Vivons heureux en attendant la mort

Publié par Cmoi le 20.10.2017
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Je ne suis absolument pas suicidaire, mais ma pulsion de vie reste très limitée. Non pas le désir d'en finir, mais en tout cas celui de ne pas s'attarder. Ne pas vouloir "durer" de manière obsessionnelle, ne pas "s'accrocher" coûte que coûte avec pour seul but, celui de rester vivant. Car si nos traitements permettent aujourd'hui une espérance de vie quasi-équivalente au reste de la population, ils nous exposent par conséquent au même processus de vieillissement agrémenté des nombreux effets indésirables. Le risque de terminer sa vie dépendant et grabataire est maintenant bien réel. "J'aime mieux m'en aller du temps que je suis belle, Qu'on ne me voit jamais fanée sous ma dentelle" chantait Barbara. C'est un peu plus glamour non ? Je pense que tous ceux qui consomment alcools, tabac, et autres substances à base de fines herbes ont, consciemment ou non, ce même état d'esprit. Et si entretenir son corps, en prendre soin, doit avoir pour objectif un meilleur quotidien ou d'éviter certaines maladies, je ne crois pas que vouloir devenir centenaire soit raisonnable. J'ai très souvent, par le passé, visité des proches dans ces endroits où "nos vieux" terminent leur existence. La dernière fois que je m'y suis rendu, c'était il y a six ou sept ans, afin de prendre des renseignements pour ma grand-mère qui ne pouvait plus rester chez elle. J'en garde un souvenir effroyable. Je n'y ai vu que des corps abîmés, décharnés, parqués dans une grande pièce qui ressemblait à un hall de gare. Un téléviseur ronronnait, mais personne n'y prêtait la moindre attention. Certains, ou plutôt certaines devrais je dire, car il y a énormément de femmes dans ces établissements, avaient le regard perdu de ces cerveaux atteints par Alzheimer. D'autres gémissaient en continu, sans que l'on sache s'ils souffraient véritablement. J'en suis reparti blême, les jambes tremblantes, me disant que ces vies étaient définitivement trop longues.

Il ne s'écoule pas une journée, sans que des articles de la presse écrite comme des émissions télévisées, ne nous rabâchent des conseils pour vivre vieux, tout ce qu'il faut faire pour que notre vie s'étire en longueur. Mais en quoi cette longévité est elle le critère absolu, le but à atteindre ? Et si, quand on a un pied dans la tombe, tout faire pour ne pas y mettre le deuxième est un réflexe de survie assez basique (c'est ce que je fais en prenant mes médicaments), j'espère toutefois, quand "le temps qui m'est imparti" sera écoulé, être capable de siffler moi-même la fin de la rencontre, et rentrer au vestiaire tout seul. Prégrabataire, passe encore, mais pas une seconde je ne peux m'imaginer dans un fauteuil toute la journée, me bavant dessus, manipulé, déplacé, retourné comme un bout de viande, infantilisé : "et comment y va aujourd'hui ?", "et il a bien mangé ?". Mon cul, plutôt crever ! L'espérance de vie s'est considérablement allongée en trois ou quatre décennies, mais à quel prix. On quitte son domicile d'abord pour un foyer-logement, dont on repart pour la maison de retraite, et pour finir en gériatrie dans un lit avec des barrières. Tu parles d'un programme !

Heureusement, la plénitude d'une existence ne se résume pas à sa seule durée, et les arts en sont une excellente illustration. Ceux qui ont fait de "vieux os", comme Hugo, Verdi, Chaplin, laissent une œuvre majeure et indélébile, mais pas supérieure à d'autres, dont la vie fut d'une extrême brièveté. Et l'on pense immédiatement à Mozart ou à Rimbaud, évidemment. Que mon propos soit clair, il ne s'agit pas d'une ode au suicide ou à l'autodestruction, mais de dénoncer la longévité comme un objectif incontournable. 

Aucun enseignement n'est jamais prodigué pour nous apprendre à maîtriser cette peur ancestrale que nous avons de disparaître. Pourtant, cette étape franchie, la vie en serait certainement plus intense. Car paradoxalement, pour ne pas affronter cette réalité, beaucoup vivent comme s'ils étaient immortels. Et parce que l'idée de ne plus exister n'est pas une idée triste, alors comme l'écrivait Pierre Desproges : "vivons heureux en attendant la mort". 

Commentaires

Portrait de jean-rene

Pour moi, la mort est une "fin de partie" et, plus j'en approche, plus j'ai envie de vivre intensément, saisissant toutes les occasions de faire de nouvelles expériences.

Je me demande si une telle attitude ne nous prémunit pas contre la déchéance mentale que tu décris avec tant de justesse.

Si on se laisse aller à se dire que "c'est bientôt la fin", qu'"il n'y a plus rien à faire", on invite notre cerveau et notre corps à démissionner, à laisser l'entropie gagner la partie.

Il est possible que je me trompe et que, demain, je perçoive les premiers signes d'un Alzheimer, mais je préfère faire le pari qu'en continuant à vivre intensément, j'éviterai la déchéance.

Portrait de cbcb

Cmoi a dit "Il ne s'écoule pas une journée, sans que des articles de la presse écrite comme des émissions télévisées, ne nous rabâchent des conseils pour vivre vieux, tout ce qu'il faut faire pour que notre vie s'étire en longueur. Mais en quoi cette longévité est elle le critère absolu, le but à atteindre ?"  

J’ai plutôt l’impression qu’aujourd’hui, la vieillesse devient tabou, comme la maladie (les maladies). J’entends plus souvent comment rester jeune, beau, énergique, etc … surtout ne pas vieillir !
L’esthétique, l’apparence sont devenues priorités … et pourtant si superficielles, futiles, ephémères ...

Cmoi a dit "Aucun enseignement n'est jamais prodigué pour nous apprendre à maîtriser cette peur ancestrale que nous avons de disparaître. Pourtant, cette étape franchie, la vie en serait certainement plus intense. Car paradoxalement, pour ne pas affronter cette réalité, beaucoup vivent comme s'ils étaient immortels. "

En effet, on ne nous enseigne pas à vieillir, à accompagner la vieillesse, la fin de vie … 

Portrait de jl06

Caché donc cette horrible image de la vieillesse....soyont tous (te) hype tellement fun ...bref tellemnt con...

je vous reconte pas toute les merdes (santé actuelle ) que je traverse ....

ben oui je fait comme si de rien était pour faire cour je vie un max , 

pas d inquiétude l,espérance de vie ne vas plus augmenter ... rapport fric , le compte n,y est plus on vie trop vieux ,

de toute façon manger bio ou de la merde kif kif ....

en principe de devrait crever dJ’suis snob… J’suis snob

C’est vraiment l’seul défaut que j’gobe
Ça demande des mois d’turbin
C’est une vie de galérien
Mais lorsque je sors à son bras
Je suis fier du résultat
J’suis snob… Foutrement snob
Tous mes amis le sont
On est snobs et c’est bon

Chemises d’organdi, chaussures de zébu
Cravate d’Italie et méchant complet vermoulu
Un rubis au doigt… de pied, pas çui-là
Les ongles tout noirs et un tres joli p’tit mouchoir
J’vais au cinéma voir des films suédois
Et j’entre au bistro pour boire du whisky à gogo
J’ai pas mal au foie, personne fait plus ça
J’ai un ulcère, c’est moins banal et plus cher

J’suis snob… J’suis snob
J’m’appelle Patrick, mais on dit Bob
Je fais du ch’val tous les matins
Car j’ador’ l’odeur du crottin
Je ne fréquente que des baronnes
Aux noms comme des trombones
J’suis snob… Excessivement snob
Et quand j’parle d’amour
C’est tout nu dans la cour

On se réunit avec les amis
Tous les vendredis, pour faire des snobisme-parties
Il y a du coca, on deteste ça
Et du camembert qu’on mange à la petite cuiller
Mon appartement est vraiment charmant
J’me chauffe au diamant, on n’peut rien rêver d’plus fumant
J’avais la télé, mais ça m’ennuyait
Je l’ai r’tournée… d’l’aut’ côté c’est passionnant

J’suis snob… J’suis snob
J’suis ravagé par ce microbe
J’ai des accidents en Jaguar
Je passe le mois d’août au plumard
C’est dans les p’tits détails comme ça
Que l’on est snob ou pas
J’suis snob… Encor plus snob que tout à l’heure
Et quand je serai mort
J’veux un suaire de chez Dior!

_,une crise cardiaque le luxe ... ma bible , ....J'suis Snob... de Boris Vian  !

Portrait de Exit

Déjà en tant que gay, je me demande bien quel est mon objectif ici sur terre, j'aurais souhaité avoir un gamin pour laisser une trace, mais qu'importe au final... 

Je suis actuellement à Londres, ville avec beaucoup d'art et de cul-tures. Tout ceci c'est merveilleux, mais je me rends compte que ce qui me plait le plus dans ma vie, c'est le soir lorsque je vais rejoindre mon lit, quel bonheur ! 

Portrait de jean-rene

Oui, c'est vrai, à force d'être familier avec l'idée de la mort, on finit par la considérer comme un "repos éternel" et, quand je me coule avec délice dans mon lit, je m'abandonne, et je me demande si cet abandon n'a pas queque chose à voir avec un certain renoncement à vivre.

Portrait de cbcb

Le sommeil ne signifie-t-il pas réparation, récupération, évasion, rêves, renaissance …
Et le lit… "on s’y coule avec délice"… lit d’une rivière, lit douillet, nid douillet, se blottir dans son lit …
On y retourne chaque soir !

Portrait de Cmoi

Ou paroles d'hommes et de femmes au moment de leur mort. D'un auteur obscur, Jean Dolent disait : "Attendez, il se révélera peut-être dans son épitaphe". 

L'abbé Gassendi : "Je suis né sans savoir pourquoi. J'ai vécu sans savoir comment. Je meurs sans savoir pourquoi ni comment". 

Socrate à sa femme qui pleurait de le voir périr innocent : "Aurais-tu préféré que je meure coupable ?". 

Rabelais : "Je n'ai rien, je dois beaucoup, je lègue le reste aux pauvres". 

Fontenelle : "Je ne sens autre chose qu'une difficulté d'être". 

Madame de Soubise : "Je me regrette".

Gustave-Adolphe, frappé à mort à Lutzen : "À d'autres, le monde !". 

Littré, le grammairien : "Je m'en vais ou je m'en vas, car l'un et l'autre se disent ou se dit". 

Musset : "La bonne chose que le calme". 

Portrait de Exit

Je suis allé voir hier "Inside" une exposition sur la prison à Southbank Centre à Londres, j'essaierai d'y mettre des choses à ce sujet, il y a directement une similitude très forte avec le besoin de mourir et le suicide. j'ai beaucoup apprécié cette expo.