Kenya : une ministre suggère d'isoler les séropositifs

Publié par Emy-seronet le 22.05.2011
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Le 28 janvier dernier, Esher Murugi, ministre kényanne des Programmes spéciaux, ressortait des fonds de tiroir une idée peu éthique : isoler les séropositifs pour mieux lutter contre la propagation du VIH. Si les députés à qui Esther Murugi s'adressait ne s'en sont pas offusqués, plusieurs militants anti-sida se sont manifestés pour rappeler au monde que les personnes atteintes endurent déjà cet isolement au quotidien. Peut-être encore plus en Afrique...
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"A Cuba, quand le président Fidel Castro était encore très puissant, tous ceux qui étaient diagnostiqués séropositifs étaient enfermés quelque part. Une fois dedans, on ne pouvait plus en sortir". La ministre devait avoir l'oeil humide en se remémorant cette belle époque, le 28 janvier dernier, pendant une réunion avec les députés kényans. "Je ne sais pas si nous devons être aussi drastiques mais je pense parfois que nous devrions isoler les personnes malades du sida".

Reprise par la presse et dénoncée par les spécialistes comme Nelson Otwoma, coordinateur du Réseau kényan des personnes infectées par le VIH/sida, la ministre s'est rapidement vue obligée de modérer ses propos. Les droits de l'homme, les outils de prévention, la stigmatisation : elle n'en avait peut-être pas entendu parler. "Je ne pense pas avoir dit qu'il fallait isoler ces personnes. J'ai simplement donné des exemples de ce qui se faisait ailleurs et je me suis demandé si nous pourrions obtenir des résultats en répétant l'expérience ici au Kenya", a-t-elle corrigé plus tard.

Analyse de la stigmatisation et des discriminations en Afrique

S'inspirant de ce dérapage, Foussénou Sissoko, chargé du programme VIH/sida de l'UNESCO au Cameroun, a récemment publié une "analyse de la stigmatisation et de la discrimination en Afrique". Dans Mutations, journal camerounais qui se présente comme un quotidien indépendant, le spécialiste explique que, même dans les catégories sociales élevées, les croyances et les représentations des années 1980 sont ancrées dans les mentalités africaines.

Malgré les campagnes d'information et les témoignages publics de personnes atteintes, les populations continueraient d'obéir à des logiques d'un autre âge : l'interprétation de la maladie comme une sanction, la crainte de la contagion, et l'abandon du malade devenu une source de dépenses inutiles puisqu'il est condamné. Foussénou Sissoko rappelle que la peur "d'attraper" le sida lors des contacts quotidiens est encore très forte, et que les personnes séropositives en subissent les conséquences dans tous les domaines, même si "les innocents" et "les victimes" (femmes mariées contaminées par un mari infidèle...) peuvent bénéficier d'une certaine grâce.

Solutions et résolutions plus ou moins éthiques
Le péché doit être puni. Une étude de l'Onusida, mené dans six pays d'Afrique entre mars et juillet 2001, a prouvé que les personnes séropositives étaient sans cesse confrontées à la violation de leurs droits fondamentaux dans la sphère privée, sociale, médicale, professionnelle... Au cours d'une autre enquête menée par l'Onusida en 1999, dans le Nord du Botswana, la plupart des personnes interrogées ont proposé de "tuer les porteurs du VIH en les brûlant, en les euthanasiant, ou de les isoler".

De façon tout à fait légale, de nombreux gouvernements d'Afrique tolèrent, ne condamnent pas, et même pratiquent des mesures discriminatoires et stigmatisantes à l'encontre des personnes séropositives, comme le gouvernement de l'Ile Maurice qui exige un certificat de sérologie négative au VIH avant d'autoriser les personnes étrangères à résider et à travailler sur son territoire, justifiant cette mesure par le coût élevé des médicaments et de la prise en charge médicale. Les militants de la lutte contre le sida rappellent que de telles mesures sont contraires à d'autres textes officiels comme la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et la Déclaration de Dakar de 1994.