dans son livre "La contagion émotionnelle", le chercheur en psychologie sociale Christophe Haag décrypte un nouveau phénomène de parasites sociaux, les "enflures toxiques" : celles et ceux qui cherchent à saper tout un groupe pour le soumettre à leurs émotions néfastes. Voici comment les repérer et s'en protéger.

07 juin 16:39

Et si, autour de vous, grouillaient des "enflures toxiques" ? Christophe Haag, chercheur en psychologie sociale, évoque cette nouvelle espèce de parasite dans son livre La contagion émotionnelle (Albin Michel) : "L’enflure toxique se caractérise principalement par son manque d’empathie. Par son comportement asocial, machiavélique, voire psychopathique ou pervers, elle s'échine à faire du mal autour d’elle."

Une question nous brûle les lèvres : comment la distingue-t-on d'un pervers narcissique, ce spécialiste de la manipulation devenu phénomène de société tant de nombreux articles lui ont été consacrés ? "Ces deux horreurs partagent de nombreux points communs : le fait de s’acharner sur leur(s) victime(s) en augmentant, petit à petit, la cadence et l’intensité des émotions toxiques à leur encontre, ou encore le fait de se nourrir des émotions de leurs victimes jusqu'à les vider de l'intérieur, nous répond Christophe Haag. Mais plus que le pervers narcissique qui se focalise sur une proie en particulier pour le placer sous sa férule, l’enflure toxique, homme comme femme, veut que vous deveniez comme elle, que vous partagiez sa vision du monde sous une forme de contagion émotionnelle, et que ce mauvais esprit se répande comme un virus. Pour moi, l’enflure se rapproche de l'hystérique voulant torpiller tout un groupe."

Autrement dit, l'agent pathogène cherche à exploiter autrui, à la manière d'une sangsue, pour servir son propre intérêt, sans se soucier des conséquences sur l’autre ni de la dimension morale de ses actes… et personne n’est à l’abri d’en être un, "aussi gentil et bienveillant que l’on se croit". On est tous susceptibles d'être une telle "enflure", donc, comme le suggère un test à base de vrai/faux disponible dans le livre La contagion émotionnelle. Plus on y répond "vrai", plus on se rapproche de l'"enflurerie" : "Il m'arrive souvent d'envoyer des e-mails qui peuvent, de par leur contenu et leur ton, heurter les destinataires", "Je n'y vais pas par quatre chemins quand j'ai quelque chose à dire, même au risque de faire souffrir", "Il m'arrive d'envier la réussite d'autres collègues que je finis par détester", "Je pense qu'au travail, il faut systématiquement stresser les gens pour qu'ils bougent et performent mieux", "Je blague ou rigole très peu sur mon lieu de travail, ce n'est pas l'endroit approprié pour cela"... 

Sus aux enflures dans les groupes

Sans surprise, c’est dans les groupes d’amis et de travail que ces "enflures" grouillent comme autant d’affreux lapins dans la verte prairie écossaise. La bonne nouvelle, c’est qu’on les repère très vite : "Leur passe-temps consiste à se plaindre souvent, à tenir régulièrement des propos inappropriés qui tombent comme un cheveu sur la soupe, à se désengager facilement", note le chercheur en psychologie sociale. "Sur le lieu de travail, c’est pire, elles confondent vie privée et vie professionnelle en racontant des choses intimes de leur vie à qui veut l'entendre pour donner l’illusion d’être cool ou accessibles."

La mauvaise nouvelle ? Ces espèces invasives se reproduisent très vite et ce, grâce à un facteur aussi simple que surprenant, selon Christophe Haag : "On leur fiche la paix !". Mais pour quelle raison? "Figurez-vous que, comme elles disposent de ressources extraordinaires pour vous mener la vie dure, on ferme les yeux sur certains de leurs agissements. Froissez-les, recadrez-les ou empiétez sur leur pré-carré d’emprise sur autrui et elles vous le feront payer ! Alors on les laisse souvent faire, un peu comme un enfant compliqué à qui l’on dit 'oui' pour éviter qu’il ne crée trop de remous devant les invités et gâche la soirée."

Quelle solution contre ces parasites ?

Comme les enflures toxiques veulent des gens à leur image, on les laisse même recruter des gens comme elles, par mimétisme et instinct de survie. "Au final, cela peut avoir un coût pour l’entreprise : troubles psychosomatiques, démotivation, mal être, dépression, burn-out, absentéisme, affaiblissement du système immunitaire, j’en passe", souligne Christophe Haag. Que faire alors pour stopper l’invasion ? "C’est aux DRH de filtrer ces profils dès le recrutement. Il est là l’enjeu majeur pour l’entreprise. Pour ce faire, il faut imposer des tests d’intelligence émotionnelle aux candidats. L’interprétation des résultats permettra d’éviter de faire rentrer trop de loups dans la bergerie…"

Subsiste une question de résistance face à ces enflures : quelle serait la meilleure attitude à adopter pour les tenir éloignées ? "Ce que je vais vous dire va peut-être vous surprendre mais, dans un premier temps, il est à mon sens intéressant, si l’on dispose de suffisamment de ressources internes, en terme d’apprentissage sur soi, de rester au contact d’une enflure toxique. Comprendre pourquoi cette personne vous agace peut mettre en lumière un problème d’ordre personnel encore non réglé et sur lequel il faudrait à présent se pencher une bonne fois pour toute. Autrement, il faut très vite fuir ce type d’individus, et ne pas finir comme Icare, qui volant trop près du soleil, a fini par se brûler les ailes."