L'accès aux soins ? "Une question de solidarité et de santé publique"

Publié par Emy-seronet le 11.12.2010
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mobilisationétats généraux VIH en Ile-de-France
« Les freins à l'accès aux soins et au dépistage », c’est un des quatre thèmes des Etats généraux 2010 sur la prise en charge globale du VIH en Ile-de-France (26-27 novembre), et le groupe de travail qui s’est penché sur la question a relevé de nombreux éléments qui font obstacle à la prise en charge des minorités. Migrants, usagers de drogues, personnes détenues, travailleurs du sexe… Retour sur les constats et les propositions des « oubliés » du système de santé.
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« Nous devons garantir un accès aux soins pour des questions de solidarité et de santé publique, » (Claude Evin, directeur de l’Agence régionale de santé Ile-de-France, le 27 novembre 2010). L’accès à la santé pour tous, c’est un beau projet, mais les participants au groupe de travail répondraient qu’il faut d’abord mettre un terme à la discrimination, aux labyrinthes administratifs, aux défauts de communication et aux freins financiers.

Se faire dépister ? Pas facile quand on ne se comprend pas.

La démarche première pour prévenir le VIH, c'est le dépistage. Pourtant, les populations stigmatisées, qui sont aussi les plus exposées au virus, y ont peu accès. Les personnes transgenres et les travailleurs du sexe ? Il leur est difficile de pousser la porte d'un centre de dépistage, en sachant qu'ils vont être regardées comme « des pédés qui tapinent ». Les personnes étrangères ? Le barrage de la langue les tient éloignées de ce genre de dispositifs. A l’entrée en prison, on ne propose pas toujours ce test. Encore moins pendant l'incarcération…


Le groupe de travail est unanime : il faut développer les tests rapides communautaires et aller à la rencontre des différentes populations en proposant une offre de santé « hors les murs ». Pour mettre un terme à la stigmatisation dont sont victimes les travailleurs du sexe, il faut commencer par abolir l'article L-225-10-1 du code pénal qui incrimine le racolage actif et passif. Pour faciliter le contact avec les personnes étrangères, il faut valoriser et systématiser le recours à l’interprétariat. Proposer le test à tous dans les permanences d'accès aux soins de santé (PASS), ce serait aussi une solution, à condition d'accompagner la personne en cas de résultat positif.

De l'information et de la formation pour mettre un terme aux refus de soins

Parce qu'ils craignent de contracter le VIH pendant l'acte de soin, parce qu'ils doutent de leurs compétences à prendre en charge une personne séropositive, ou parce qu'ils craignent de ne pas être payés par une personne financièrement fragile (bénéficiaire de la CMU, de l'AME...), de nombreux médecins refusent souvent de soigner les personnes séropositives. Rendez-vous incessamment repoussés ou explicitement refusés, personnes renvoyées vers l'hôpital... Les témoignages sont nombreux. La méconnaissance des interactions entre traitement antirétroviral et traitement de substitution aux opiacés, c'est une autre des grandes lacunes déplorées par les usagers de drogues, tout comme la méconnaissance des interactions entre traitement antirétroviral et traitement hormonal déplorée par les personnes transgenres.

Informer les personnes de leurs droits et rappeler aux praticiens leurs devoirs : cela semble la première chose à faire pour permettre aux personnes de se défendre et mettre un terme aux refus de soins. Les connaissances insuffisantes des praticiens ? Les participants souhaitent qu’elles soient mises à niveau, parce que TOUS ont besoin d’être formés aux spécificités du VIH. Quant à cette tendance qui veut que l’on dirige les patients vers la ville, elle ne posera plus problème si les restructurations cessent et si l’on conserve les pôles d'excellence qui existent.

En prison ou dans la rue, on a droit aux soins et à la prévention

Les stratégies de Réduction des risques (RDR), pourtant autorisées par la loi, restent absentes de nombreux milieux « phares » de l'épidémie. « Depuis 91, on peut distribuer des seringues en pharmacie ; en prison, on n’a toujours pas de programmes d’échange de seringues », interpelle une personne détenue venue participer aux tables rondes du samedi matin. Pour d’autres participants, l’ouverture de salles de consommation à moindre risque dans les quartiers fréquentés par les usagers de drogue serait une offre de prévention efficace et accessible.

L’accès aux soins en prison, il est aussi affecté par la promiscuité et le non-respect du secret médical : « En prison, c'est zéro confidentialité. Quand j'étais détenu, on nous appelait au haut-parleur, dans la cour, pour les consultations 'sida', » explique Jacko. « Certains arrêtent leur traitement parce qu’ils sont stigmatisés dans la cellule, » ajoute un autre participant. Le vrai frein aux soins des personnes détenues ? Pour Alain Sobel, du Corevih Sud, c’est surtout la réinsertion : « Maintenant que la prise en charge ne dépend plus de l'établissement pénitentiaire mais des hôpitaux, c’est la sortie qui pose problème. Il n'y a quasiment pas de travailleurs sociaux dans les prisons alors que l’accompagnement à la sortie est crucial, » explique-t-il.

Incohérences et manque de coordination dans les administrations

A l'hôpital ou à la préfecture, les procédures sont complexes et les démarches souvent éreintantes. « Pourquoi, en 2010, est-il toujours nécessaire de fournir un certificat médical à chaque renouvellement du titre de séjour alors que tout le monde sait que l'on ne guérit pas du sida ? » interpellent les femmes de la troupe de théâtre camerounaise Marie-Madeleine. Les délais pour obtenir les documents, les procédures qui varient d'un département à l'autre, politiques qui diffèrent selon les collectivités territoriales... C’est autant d’incohérences qui pourraient être améliorées. Même chose pour le calcul des ressources, qualifié d’« inadapté » par les participants, puisqu’il prend en compte ce que gagne le conjoint ou le concubin.

Homogénéiser les pratiques des maisons départementales pour handicapés (MDPH), des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), de la caisse d’allocation familiale (CAF) et identifier un référent dans chacune de ces instances : c’est une grande revendication des participants. Toujours pour plus d’« efficacité », les procédures au sein des délégations territoriales de l’ARS et des administrations d'Ile-de-France (délai de procédure, durée des avis médicaux rendus, suivi ou non des avis par le préfet...) doivent être uniformisées. Et, pour que les personnes aient connaissance des aides extra légales (aides financières, services à la personne…) auxquelles elles ont droit, les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale qui en proposent doivent absolument se faire connaître auprès l’agence régionale de santé (ARS).

Côté financier, l’instauration d’un droit d’entrée de 30€ pour bénéficier de l’aide médicale d’état (AME) continue d’être dénoncée par les personnes étrangères… et le directeur de l’ARS se dit « très sensible à la question de l’AME ». A la préfecture, les étrangers malades sont dispensés de payer la taxe OFII lorsqu'ils demandent une carte de séjour pour raisons médicales en cas d'« indigence » et ce droit n’est pas toujours appliqué. Assurer des permanences de proximité dans les CPAM au lieu de les fermer à tour de bras, c’est aussi la garantie d’un accès aux soins pour tous. Enfin, chez le médecin, les personnes n'ont pas à prendre en charge les honoraires lors d’une visite de contrôle.