Séropos aujourd'hui ?

Publié par Baobab le 28.09.2008
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J'ai enterré mon cousin j'étais séronég, j'ai enterré mon compagnon deux ans plus tard je l'étais toujours. J'ai continué ma route de jeune homosexuel. Quatre années se sont écoulées et le diagnostique est tombé en 1996 à New York ou je vivais, je suis séropo, j'étais en pleine expérimentation trithérapeutique, j'ai milité au Gay & Lesbien Center de New York, au GMHC, en français Centre de Crises de Santé des Hommes Gays. Alors j'ai intégré la premier protocole de trithérapie réalisé par le prestigieux Laboratoire Aron Diamond Research à Manhattan, dirigé par les Docteurs Ho et Markovitz. Nos groupes de paroles emplissaient chaque semaine, des hétéros des homos, des noirs des blancs. La différence entre les groupes de paroles de 1984 mis en place à New York et ceux de 1996, disaient les anciens, c'est que chaque semaine les groupes de paroles gagnaient 5 à 6 personnes et en perdaient autant chaque semaine également.

 

Nous pouvions les voir surpris, ébahis de voir les mêmes têtes revenir tous les vendredis soirs. Nous vivions et allions vivre avec le sida, séropos, plus longtemps plus loin plus nombreux. Mais alors qu'allait-t-il se passer ?

 

Plus longtemps, plus nombreux, en meilleurs santé, mais toujours pas guéris ? Mais très bien soignés ? 

 

Il était évident que les chiffres d'aujourd'hui, la baisse de vigilance, l'augmentation des pratiques barebackeuses, soient ce qu'ils sont. Pas une association pas un chercheur à l'époque n'a vu venir le fléau.Il était interdit dans mon groupe de parole d'aborder des questions trop personnelles qui engageaient notre affecte, les questions religieuses également étaient écartées des groupes. Pourquoi ? Ne voyaient-on pas que la question de l'estime de soi pointé déjà son nez à l'époque ? Notre groupe de onze patients sous protocole en fin 95, s'inquiétait déjà de la vague d'espoir que suscitait notre expérimentation, dans les médias, dans les conférences, chez les gays, dans les associations, certains journalistes n'hésitaient pas à parler de  fin de tunnel . Plus nous écoutions plus nous étions effrayés de ce que nous entendions, on les voyait venir les relâchements, les barebackeurs. Je me souviens de patients sous trithérapie qui se retrouvés dans leurs chambres d'hôpital en plein protocole et avait ce besoin de baiser entre eux sans capotes, comme si il s'agissait de la fin d'une guerre, tel la libération d'une capitale, nous assistions impuissant à une nouvelle libération sexuelle. Impuissants et effrayés par ce qu'ils nous arrivés, les médecins étaient dépassés par la médecine. N'était-ce pas tout simplement humain ce qui se passait, après des années d'abstinences, des sexualités réinventées ? Malheureusement oui, nous étions une génération d'hommes et de femmes qui venant juste d'être libérés sexuellement devait, de nouveau, se renfermer dans nos demeures avec cette peur de la contamination. Alors lorsque des gros titres sont apparus nous parlant de fin de tunnel, les gens ont simplement identifier le tunnel au caoutchouc, que nous appelons le préservatif, dans lequel il fallait s'enfiler sans jamais en voir la fin. Aujourd'hui nous sommes devenus chroniques, la plupart des séropos ont fuit les associations, ne se retrouvent plus dans les messages de prévention la plupart adressés aux séronégs. Quand un couple de séropos se présente encore devant son médecin et que celui-ci leur dit qu'il faudrait qu'ils se protègent. Ces deux là s'envont en se disant, que définitivement, on ne sait plus quoi leur dire. Alors oui je me demande ce que nous sommes entrain de devenir. Des malades chroniques ou les derniers chroniqueurs de la maladie ?

Commentaires

Portrait de madelin40

Hye

Témoignage très captivant; je le garde sous la main.

C'est vrai qu'à l'annonce de la maladie, il y a cette crainte de perdre une chose inestimable :

" ...je me souviens de patients sous trithérapie qui se retrouvés dans leurs chambres d'hôpital en plein protocole et avait ce besoin de baiser entre eux sans capotes..."

On peut retrouver ce plaisir "sans crainte[s]" au sein du couple...

Bien à toi