L’Egalité LGBT fait des Folies : interview de Nicolas Gougain, porte-parole de l'Inter-LGBT

Ce type d'événement est une première dans l'engagement LGBT. Pourquoi ce choix ?
Nicolas Gougain : Nous organisons des campagnes d'interpellation des politiques, pour les élections locales comme nationales. Nous avions envoyé en 2007 un questionnaire aux candidats, dont les réponses avaient été publiées sur notre site internet dans les dix jours précédant le premier tour de la présidentielle. Un débat, avec des représentants régionaux des candidats, s'en était suivi. Mais aujourd'hui, 12 ans après le PaCS, aucune avancée législative majeure dans les droits des LGBT n'est à signaler. On sort de deux quinquennats qui ont été durs pour les LGBT. Quelques avancées sous la mandature de Chirac : pénalisation des propos homophobes, création de la HALDE - intégrée dans le Défenseur des droits sous Sarkozy, dispositions visant à aligner fiscalement le PaCS et le mariage, mais c'est tout. Depuis 2007, c'est un bilan encore plus mauvais. Que ce soit sur la question LGBT, mais également sur les questions de santé impactant sur les personnes vivant avec le VIH, comme le durcissement du droit au séjour pour soins, l'AME (Aide médicale d'Etat) et les franchises médicales.

Depuis deux ans, une véritable dynamique dans le mouvement LGBT s'est créée. Au travers des Marches des fiertés (Paris et régions) qui, certes sont autonomes, mais ont défilé en 2011 sous un mot d'ordre commun. Au travers des grands enjeux qui se profilent, nous avons décidé de faire une campagne 2012 unitaire, plus ambitieuse et dont le meeting du 31 mars sera un des éléments phares. Nous rappellerons ainsi les revendications des associations, les prises de positions des candidates et candidats et plus généralement nous rappellerons de manière non partisane qu'il appartient à tout à chacun de se mobiliser pour aller voter. Par ailleurs, la campagne va continuer jusqu'au second tour des législatives et n'a pas vocation à s'arrêter au lendemain du Meeting !

Quels objectifs à un mois des présidentielles, alors que les programmes sont écrits et que les candidats se sont déjà positionnés sur ces questions LGBT ?
Déjà, nos revendications n'ont pas tellement changé en cinq ans. Nous les rappelons régulièrement. Lors de la dernière Marche des fiertés de Paris, nous indiquions que c'était là le véritable début de notre campagne, avec une communication sur nos attentes concernant cette échéance politique. Après, je ne me fais pas d'illusions, je n'imagine pas que le meeting puisse faire changer d'avis les candidates et candidats en direct. Pour autant, cela peut être un moyen pour eux de préciser des points de programme. Depuis quelques semaines, les candidats, de manière positive ou non, y vont déjà de leurs petites phrases sur la question de l'égalité des droits. Ce meeting a pour objectif de faire un focus précis sur les revendications LGBT. Ce qui obligera le candidat ou son représentant présent à développer son programme. De plus, cela les oblige à travailler leur sujet de manière plus profonde et détaillée que la simple question du "mariage ou de l'adoption" par exemple. Ils ont tous reçu, depuis plus d'un mois, un courrier où était joint l'ensemble de nos revendications. Faire du bruit, être présent et imposer un événement avec des retombées médiatiques, c'est engageant pour les politiques. Le fait de réserver une grande salle, de solliciter l'ensemble des candidats, de communiquer de manière large, unitaire, en faisant venir des personnes de toute la France donne de l'ampleur à nos revendications. Cela inscrit cette date dans la campagne électorale et met la pression pour ne laisser les candidates et candidats se contenter de déclarer : "Je suis pour l'égalité des droits" ou "J'ai l'homophobie en horreur". Les obliger à développer leurs propositions et les faire s'engager publiquement, c'est ça l'objectif du meeting - la parole publique et orale est bien plus engageante que les réponses à un questionnaire écrit.

C'est une soirée, ponctuée d'intermèdes musicaux ou humoristiques. Dès lors, quel contenu et quelle dynamique pour la continuité du débat, tout au long du meeting ?
Sur le déroulé de la soirée, il y aura un premier temps d'introduction, où les fédérations vont rappeler les revendications, la campagne, etc. Charlène Duval, sera la "meneuse de revue", comme un fil rouge de la soirée, assurant les transitions entre les différentes séquences. La soirée sera ponctuée par huit interventions de responsables associatifs, sur les thèmes emblématiques de la campagne. Couples, santé, VIH, etc. Il était important d'avoir un vrai panel LGBT dans les représentants, mais aussi dans les différentes régions. Aussi, pour éviter la monotonie de prise de parole successives des candidats, nous avons décidé de faire une alternance entre des séquences politiques, mais aussi d'autres plus légères, avec des personnalités qui s'engagent publiquement pour la cause LGBT.

Sur le site, la question de la Santé est précisée mais peu détaillée. Dès lors quelle place pour le VIH et les hépatites et quelles revendications seront portées ?
Les entretiens avec les candidats seront conduits par Marie Labory (seule journaliste du PAF ouvertement lesbienne) et moi-même. D'abord dans un cadre assez général, sur la question principale de l'égalité des droits pour les LGBT, mais aussi de la lutte contre les discriminations. Après ce sera aux candidates et candidats présents de se saisir d'autres points de discussion. Soit cela sera malheureusement de grandes et vagues généralités, soit cela pourra être, je l'espère, des points précis de leur programme qui les distingueront des autres. Sachant notamment que les candidats de la gauche se rejoignent assez sur ces questions. Notre rôle sera donc, après un premier discours du candidat ou de son représentant, de demander des clarifications ou mettre l'accent sur d'autres questions non-évoquées. Il n'y aura pas d'interaction avec la salle, mais des retours ultérieurs sur ce meeting, avec des débats régionaux avec des représentants politiques, qui seront plus interactifs.

Et plus spécifiquement sur la santé…
Sur le thème de la Santé, il y aura une intervention santé/VIH, mais aussi un rappel au Sidaction, qui tombe ce même week-end. La plupart des points "Santé" de la campagne Egalité LGBT 2012 concernent le VIH en particulier, mais nous voulions aussi parler de la santé globale, de la santé LGBT. En France, il n'existe pas de politiques ou d'enquêtes pour savoir comment vont les LGBT. Même quand on s'occupe du VIH, on se rend compte qu'on ne peut pas ne prendre en compte que la maladie. Il faut aussi prendre en compte l'environnement, la condition psychique et sociale ou la considération au sein de la société. C'est parfois difficile à défendre, mais c'est notre philosophie et une manière d'aborder la santé. Pour atteindre aussi la problématique du travail, notamment par rapport à la dicibilité de sa séropositivité dans le monde professionnel. Sans oublier l'accès aux soins et la prévention, réfléchir sur les impacts et les enjeux que soulèvent la santé, la maladie, mais aussi le bien-être général de la personne, est essentiel. Même si nous obtenions concrètement l'ensemble de nos revendications dans les prochaines années, il restera malgré tout énormément de travail, au-delà du droit. Comme on le voit dans des pays plus avancés sur la question des droits LGBT, lutter contre les représentations, les préjugés et faire avancer les mentalités demeure indispensable pour que la reconnaissance juridique obtenue soit aussi synonyme d'estime de soi et d'appartenance à part entière dans la société.

Sur l'affiche du meeting, il est indiqué que les candidates et candidats seront présents. Qui sera présent ?
Nous invitons tous les candidats, sauf Marine Le Pen. Nous souhaitons bien sûr qu'ils viennent en personne. Pour le moment, Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon ont annoncé qu’ils seraient présents ainsi que Najat Vallaud Belkacem, porte-parole de François Hollande, et Fadila Méhal, porte-parole de François Bayrou. Nous nous sommes fixés comme règle d'accepter ou non, les personnes éventuellement envoyées pour les représenter, ou qui serviraient de caution ou d'alibi. Cela n'a pas le même sens d'avoir le président candidat ou un "simple" représentant local. Cela serait d'ailleurs dommage que Nicolas Sarkozy et d'autres déclinent l'invitation car, pour eux, c'est une tribune unique, un moment dans la campagne de pouvoir s'exprimer sur ce thème et peut être de clarifier un certain nombre de leurs prises de position. Qui sait !

Que représente ce meeting pour vous ? Que diriez-vous à quelqu'un qui hésiterait à venir samedi soir ?
C'est une étape importante dans notre campagne. C'est l'occasion de tous se retrouver, nombreux, dans un lieu unique. Mais c'est également une démonstration de force, pour montrer que sur ces sujets-là, on peut réunir les candidats. C'est aussi un rassemblement militant unissant un grand nombre d'associations LGBT que certains jugent parfois trop dispersées. Pour autant, elles se rassemblent aujourd'hui autour de ce même projet. Dans le cadre d'un meeting et contrairement au "questionnaire écrit", on peut voir en direct les candidates et candidats et avoir plus de matière sur des sujets rarement approfondis. Nous vous attendons nombreuses et nombreux le 31 mars prochain pour mettre l'ambiance aux Folies Bergère. Seul le public sera juge des candidats !

Propos recueillis par Mathieu Brancourt.

Le meeting est ouvert à tous, mais inscription préalable.
Plus d’infos et inscriptions à la soirée.
Infos pratiques : Meeting LGBT pour l’Egalité. Samedi 31 Mars 2012, 18 heures. Théâtre les Folies Bergère - 32 rue Richer - 75009 Paris. Métro Cadet ou Grands Boulevards.