Afrique, les annonces à la CROI devraient modifier les politiques de lutte contre le sida

Publié par olivier-seronet le 11.02.2009
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CROI 2009transmission mère enfant
Les politiques publiques de lutte contre le sida se nourrissent de résultats d’études qui ont été menées en Afrique. Celles-ci apportent des informations nouvelles et nourrissent les arguments en faveur de stratégie nouvelles applicables partout dans le monde (on pense ici en particulier au concept de PrEP*). Par contre, ces mêmes politiques tardent à prendre les décisions nécessaires à une lutte efficace de la pandémie de VIH/sida. En effet, le retard considérable pris dans la lutte contre la transmission du VIH de la mère à l’enfant devient aujourd’hui inacceptable.
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Primo-infection par le VIH lors de la grossesse ou de l’allaitement
Le Botswana propose à chaque femme enceinte le dépistage du VIH/sida. En 2007, environ 43 000 femmes ont donné naissance à un enfant. Parmi celles-ci, 13 932 ont été diagnostiquée séropositives au VIH et 4,7% des enfants ont été infectés par le VIH. Le test n’est proposé qu’une seule fois aux mères, ainsi les femmes séronégatives enceintes qui sont infectées par le VIH après le test ne bénéficient pas d’une prise en charge médicale pour réduire le risque de transmission. Une équipe locale, avec le soutien du CDC américain, a tenté d’évaluer le nombre de femmes qui séroconvertissent au moment de la grossesse ou pendant l’allaitement. Ainsi, ils ont estimé que 40% des bébés qui sont infectés pendant l’accouchement ou pendant l’allaitement le sont de mères en séroconversion. Ces résultats plaident en faveur d’une offre de test répétée au cours de la grossesse et pendant l’allaitement.

Névirapine mono-dose, quelles conséquences pour les mères après l’accouchement ?
On a rappelé que seulement 1/3 des  femmes enceintes séropositives en Afrique sont prises en charge médicalement pour réduire le risque de transmettre le VIH à son enfant. Ainsi, nous savons que la névirapine (connue dans les pays du Nord sous le nom de Viramune) utilisée au moment de l’accouchement en dose unique chez la mère et chez le nouveau né n’est pas la stratégie la plus efficace mais elle restera encore utilisée de nombreuses années par les pays du fait de son faible coût et de la relative facilitée de son mode d’administration. L’essai OCTANE 1 qui s’est déroulé dans sept pays d’Afrique visait à comparer chez les femmes qui avaient eu accès à la névirapine monodose deux stratégies de traitement pour elle-même. La stratégie à base de névirapine s’est révélée moins efficace que celle à base d’Aluvia (nom de marque du Kalétra en Afrique) pour la simple et bonne raison qu’une seule prise de névirapine a suffi à développer des résistances à ce produit chez certaines femmes. Ces résultats sont importants, ils montrent que la stratégie monodose peut avoir un effet délétère chez les femmes qui se verront proposer un traitement à base de névirapine pour elle-même par la suite.

Combattre l’apparition de résistance à la névirapine
Pour combattre le risque d’apparition de résistance à  la névirapine chez les femmes enceintes qui prennent une dose de ce médicament lors de l’accouchement, une étude a évalué la prise pendant 4 semaine suivant l’accouchement de Rétrovir (AZT) et Videx (ddI). L’apparition de virus résistant à la névirapine est beaucoup plus rare avec cette stratégie. Par contre, un participant à la CROI a rappelé que 4 semaines pouvaient suffire à l’apparition de virus résistant à l’AZT et la ddI…

Des antirétroviraux (ARV) pour les mères qui allaitent !
Une étude au Malawi a montré que les mères sous ARV qui allaitent transmettent moins le VIH que celles qui ne prennent pas de médicaments contre le VIH. Ainsi, comme pour la transmission sexuelle, le risque de transmettre le VIH à son enfant lors de l’allaitement est réduit par la prise d’ARV.

En conclusion, ces informations appellent à une révision musclée des recommandations en matière de prise en charge des mères infectées par le VIH au Sud. Pour cela, il faut convaincre les décideurs politiques mais aussi les pays riches à augmenter le financement de la lutte contre VIH/sida au niveau international. Près de 300 000 enfants ont été infectés par le VIH en 2008, c’est inacceptable !

* PrEP : acronyme de l'anglais pour Pre Exposure Prophylaxy, la prophylaxie pré exposition).

 Eléments graphiques : Yul-Studio et Seronet