Au couvent, et toujours aussi folles !

Publié par Emy-seronet le 15.09.2010
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Soeurs de la Perpétuelle Indulgence
La cornette dressée et le teint fardé, elles étaient prêtes pour l'érection de la Grande Chapelle. Lundi 6 septembre 2010, pour célébrer les vingt ans de leur association, les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence avaient envahi le bar parisien Le Duplex (Paris, 3e). Et c'est sous la protection de Sainte Pouffe, que Seronet est allée à la rencontre de trois d'entre elles. L'expiation de la culpabilité et la promotion de la joie multiverselle restent leurs missions principales... mais c'est un talent qui n'est pas donné à tout le monde. Leur secret ? Tout est dans le talon !
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Le portrait de Dalida en Sainte Rita, patronne des causes désespérées (et donc des hétéros !), un noir et blanc de David Bowie en Sainte Cyclète, patronne des Bi, la chanteuse Juliette venue faire honneur à son titre de Sainte Sapho, patronne des filles qui aime les filles... Suspendus aux murs ou accoudés au bar, les Saints veillent sur nous. "Lui, c'est Klaus Nomi, un chanteur d'opéra allemand," m'explique Soeur Narta. "Soeur Narta la Rousse, dite La Qui Pue, catin malgré elle, mère supérieure des couvents de Paris" pour être exact ! "...et mère fouettard à l'occasion" précise Soeur Rita du Calvaire, fondatrice du mouvement français et archi-mère générale des couvents de France.

"A quoi servent les Soeurs ? Elles sont là pour être visibles !" s'exclament mes interlocutrices. D'accord, c'est réussi... mais les tenues sont savamment pensées. "Talons, rangers, voile, pas voile... Chaque soeur est différente, leur habit reflète leur personnalité." La Grosse Cubique, en collants verts et moule-boules rose, vient compléter l'explication : "Le maquillage asiatique, c'est pour l'ombre chinoise que j'aurais aimée être. Le long voile orné de fleurs, c'est l'enracinement au sol. Les fleurs... la campagne... le bon vieux terroir quoi !" Ok, c'est ravissant. Mais tout ce bon goût, ça revient cher ? "On a beau être de grandes folles hystériques et radicales, tout ça, c'est compté sur nos petits deniers." Ah oui, quand elles ne sont pas en cornettes, les Soeurs sont au boulot, parce les dons qu'elles reçoivent et l'argent qu'elles récoltent ne leur reviennent pas. Tout est versé à la lutte contre l'homophobie et le VIH/sida.

Si ces dindes du Marais sont aussi élégantes, c'est d'ailleurs parce que "renvoyer l'estime de soi, c'est renvoyer l'estime de l'autre" et parce que "l'estime de l'autre commence par soi". "Je porte de la soie pour le ver à soi, certes, mais aussi pour le vers soi et le quant à soi, car aller vers soi c'est déjà s'ouvrir aux autres, voyez-vous ?" ajoute La Grosse Cubique. "Ce n'est pas de la philosophie, c'est la vie !" La réflexion a du bon mais les Soeurs sont surtout là pour agir. Après avoir étudié la question, elles estiment que "faire et dire ensemble, c'est déjà pas mal". Et, pour concrétiser la chose, elles tiennent à être sur le terrain, auprès des personnes, pour tendre une main douce, une oreille attentive, une épaule solide... ou tout ce qui peut réconforter.

C'est qu'elles ont le sens du devoir, les Soeurs ! Impossible de leur faire répéter la confession croustillante d'un pécheur venu se repentir : "c'est confidentiel". Le respect de l'anonymat et de la confidence, j'en déduis que c'est une des qualités principales pour devenir Soeur. "Pas seulement !" précisent l'archi-mère générale et la mère supérieure. "Etre Soeur, ça ne s'improvise pas, ça s'apprend au cours de formations pédagogiques et initiatiques car ce rôle comporte une part théâtrale et une part humaine. On commence Postulant, on devient ensuite Novice, et Soeur est le dernier stade. Toutes les qualités sont bonnes à prendre, encore faut-il en avoir conscience et savoir les rendre visibles." A en croire Raquel, jeune parisienne qui se destine à devenir Garde-Cuisse, ce concept créé des vocations.

Bon, à part ça ? "A part ça, tout est dans le talon ! Nous sommes les seules folles de la capitale à avoir notre cerveau dans le talon," se félicitent les Soeurs. Grimpée sur une table, au beau milieu du bar, la mère supérieure nous interrompt pour la bénédiction. Un chant, une ronde à la gloire de la fondatrice du mouvement français, et les Soeurs quittent le bar une par une, en même temps que les clients fraîchement bénis. La Grande Chapelle restera érigée tout le mois de septembre. Amis pécheurs, il est encore temps d'aller vous agenouiller sous le buste de Sainte Pouffe, au bar Le Duplex, 25 rue Michel Le Comte, 75003 Paris.

Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence organisent de nombreuses manifestations associatives tout au long de l'année. Pour suivre l'actualité de l'association, rendez-vous sur leur site officiel.

 

Fondé en septembre 1990 d'après l'association américaine The Sisters of Perpetual Indulgence, l'Ordre français des Soeurs de la Perpétuelle Indulgence est une association de lutte contre l'homophobie et le VIH/sida. Les Soeurs, les Novices, les Postulantes, et les Gardes Cuisses sont des hommes et des femmes bénévoles qui ont choisi de consacrer leur temps libre et leur énergie au service des lesbiennes, des gays, des bi, des transgenres, des indéterminéEs, des queers et de leurs amiEs. Tout au long de l'année, les membres de l'association assurent une présence dans de nombreux lieux publics, notamment dans les lieux de rencontre gays pour informer sur le VIH/sida, promulguer "la joie multiverselle" et lutter contre "la culpabilité stigmatisante".

 Crédit photo : OJ