"En France, on a pas mal de chance mais..."

Publié par Emy-seronet le 18.11.2010
1 012 lectures
Notez l'article : 
0
 
états généraux VIH en Ile-de-France
"Lors de votre dernière visite médicale, qu'est-ce qui vous a déçu ?" "Avez-vous déjà été obligé de renoncer à certains soins ?" "Chez le médecin, qu'aimeriez-vous améliorer ?" Ces questions figurent parmi celles qui ont fait débat, le 13 novembre dernier, au CRIPS (Paris). Pour préparer les Etats généraux sur la prise en charge globale du VIH en Ile-de-France (26-27 novembre 2010), des participants de tous genres et de tous horizons avaient répondu présents à l'appel... Les inscriptions aux Etats généraux sont encore ouvertes !
EG-VIH-IDF-2010.png

"En France, on a pas mal de chance au niveau médical mais c'est en train de se casser la gueule" (Stanis). Médecins qui refusent de prendre en charge les personnes séropositives, absence de soutien psychologique, difficultés pour accéder à la procréation... Les participants à la rencontre du 13 novembre 2010 étaient venus témoigner d'un constat : "Il y a une nette dégradation dans la qualité de la prise en charge" (Eric) et ils avaient une mission : élaborer les propositions qui seront portées devant les institutions concernées lors des Etats généraux des 26 et 27 novembre 2010.

Quand les soignants s'y mettent...
La prise en charge française actuelle ? A première vue, elle est plus que satisfaisante. "J'ai une grande confiance dans le système français" confie Jo-Bernardo, une transgenre arrivée du Portugal en 2005. D'ailleurs, les visites médicales sont plutôt complètes car "on ne contrôle pas seulement votre VIH, on vous contrôle globalement" constate Régine. Et, pour la majorité, les participants entretiennent des rapports de confiance avec leur médecin. C'est important. Cependant, ici et là, on dénote des dysfonctionnements, des incohérences, des injustices. Choisir son lieu de soins et son soignant est de plus en plus limité, et réussir à se faire soigner est de plus en plus difficile. "Avant, je faisais mes examens à l'hôpital," explique Alain, "maintenant, on me renvoie systématiquement dans des labos ou des services privés". Ailleurs, "certains spécialistes vous rejettent," déplore Régine. Rejeté par un médecin, négligé par les infirmières, jugé par une assistante sociale... Les participants ont quasiment tous été victimes de discriminations dans un cabinet médical. "Dès que vous donnez le nom de vos traitements, [les soignants] ne vous touchent même plus," explique Régine en évoquant le manque de connaissances des soignants ; un manque de connaissances encore plus criant lorsqu'il faut prendre en charge le VIH d'une personne qui souffre de plusieurs maladies.

Que la loi pose problème...
La pénalisation de l'exposition et de la transmission du VIH, c'est une question qui préoccupe Jo-Bernardo, travailleuse du sexe. "Je ne sais pas si je dois dire que je suis séropo quand j'ai un rapport sexuel," explique la jeune femme. "A quel moment dois-je le dire ? Quels sont les risques que j'encoure en occultant la question ?" "Il faut se saisir massivement de [cette] question," répond Eric qui déplore des condamnations trop nombreuses. La loi française, c'est aussi l'accès aux soins, pour tous... et Jovana s'inquiète de la politique d'immigration actuelle : "Jusqu'ici, on bénéficiait d'un titre de séjour pour les étrangers atteints du VIH en France... mais demain : dehors !" Il y a un point positif, c'est vrai : "De plus en plus de médecins parlent plusieurs langues, cela facilite l'accès aux soins." Cependant, Stanis s'inquiète du cas des femmes séropositives que l'on fait avorter "sans aucune alternative" et Joseph rappelle le cas d'une femme africaine que l'on a stérilisé contre sa volonté. "Les médecins doivent respecter les droits des malades, notamment quand il s'agit de personnes qui ne pratiquent pas la langue française," déclare-t-il.

Et que la vie est un tabou...
Pour que les personnes séropositives aient accès à la procréation, Reda propose que l'on intègre "un bilan préconceptionnel" qui permettrait d'évaluer la fertilité de la personne et de lui présenter les choix de prévention possibles pour ne pas transmettre le VIH à son partenaire et à son enfant. Eric poursuit : l'accès à la contraception, qui inclut des rapports sexuels sans préservatifs, c'est aussi un tabou dans les services qui prennent en charge des femmes séropositives. Pourtant, prendre en compte la psychologie et la sexologie des personnes, "ça n'est pas optionnel, ça compte dans la qualité de vie quotidienne et la France est très en retard sur ce point." Cela semble évident : "Pour tous les séropos, cette question de la reproduction et du droit à la santé sexuelle doit faire l'objet d'une offre adaptée". Et puis, "il faudrait intégrer le partenaire de la personne suivie aux consultations médicales, dans le respect du secret médical," préconise Reda.  "Davantage de temps, de compétences et de moyens doivent être déployés à l'écoute".

C'est le mental qui en fait les frais !
L'écoute, les participants ne savent plus trop où la chercher. Penser à ses examens, à ses rendez-vous, à ses médicaments... Cela représente un stress important, sans compter le problème de la dicibilité, les relations avec les proches, les angoisses de la maladie. Parce que les soignants ne savent pas l'entendre, Jovana craint de déclarer son statut sérologique : "J'attends des spécialistes un soutien pour dévoiler ma séropositivité." La place du partenaire d'une personne séropositive ? Inexistante, d'après Juliette et Joseph. "On ne parle jamais de nos compagnons, quelle est leur souffrance ?" Quant à Jean-Louis, il aimerait pouvoir discuter des effets de la maladie et des traitements. "J'ai très peur de l'ostéoporose et des problèmes cognitifs à long terme... mais je ne sais pas où m'orienter pour échanger sur mes angoisses, le vieillissement, l'avenir avec la maladie," confie-t-il au groupe. Et en parlant d'âge, "il faut aussi envisager l'adaptation des services à l'évolution des personnes séropositives. On va vieillir. Quel service pourrait accueillir les personnes séropositives en perte d'autonomie ?" s'alarme Eric.

(Premières) conclusions
Pour mettre un terme à la discrimination, aux refus de soins, et acquérir une prise en charge de meilleure qualité, les participants s'accordent sur un point : les praticiens ont besoin d'être formés à la maladie et à ses modes de contamination. "L'information donnée doit être objective et toujours la même," conseille Stanis. "[Les soignants] doivent être bien informés, faire abstraction de leurs convictions personnelles et accorder leurs violons." Pour Régine, tous doivent comprendre que "soigner un séropositif n'est pas forcément un danger." Plus d'information et de prévention donc, mais pas seulement dans les cabinets médicaux. De façon plus générale, "il faut éclairer le grand public sur les risques et l'absence de risques à avoir des rapports avec une personne séropositive," conclut François. "Il n'y a aucun danger, et il faut communiquer là-dessus."


Pour participer aux Etats généraux sur la prise en charge globale des personnes vivant avec le VIH en Ile-de-France (26-27 novembre 2010, Paris), inscrivez-vous maintenant sur le site consacré à l'événement.