Dépistage obligatoire : associations et experts dénoncent

Publié par jfl-seronet le 30.09.2010
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dépistage
Faire feu de tout bois… et peu importe si la fumée empêche de respirer. C'est la marque de fabrique de l'actuelle majorité qui se traduit par une surenchère législative (des lois examinées de plus en plus vite) doublée d'une hystérie sécuritaire : des textes mal ficelés aux dispositions très controversées. Exemple en date, l'amendement du projet de loi sur la sécurité intérieure qui élargit le recours au dépistage obligatoire pour certaines infractions. Associations et experts dénoncent cette dérive, c'est le cas de la Société française de lutte contre le sida. Questions et réponses
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De quelle mesure s'agit-il ?
Il s'agit d'une disposition adoptée le 10 septembre dernier au Sénat qui a été soumise à la
Commission des lois de l'Assemblée nationale le 29 septembre. Cet article fait désormais partie du projet de loi sur la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2 (c'est le deuxième texte dans le même domaine). Il prévoit d’imposer un dépistage du VIH à toute personne ayant commis sur un dépositaire de l’autorité publique (un policier, un gendarme, un magistrat…) ou chargée d’une mission de service public (par exemple, un huissier…) des "actes susceptibles d’entraîner sa contamination par une maladie virale grave". L’exposé des motifs indique que c'est un soignant qui serait chargé du test. Pour cela, il doit d’abord "s’efforcer d’obtenir le consentement de l’intéress". En cas de refus, celui-ci serait puni "d’un an de prison et 15 000 euros d’amende". En dernier recours, le procureur pourra obtenir ce dépistage "sans le consentement de l’intéressé" sur décision de justice.

Comment réagissent les associations de lutte contre le sida ?

Très mal. Les plus importantes associations de lutte contre le sida, et pour certaines d'entre elles, de personnes vivant avec le VIH, ont publié des communiqués en réaction à cette initiative. Elles ont surtout décidé d'interpeller les députés avant que le projet gouvernemental ne passe une nouvelle fois en lecture à l'Assemblée Nationale. Un courrier a été envoyé en ce sens. Dans ce courrier, les signataires (Actif Santé, Act Up-Paris, AIDES, Arcat, Médecins du Monde, Sidaction, Solidarité Sida, le TRT-5, l'Unals) attirent l'attention des députés sur cette "disposition". Ils affirment que cette " mesure est insoutenable à plusieurs titres : elle ne garantit pas l’absence de risque de contamination, elle méconnaît les risques de transmission du VIH, elle peut occasionner un retard de mise sous traitement d’urgence en cas de contamination et elle remet en cause des principes éthiques fondamentaux, protégés par le droit international, européen, communautaire et français, dont découle l’obligation du consentement au dépistage du VIH". Pour les associations, cette "mesure ne se révèle ni utile ni adaptée, tout en entretenant des représentations erronées sur le VIH". Par exemple, en laissant croire qu'il se transmet facilement.
"Nos associations ne peuvent accepter que l'on fasse passer les personnes vivant avec le VIH pour des dangers potentiels, et que l'on bafoue ainsi le droit le plus élémentaire à la
confidentialité de leur état de santé."

Les associations sont-elles les seules à avoir réagi ?

Non. La Société française de lutte contre le sida (SFLS) s'est prononcée sur cette initiative. Ce qui est particulièrement intéressant dans cet avis, c'est que l'argumentation qu'il développe n'est pas de nature politique, mais scientifique, nourri de l'expérience même des professionnels de la prise en charge de l'infection par le VIH qui l'ont rédigé.

Que dit la Société française de lutte contre le sida ?

L'avis de la SFLS explique que : "L'amendement proposé ne permet pas de garantir l'absence de risque de contamination pour les personnes exposées. Il fait, par ailleurs, courir à la victime le risque de voir retarder l’initiation d'un traitement antiviral urgent [ce dernier doit être au mieux dans les quatre heures qui suivent l'accident, et poursuivi pendant 28 jours après avis d'un médecin expert dans les 48 premières heures] par l’attente des instructions écrites du procureur ou du juge d'instruction faisant procéder de façon coercitive à un prélèvement chez la personne source." Par ailleurs, la SFLS rappelle qu'un résultat négatif "de la personne source ne permet pas de garantir l'absence de risque de contamination, la personne en question pouvant être en phase de séroconversion dans les quinze jours suivant sa propre contamination et étant de ce fait à haut potentiel infectieux. En outre d'autres maladies transmissibles peuvent nécessiter un traitement préventif rapide adapté (hépatite B) et/ou un suivi sérologique prolongé (Hépatite C)".

Quelle conclusion en tire la SFLS ?
La SFLS estime que le texte "introduit une complexification de la procédure qui risque de retarder une prise en charge urgente validée par l'expertise d'un référent dans les 48 heures qui suivent l'accident. Enfin, comme l’a rappelé le Conseil National du Sida dans son "Avis sur la conduite à tenir face au risque de contamination par le VIH/sida à la suite d’une agression sexuelle" [12 décembre 2002] : on peut s’interroger sur l’utilité d’une mesure de dépistage obligatoire, d’autant qu’on ne saurait aller jusqu’à imposer un dépistage sous la contrainte physique, contraire à tous les principes d’éthique et de droit internationaux et à toutes les règles de déontologie médicale. A ces différents titres, la SFLS souhaite que cet amendement soit retiré."

Quelle est la suite ?
Le texte du gouvernement va être examiné pour une seconde lecture par l'Assemblée Nationale à partir du 5 octobre 2010. La fin des débats est prévue vers le 12 octobre.

Plus d'infos sur la SFLS sur http://www.sfls.aei.fr/
Plus d'infos sur le texte LOPPSI 2 (modifié par le Sénat sur http://www.assemblee-nationale.fr/)
LIEN PDF SUR PROJET DE LOI : http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl2780.asp