Accès aux soins : les plus démunis trinquent

Publié par jfl-seronet le 24.10.2010
671 lectures
Notez l'article : 
0
 
Tous les ans, Médecins du Monde réalise un Rapport sur l'accès aux soins des personnes les plus démunies en France. Chaque année, à quelques variantes près, les Rapports se ressemblent assez. Il n'en va pas de même de celui qui porte sur la période 2009/2010 qui dresse le constat d'une "dégradation brutale" de l'état de santé des personnes exclues en France. Explications.
the_missing_piece1056130_fo.jpg

"La volonté politique du gouvernement français de précariser les personnes vulnérables, en les désignant comme boucs émissaires, s'est clairement affirmée cette année : stigmatisation, restriction des droits, démantèlement des lieux de vie, etc." Difficile d'être plus clair. C'est cette phrase qui ouvre le document de Médecins du Monde consacré à l'Observatoire de l'accès aux soins de la mission France. Cette mission, présente dans vingt-neuf villes, concerne spécifiquement les personnes les plus démunies qui vivent en France et plus particulièrement les personnes étrangères. Critique, le rapport de Médecins du Monde démontre que les "mesures sécuritaires prises à l'encontre des plus vulnérables ont un impact direct sur leur état de santé."

Des chiffres pour réfléchir
C'est une constante et cela ne semble pas inciter les pouvoirs publics à réagir, mais les personnes les plus pauvres sont toujours celles qui ont le moins accès aux soins. Ainsi 84 % des personnes reçues par Médecins du Monde n’ont aucune couverture maladie. A cette situation déjà difficile, il faut ajouter l'impact de la crise économique et celui des politiques de sécurité et d’immigration conduites par le gouvernement qui "viennent aggraver la situation sanitaire déjà très difficile de ces populations, soumises à une triple peine : exclues, premières victimes de la crise et désormais cibles désignées des politiques sécuritaires." Et là, les chiffres parlent : 17 % d'augmentation des personnes vues en consultation médicale dans les centres de Médecins du Monde entre 2007 et 2009 ; Doublement des retards aux soins entre 2007 et 2009 puisqu'on est passé de 11 % à 22 %. Médecins du Monde souligne que le retard aux soins est en augmentation permanente, ce qui "entraîne dans de nombreux cas, une aggravation de l'état de santé des personnes qui sollicitent des soins quand leur maladie atteint un stade avancé. Le Rapport 2009/2010 indique très clairement que les maladies sont aggravées faite de soins, d'autant qu'une proportion importante des personnes est touchée par des pathologies lourdes et aiguës. "Dans près de 44 % des cas, les affections diagnostiquées nécessitaient une prise en charge au long cours. Seuls 11 % des patients concernés disposent d'une couverture maladie, ce qui questionne bien entendu les modalités de prise en charge et de suivi de leur pathologie. D'autant plus que 34 % des personnes présentant une de ces pathologies graves accusent un retard de recours aux soins."

VIH et hépatites en Ile-de-France

Dans son rapport, Médecins du Monde indique que "plus de 1 500 personnes ont été dépistées pour le VIH et les hépatites dans les deux centres d'accueil, de soins et d'orientation d'Ile-de-France (Paris et Saint-Denis). "La prévalence du VIH atteint 3,07 %, soit 14,5 fois plus que la moyenne nationale. Celle de l'hépatite A est de 6,87 %, soit 10,5 fois plus que la moyenne nationale. Cette de l'hépatite B est de 6,87 % soit, là encore, 10,5 fois plus que la moyenne nationale. Quant à celle du VIH, elle s'élève à 6,14 %, soit 7 fois plus que la moyenne nationale.
"Ces prévalences élevées montrent à quel point les populations qui viennent consulter à Médecins du Monde sont exposées aux risques des pathologies infectieuses comme le VIH, les hépatites ou la tuberculose, alors qu'elles sont particulièrement éloignées du système de soins, note l'association. Cela doit inciter à ne pas relâcher les efforts en termes de prévention et d'accès au dépistage, mais bien au contraire à les poursuivre et les intensifier par la mise en place de dispositifs les mieux adaptés aux besoins et aux pratiques des personnes." Ainsi Médecins du Monde recommande de mettre en œuvre de "nouvelles stratégies telles que les tests de dépistage du VIH à résultat rapide" qui permettraient d'être au plus près des populations cibles et de lutter contre le retard au dépistage. Médecins du Monde affirme aussi qu'il est "indispensable de mettre en place des programmes d'éducation aux risques liés à l'injection pour les usagers de drogues afin de lutter contre l'épidémie d'hépatite C qui sévit dans cette population."

Plus d'infos sur www.medecinsdumonde.org

 Crédit Photo : Andronicus Riyono