AME : le Sénat arrête les frais et Fillon réagit

Publié par jfl-seronet le 07.12.2010
1 840 lectures
Notez l'article : 
0
 
AME
Le 4 décembre dernier, les sénateurs (qui sont majoritairement de droite) ont annulé certaines des restrictions de l'Aide médicale d'Etat (AME) imposées par les députés de la majorité. Cette victoire, temporaire puisque le texte n'est pas définitivement adopté, on la doit beaucoup à la mobilisation des associations de défense des droits des étrangers et notamment de l'ODSE, le collectif sur le droit à la santé des étrangers. Que s'est-il passé au Sénat ? Quelles restrictions ont été supprimées ? Que va-t-il désormais se passer ? Seronet vous dit tout… ou presque.

(mis à jour le 9 décembre) On le sait peu, mais les sénateurs travaillent le samedi. C'est, en effet, le samedi 4 décembre, dans le cadre de l’examen du projet de budget pour 2011, que les sénateurs ont adopté des amendements qui annulent plusieurs articles introduits par les députés de la majorité visant à réduire l’Aide médicale d’Etat (AME), le dispositif dont bénéficient les personnes étrangères en situation irrégulière. Lors de l'examen du projet de budget, les députés de la majorité ont voté plusieurs mesures visant à réduire l'intérêt de l'AME. Une concernait l'instauration d'une contribution annuelle forfaitaire des bénéficiaires (seuls les adultes étaient concernés) à raison de 30 euros par an sous la forme d'un d’un timbre fiscal. Une deuxième portait sur la limitation du panier de soins pris en charge à 100 % dans le cadre de l’AME. Ainsi, certains actes médicaux, produits ou prestations dont le service médical rendu était considéré comme "faible" ou qui n'étaient pas destinés directement au traitement d'une maladie en étaient exclus. Les députés avaient cité, pour bien frapper les esprits, les cures thermales et le traitement de la stérilité. Une autre mesure portait sur l'accord préalable des caisses primaires d'assurance maladie en cas d'interventions coûteuses. Dans ce cas, les bénéficiaires de l'AME devaient faire une demande préalable d'accord de prise en charge pour toute intervention très coûteuse financièrement. Une autre disposition votée par l'Assemblée nationale portait sur la restitution des sommes indûment versés aux caisses. Une autre concernait l'obligation de résidence qui devait être vérifiée par les CPAM.

Que s'est-il passé au Sénat ?
Rompant avec le discours tenu par les députés UMP et Nouveau centre, les sénateurs de la majorité ont assez largement défendu l'AME. Rapporteur pour avis sur le texte, le sénateur UMP Alain Milon a rappelé que "les rapports de [l'inspection générale des affaires sociales] et du Parlement montrent que l'AME remplit bien son rôle. Dans ces conditions, notre commission repousse les amendements adoptés par l'Assemblée Nationale car toute personne présente en France doit pouvoir accéder aux soins, quelque opinion qu'on ait sur l'immigration". Difficile d'être plus clair ! Il est aussi intervenu pour battre en brèche certains arguments des députés. "L’AME correspond à des soins de première nécessité. Les cures thermales et les fivettes [traitement de la stérilité] ont été citées, mais ces exemples ne correspondent à aucune réalité constatée. D’autre part, le risque de "tourisme sanitaire" est sans objet puisque les étrangers gravement malades lorsqu’ils arrivent en France relèvent de la CMU et de la CMU-c", a expliqué Alain Milon. Il a d'ailleurs affirmé : "Contrairement à ce que d'aucuns prétendent, les allocataires de l'AME ne sont pas mieux protégés que les personnes prises en charge par la CMU-c. En particulier, ils peuvent se voir appliquer les dépassements d'honoraires. Le coût moyen des soins pour un titulaire de l'AME est de 2 055 euros, contre 2 188 pour les assurés sociaux. Il n'est pas légitime de prétendre que la charge financière est disproportionnée". Un argument s'opposant frontalement à celui développé par la ministre de la Santé…

Quelle a été l'attitude du gouvernement ?
Secrétaire d'Etat à la Santé, Nora Berra a joué les bons petits soldats gouvernementaux (et ce n'est pas un compliment), elle a indiqué son opposition systématique à tous les amendements de suppression  y compris ceux de droite ou demander leur retrait. Elle a donc défendu la ligne dure contre l'AME.  La ministre a rappelé que : "Les crédits de l'AME augmentent de 53 millions, pour atteindre 588 millions, ce qui représente 45 % du total de cette mission" et puis elle a fait comme si tout le monde était sourd et aveugle et prétendu qu'avec les mesures adoptées à l'Assemblée : "Il n'est pas question de stigmatiser, d'exclure ou de remettre en cause l'accès aux soins, mais une politique qui reçoit un demi-milliard d'euros doit être gérée au mieux : c'est une condition essentielle de son acceptation par nos concitoyens.". Ça, c'était pour vendre les mesures votées. Pourtant, la ministre explique qu'il "n'y a pas de dérive financière de l'AME" puisque "le coût global du dispositif évolue en effet de la même façon que les dépenses de santé". Elle rappelle également que "la progression des dépenses, de plus de 13 % de 2008 à 2009, est due à celle du nombre de bénéficiaires et à la forte augmentation des dépenses d'AME relevées dans les établissements de santé. Les hôpitaux concentrent 70 % de l'AME". Enfin, la ministre avance qu'un "titulaire de l'AME n'a pas plus de droits qu'un étranger titulaire de la CMU-c. Plus fondamentalement, les bénéficiaires de l'AME ne sont pas exonérés d'une logique de droits et de devoirs. Ainsi, ils doivent accepter les génériques ; c'est bien le moins qu'on puisse leur demander." "Plusieurs des propositions dont nous allons discuter tout à l'heure vont dans le bon sens car elles permettront d'améliorer le pilotage et la gestion du dispositif, avance Nora Berra. Ce que nous voulons, c'est préserver un dispositif de prise en charge qui a fait ses preuves et qui est le plus large en Europe, avec ceux de l'Espagne et le Portugal. Mais ce dispositif ne pourra recueillir l'adhésion que si le système est bien géré et qu'il est bien contrôlé. Je pense, par exemple, à l'instauration d'un droit d'entrée annuel par adulte bénéficiaire de l'AME ; cette mesure permettrait de couvrir les frais d'ouverture du dossier et de fabrication de la carte sécurisée sans pour autant provoquer de renoncement aux soins. Cette solution est préférable à une mesure qui viserait à une participation directe au fil de l'eau des bénéficiaires de l'AME."

Qu'a fait l'opposition au Sénat ?
Elle a été plutôt pugnace à l'image du sénateur Verts Jean Desessard qui a ironisé sur les clins d'œil appuyé des députés de la majorité à l'extrême droite. "Qui peut croire à des réseaux clandestins de personnes venant en France y suivre des cures thermales ou subir des interventions de chirurgie esthétique ? Cet article populiste et xénophobe tend à stigmatiser les étrangers. Il est indigne de la République", a ainsi appuyé le sénateur Verts pour demander le retrait de la disposition sur la réduction de l'offre du panier de soins. "La restriction du panier de soins est contraire à une politique de santé publique cohérente, restreignant l'accès aux soins, la prévention, le suivi médical. Une prise en charge tardive entraînera une dégradation de l'état de santé des personnes concernées. Le panier de soins de l'AME est déjà réduit par rapport à celui de la CMU-c. Et, contrairement à ce qui a été dit à l'Assemblée nationale, à revenu identique, les personnes en situation irrégulière bénéficient d'une moindre couverture maladie que les Français ou les étrangers en situation régulière", a rappelé le sénateur socialiste Yves Daudigny. Même les centristes (Marie-France Beaufils, par exemple) ont contesté les mesures votées par l'Assemblée nationale. "Imposer une charge financière à des personnes extrêmement démunies va inciter au report, voire au renoncement aux soins. Des pathologies simples qui auraient pu être soignées à peu de frais risquent de dégénérer en complications graves et coûteuses", ont fait valoir les sénateurs centristes à propos du forfait de 30 euros.


Au total, qu'est-ce qui est annulé ?
Les dispositions concernant l'AME sont compliquées. Il s'agit d'un ensemble de six mesures réparties en quatre articles. Pour faire simple… Ont été annulés par les sénateurs : le forfait de 30 euros, la restriction du panier de soins, l'entente préalable avec la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) pour les actes lourds financièrement. Le remboursement des sommes indûment versées a lui été maintenu tout comme le contrôle de la résidence par les préfectures et les CPAM.

Que va-t-il se passer maintenant ?
Les votes de l'Assemblée Nationale et du Sénat étant différents, il est nécessaire de réunir une commission mixte paritaire (sept députés et sept sénateurs). A charge pour cette commission d'aplanir toutes les difficultés et d'aboutir à une version du texte pouvant être adoptée dans les mêmes termes par l'Assemblée Nationale et le Sénat. La commission mixte paritaire se tiendra le 13 décembre 2010. On saura donc très vite sur quoi ont porté les marchandages, ce qui passe et ce qui ne passe pas. Au vu de la prestation de Nora Berra (défense molle de ce qui a été voté par l'Assemblée et soutenu par le précédent gouvernement), on a une petite idée de l'équilibre entre les concessions aux réactionnaires de l'UMP et les impératifs de santé publique.

Fillon dit non au Sénat
Grosse colère, sourcils froncés… on ne sait pas trop, mais, quoi qu'il en soit le Premier ministre François Fillon a refusé fermement les modifications apportées par le Sénat sur plusieurs points importants du budget 2011, notamment sur la levée des restrictions concernant l'AME (Aide médicale d'Etat). Il a réclamé le retour à la copie d'origine votée par l'Assemblée et, donc, sur l'AME, au retour aux restrictions pourtant dénoncées par la grande majorité des acteurs de santé publique (à part le ministère de la Santé) et les associations de défense de la santé des étranges. Manifestement, les amendements déposés et votés par la majorité de droite au Sénat (4 décembre) et redonnant au dispositif de l'AME sa vocation première, ne sont pas passés auprès du chef de gouvernement. C'est toujours alarmant de voir à quel point le pouvoir tient peu compte de l'avis de ses propres parlementaires et refusent, au final, tout consensus visant à améliorer des dispositions (celles votées à l'Assemblée) qui sont, objectivement, mauvaises pour les personnes concernées et les objectifs de santé publique. Il y a fort à parier que devrait être rétabli, dès la semaine prochaine, le forfait de 30 euros d'entrée dans l'AME, la restriction de l'offre du panier de soins dans le cadre de l'AME… Selon plusieurs dépêches de presse, François Fillon a même fait pression sur la commission mixte paritaire qui doit se réunir le 13 décembre en menaçant de laisser l'Assemblée nationale avoir le dernier mot. C'est légalement et techniquement possible… mais pas très glorieux d'un point de vue démocratique… A l'évidence, ce n'est pas le souci majeure de l'équipe gouvernementale en place. Bon  petit soldat, le nouveau président du groupe UMP à l'Assemblée Nationale défend la position de François fillon. "Nous sommes attachés à revenir à la version de l'Assemblée sur l'Aide médicale d'Etat… ", a renchéri devant la presse Christian Jacob. 
 

Commentaires

Portrait de romainparis

légitime, moins de 3 euros par mois, pour bénéficier de la médecine gratuite. Même Soeur Emmanuelle était contre la gratuité totale...
Portrait de ecceomo

  • vois tu Romain, le sujet n'est pas de justice et de bonne gestion des dépenses sociale ou de solidarité mais stigmatiser et fragiliser encore plus une population pour faire diversion ... tu sais bien le traditionnel bouc émissaire ...
  • c'est dans la foulée du débat sur l 'identité nationale et de l'instrumentalisation de l'idée nationale à des fins de pouvoir (comme toujours dans ces cas de figure)
  • la comm version nauséabonde de ce gouvernement est donc efficace , ton adhésion "sensée" en est l'exemple. L'argumentaire mensonger d'ailleurs de l'UMP sur le "tourisme sanitaire et les cures thermales" en est révélateur de flagrant délit d'obscénité.
  • Enfin, 30 €, ça ne garantie pas d'en profiter 1 an car on ne te rembourse pas si on t'expulse ! et puis quand il faut se démerder pour le moindre euro, en trouver 30 en + ce n'est pas "facile"...
  • Jour après jour l'idée de " fraternité " est détruite en France par ce type de disposition à visée populiste ....
  • choisit ton camp camarade
  • @+ ecceomo
Portrait de romainparis

de la totale gratuité. Ce monde n'a jamais et ne sera jamais gratuit. Si cela te plait à le croire, alors je respecte ton utopie, mais je n'y adhère pas. Gauche, droite, anar, etc... Rien n'est efficace sur moi, je suis apolitique : c'est la garantie de ma liberté humaine.