Injection : l’Académie dure contre les drogues !

Publié par jfl-seronet le 21.01.2011
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Le 19 janvier, la mission interparlementaire d’information sur les toxicomanies (Mildt) entamera ses travaux. Elle y traitera de l’opportunité ou pas de créer des centres d’injection . l’Académie nationale de médecine vient de publier (11/01) un avis très opposé aux “salles d’injections pour toxicomanes”. Cet avis fait l’objet de très vives critiques de la part des associations et d’un soutien sans bornes de la Mildt. Seronet fait le tour des forces en présence.
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Un  avis… très académique
Ils ont voté. Sur 79 votants : 61 ont approuvé, 12 s’y sont opposés et 6 se sont abstenus. C’est ainsi que les travaux de la commission “Addictions” de l’Académie nationale de médecine sont devenus la position officielle de l’institution concernant “le projet de création en France de salles d'injections pour toxicomanes”. Ne faisons pas durer le suspens plus longtemps, c’est un gros NON ! Bien sûr, dans un style chantourné, l’Académie nationale de médecine se dit “totalement consciente de la nécessité pour les toxicomanes de bénéficier, comme tous les malades, d’une attention vigilante et de l’empathie de l’ensemble du corps médical”. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a “étudié (….) le projet de création de structures (réputées expérimentales) où, sous supervision médicale, des personnes malades de la drogue pourraient s’injecter ou se faire injecter des drogues qu’elles se seraient elles-mêmes procurées (“drogues de la rue”)”.
Experts, professionnels de l’accompagnement de personnes consommatrices, etc. ont été auditionnés par l’Académie qui a aussi fait le bilan des expériences étrangères dans le domaine… On était donc en droit d’espérer un avis balancé à défaut d’être complètement objectif.
Pas du tout ! Dans un style suranné et brutal que la moyenne d’âge de l’institution (76 ans selon son site) n’excuse pas, l’Académie souligne d’abord que “la mise à disposition de telles [structures] aurait pour effet de sortir, de facto, les drogues les plus détériorantes (sic !) du statut illicite où elles sont actuellement et de remettre ainsi en question l’image répulsive (re sic !) qu’il convient de leur conserver pour éviter toute confusion dans la population dans son ensemble et, en particulier, chez les jeunes”. L’Académie développe d’autres arguments. Selon elle, “on ne peut demander à des médecins de superviser ou même de se livrer à de telles “intoxications médicalement assistées”, ce d’autant plus que les “drogues de la rue” peuvent correspondre à des mélanges de toxicité potentiellement mortels. En cautionnant, même indirectement, l’injection d’une solution non stérile d’une substance non identifiée, le médecin superviseur engagerait sa responsabilité, qu’elle soit personnelle ou administrative”. Elle avance également que cela va coûter cher et que l’argent serait plus utile “pour renforcer les actions de prévention et d’aide au sevrage. On dispose, en effet, de médicaments de substitution et de centres spécialisés dont l’usage doit s’inscrire dans un schéma thérapeutique d’administration dégressive visant à une meilleure adaptation sociale et, à terme, à l’abstinence”. Et l’Académie de conclure que “dans ces conditions et dans l’état actuel des connaissances, [Elle] ne peut que marquer son opposition à un tel projet”.

Fans d’eux !
Du côté des groupies de l’avis de l’Académie, on trouve bien évidemment la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Son président, Etienne Apaire, se “félicite de l'approche de l'Académie de médecine (…) qui conforte la position du gouvernement” dans un entretien à l’AFP (13 janvier). En 2010, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) avait réuni des experts et émis une recommandation favorable à la mise en place expérimentale de centres de consommation supervisés. La ministre de la Santé de l’époque Roselyne Bachelot y était également favorable. Etienne Apaire entend discréditer le point de vue avancé par l’Inserm en 2010 au motif que "les experts de l'Inserm n'étaient pas tous médecins”. « Nous avons [là] non pas une expertise, mais un avis de médecins qui tient compte de l'éthique médicale, et qui dit très clairement qu'il y a plus de risques que de bénéfices en ce qui concerne les “salles de shootʺ ». “J'utiliserai la semaine prochaine devant les parlementaires cet avis que nous n'avons pas sollicité, mais qui vient à l'appui du message que le gouvernement entend continuer à promouvoir", conclue Etienne Apaire. Autre groupie, l’UMP parisienne qui s’est félicitée, elle aussi, de l'opposition de l'Académie de médecine aux salles de shoot. Dans un communiqué, le président du groupe UMP au Conseil de Paris, Jean-François Lamour, et le président de la fédération UMP de Paris, Philippe Goujon, estiment que cet avis "conforte la position du gouvernement et de la majeure partie des Français". Pour eux, "sortir les toxicomanes de la drogue, ce n'est sûrement pas les accompagner dans la drogue, même soi-disant proprement, encore moins leur en faciliter l'accès (…) Le seul objectif médical possible est le sevrage”. Fermez le ban !

Critiques en volée
“L’avis de l’Académie est si caricatural qu’on croirait qu’il a été rédigé par la Mildt”, ironise Christian Andreo, directeur des Actions nationales de AIDES. Interviewé par l’AFP, il explique que “les arguments énoncés reflètent une méconnaissance ou un mépris total des approches de réduction des risques. Une fois de plus, c’est une vision moraliste et complètement déconnectée de la réalité scientifique et de l’évaluation des programmes existants qui prévaut et décrédibilise totalement cette vénérable assemblée”.  “Qu’à cela ne tienne ! Nous n’avons pas attendu l’avis de l’Académie pour travailler sur l’accompagnement des pratiques d’injection. Et devinez quoi ? Nous allons continuer !”, avance Christian Andreo qui estime que l’Académie de médecine serait mieux inspirée “de s’occuper du Mediator”.
Avec cet avis, l’Académie nationale de médecine “se couvre de ridicule”, celui-ci “témoigne d’une ignorance crasse des phénomènes d’addiction en général et des salles de consommation en particulier”, estime Act Up-Paris (13 janvier) L'association souligne, contrairement à ce qu’affirme l’Académie, qu'"aucun professionnel de santé, médecin ou autre, n'est autorisé à injecter des drogues, ni à aider à injecter des drogues, dans aucune salle de consommation au monde". Act Up s'étonne encore que cet avis ne s'appuie sur "aucune étude scientifique", citant seulement la recommandation de l'OICS, l'Organisme international de contrôle des stupéfiants, une structure punitive. "Depuis quand des médecins fondent-ils leur avis sur ce que dit une structure policière ?", note Act-Up Paris. “On n'est pas obligé d'être favorable à ces solutions, mais dans le cas de l'Académie de médecine, qu'on le fasse au nom d'arguments médicaux, pas idéologiques", explique Jean-Pierre Couteron, président de l'Association nationale des intervenants en toxicomanie et addictologie (Anitea) à l'AFP. Cet avis "se réfère peu aux études scientifiques sur ce sujet et il y a des confusions : ils parlent d'injections médicalement assistées, or dans les salles de consommation c'est l'usager qui s'injecte, les médecins et infirmiers n'y participent pas. La salle de consommation consiste juste à ouvrir un espace sécurisé pour les personnes consommatrices.”

Plus d’infos sur http://www.anitea.fr

Commentaires

Portrait de Zzorg

"l’Académie nationale de médecine se dit “totalement consciente de la nécessité pour les toxicomanes de bénéficier, comme tous les malades, d’une attention vigilante et de l’empathie de l’ensemble du corps médical”. Si c'était pas tragique on pourrait presque en rire... Les toxicos n'ont pas besoin de l'empathie de vieillards embourbés dans leurs certitudes dépassées et mortifères, ici dans le 18e, les gens shootent dans des lieux pourris, des produits pourris, dilués dans de l'eau pourrie, et aujourd'hui encore on nous sort ça ? Honte sur ce pays sclérosé par des vieux cons criminels... Zzorg