Législatives 2012 : Cécile Duflot : " Nous voulons garantir l'universalité d'accès aux droits"

Publié par jfl-seronet le 08.06.2012
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législatives 2012
Ministre de l'Egalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot fait campagne aux élections législatives dans la 6ème circonscription de Paris avec la suppléante, la députée sortante PS, Danielle Hoffman-Rispal. AIDES s’est adressée à Cécile Duflot pour l’interroger sur les 10 mesures que l’association préconise pour en finir avec le sida. La ministre-candidate a répondu à Bruno Spire, le président de AIDES. Exclusivité Seronet.
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"Je vous remercie de m'avoir fait parvenir votre questionnaire, qui me permet de réaffirmer mes convictions sur les enjeux de santé et les mesures qu'il sera important de défendre lors des prochaines années à l'Assemblée Nationale", écrit Cécile Duflot à Bruno Spire.  Les voici, point par point.
 
Les conditions de vie des personnes touchées par le VIH et/ou une hépatite.
La politique que j'entends prôner sera fondée sur la lutte contre les inégalités de santé et contre les renoncements aux soins. La politique menée par le gouvernement [ancien gouvernement, ndlr], avec l'instauration des franchises médicales, est un échec. Non seulement elle n'est pas parvenue à contenir les dépenses, mais en plus elle a dégradé l'accès aux soins. Que des gens soient aujourd'hui obligés de renoncer à se soigner parce qu'ils doivent se nourrir ou payer leur loyer est tout simplement inacceptable ! Sans compter que l'entrée plus tardive dans le circuit de soins entraîne des dépenses plus lourdes pour la collectivité. Il faut revenir sur cette politique, en supprimant les franchises médicales, en revenant sur le forfait à un euro, et tout comme la lutte contre les déserts médicaux et les dépassements d'honoraires doit être une priorité d'action de notre politique de santé. Un moratoire doit être instauré sur la tarification à l'acte à l'hôpital qui, appliqué systématiquement comme c'est le cas actuellement, pressurise les professionnels de santé et déstabilise l'hôpital public au profit des cliniques privées. Aussi je souhaite lutter contre les refus de soins des bénéficiaires de la CMU et de l'Aide médicale d'Etat par des campagnes de testing et en sanctionnant de telles pratiques. Le devoir d’un Etat responsable, c’est de protéger ceux dont il a la charge. La maladie ne choisit pas où elle frappe. Elle n'est jamais une affaire individuelle, qui doit engager la responsabilité de celui ou celle qui en souffre. C'est la raison pour laquelle il est essentiel de revenir vers une logique de solidarité collective. Ainsi la compensation du handicap doit se faire sur les besoins du bénéficiaire et non sur la capacité financière de la collectivité. Pendant les cinq dernières années, l'AAH a été augmenté de 25 % en cinq ans. Mais Nicolas Sarkozy a repris d'une main ce qu'il avait donné de l'autre, par exemple par l’instauration de franchises médicales. Celles-ci devront être supprimées, et nous assurerons une garantie de ressources en élevant progressivement l'Allocation aux Adultes Handicapés. Il sera également important de mettre un terme à la barrière d'âge des 60 ans pour la compensation du handicap. Enfin nous veillerons à la prise en charge solidaire de la perte d'autonomie : à cet effet, un droit à la compensation des incapacités tout au long de la vie dans la cadre de la Sécurité sociale sera créé.
 
L’accès aux soins et au séjour des étrangers malades
Nous voulons garantir l'universalité d'accès aux droits. Pour cela, il me semble essentiel d'au minimum fusionner l'AME et la CMU. Il est important de mener une réflexion pour évaluer l'opportunité de réintégrer la CMU et la AME au sein du dispositif de droit commun. Il est anormal que des bénéficiaires de l'AME par exemple ne bénéficient pas des mêmes droits que les usagers de l'assurance maladie. En outre, la création de ces dispositifs spécifiques, s'ils sont très utiles, participent à stigmatiser auprès de certains professionnels leurs bénéficiaires (refus de soins). De même, je suis opposée à la modification de l'article L. 313-11 [concerne le droit au séjour pour soins, ndlr] et je souhaite revenir aux dispositions antérieures, qui permettent de garantir aux étrangers de venir en France pour des raisons médicales (et ce d'autant plus que moins de 10 % d'entre eux ont bénéficié d'un diagnostic avant leur arrivée sur le territoire français). Là encore, il s'agit d'une nécessité sanitaire autant qu'éthique et politique.
 
L’homophobie dans les droits, les faits et la vie quotidienne
La défense de l’égalité des droits est un des combats les plus importants qu'il faudra mener durant les cinq prochaines années, et la lutte contre toutes les formes de discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre est à cet égard cruciale. C'est pourquoi je soutiendrai l’alignement de l’identité de genre au même niveau de protection de toutes les dispositions légales de lutte contre les autres motifs discrimination reconnus par la loi. Je serai également particulièrement attentive à ce que soit reconnue par le droit la spécificité des injures transphobes. Il ne peut y avoir selon moi de hiérarchisation des motifs de discriminations ou d’injures. Pour cela, il faut être très vigilant à tous les aspects techniques du droit et je salue la proposition de loi déposée par les député-e-s d’Europe Ecologie - Les Verts le 9 mars 2011 visant à aligner le délai de prescription des injures à caractère homophobe, mais aussi sexistes et handiphobes, sur le délai de prescription des injures racistes. Tous les champs sociaux doivent être investis par la lutte contre les discriminations. L’entreprise en fait partie, je souhaite la mise en place officielle de formations de lutte contre les discriminations au travail. La Halde a mené un remarquable travail sur ces questions mais elle a malheureusement été dissoute. Ce travail doit être poursuivi et amplifié par une nouvelle autorité nationale indépendante et renforcée de lutte contre les discriminations. Je suis persuadée que l’Etat a un rôle essentiel d’initiative et d’incitation à la lutte contre les discriminations par les organisations privées. Les inspecteurs du travail doivent également être associés à cette réflexion collective. A l'école, de même que je souhaite "dégenrer" l’éducation afin de lutter contre les stéréotypes de genres et le sexisme de manière structurelle, je défends l'inclusion dans les programmes scolaires de manière transversale une sensibilisation à la diversité des relations affectives et amoureuses, ainsi qu’à la multiplicité des identités de genre. Il est nécessaire de démarrer cette approche dès la maternelle car les stéréotypes discriminatoires se forgent dès le plus jeune âge. Je suis persuadée que les enfants sont tout à fait capables de comprendre ces questions.
 
Prévention et soins auprès des travailleurs du sexe et des usagers de drogues
Les politiques stigmatisantes et répressives sont bien peu compatibles avec les exigences de santé publique. Je me méfie des lois instaurées ces dernières années qui tendent à criminaliser la prostitution, car elles conduisent bien souvent à pousser celles et ceux qui sont les premières victimes dans la clandestinité. Je soutiens ainsi l'abrogation des lois telles que celle sur le racolage passif. L'objectif des politiques en la matière doit d'abord être de renforcer l'accompagnement social, de soutenir les associations qui participent à ce travail, d'encourager la réinsertion, et de lutter contre les réseaux mafieux. Mon point de vue est le même concernant l'usage de drogues. Je privilégie une approche fondée sur la réduction des risques. Les élus et responsables écologistes se sont mobilisés pour l'autorisation des salles de consommation à moindre risque. J'entends continuer à soutenir cette politique en permettant l'accueil des consommateurs les plus fragiles. De la même façon, je suis favorable à une réelle politique de réduction des risques dans ce domaine dans les prisons. Plus globalement, je suis favorable à un débat national sur la dépénalisation de certaines substances. La politique de guerre à la drogue a montré son incapacité à répondre aux enjeux de la consommation de drogues, notamment sur le plan sanitaire. Il est temps d’en sortir.
 
Politiques de santé et participation des malades
Cette politique a des conséquences terribles bien au-delà de l'AP-HP. La T2A dans son application actuelle, la loi HPST, etc. ont des répercussions catastrophiques sur le monde hospitalier. Partout on ferme des services, partout les urgences ne sont plus correctement assurées, partout les services les moins "rentables" sont fermés ou diminués. Les usagers comme les médecines et les infirmiers sont victimes de cette politique de chiffre. C'est particulièrement sensible pour la médecine préventive qui, par définition, ne produit pas d'actes rémunérateurs pour l'hôpital et donc, dans la logique comptable des agences régionales de santé, ne sert à rien... Les conséquences sur la qualité des soins et sur l'état sanitaire du pays commencent à se faire sentir durement. Pour inverser cette logique, nous devons repenser la chaine des soins en améliorant l’articulation entre médecine de ville et hôpital. Nous devons centrer nos efforts sur la médecine générale et de proximité, dont l’accès est mis à mal par l’apparition de déserts médicaux. Nous devons permettre le développement de centres de santé pluridisciplinaires et revaloriser la médecine générale en multipliant les stages des étudiants en médecine dans ce domaine. Plus généralement, le statut des médecins libéraux doit être revu. Le paiement à l’acte qui les incite à multiplier les consultations au détriment de leur vie de famille ou encore la totale liberté d’installation doivent être rediscutés. Enfin, l’hôpital doit s’intégrer dans cette réponse sanitaire graduelle et bénéficier de moyens à la hauteur des enjeux. Pour cela, et dans un souci à la fois d’efficience du système et de haute qualité de soins pour les malades, il est important de rediscuter la tarification à l’acte appliquée systématiquement comme c’est le cas aujourd’hui. La T2A, si elle peut être pertinente pour la valorisation d’actes chirurgicaux techniques, n’est pas adaptée aux soins psychiatriques par exemple. L'idée que la médecine et la santé n'appartiennent pas qu'aux professionnels, portée par les mouvements des malades défendant la démocratie sanitaire, me paraît saine... Les élus, bien sûr, mais aussi les patients et usagers de la santé doivent avoir leur mot à dire. La façon dont, en grande partie avec l'irruption de l'épidémie du SIDA, l'expertise des patients a été progressivement prise en compte est une très bonne chose. La prise en compte de la parole des patients, par exemple dans la gestion de la douleur, est un vrai progrès. Mais beaucoup reste à faire pour généraliser ce type de choses. De ce point de vue, la loi HPST a plutôt marqué un recul, notamment dans la gouvernance de l'hôpital. La démocratie sanitaire exige plus de moyens pour la formation des usagers et des instances de gouvernance ouvertes et respectueuses de la parole de chacune et de chacun.
 
Des moyens financiers pour enrayer les épidémies au VIH et aux hépatites

Les crédits d'Etat en faveur de la lutte contre le sida ont largement baissé que ce soit à l'échelle nationale ou pour l'aide internationale. C'est un véritable drame quand on sait à quel point ces crédits, finalement pas si énormes, peuvent changer la donne. En matière d'accès aux traitements des personnes vivant avec le VIH dans les pays du Sud, l'absence de volonté forte est criminelle. Je pense aux financements insuffisants et aux freins mis à l'accès à des traitements génériques. La France n'a sûrement pas brillé dans ces domaines ces dernières années. Il faut inverser la tendance aux deux niveaux. Il est important que l'Etat, avec le concours des collectivités territoriales, aide significativement les associations investies dans la réduction de ces épidémies. L'action menée depuis de nombreuses années par des associations comme AIDES a prouvé son efficacité et sa complémentarité avec celle de l'Etat. Nous avons aussi un devoir impératif envers les pays du Sud sur la question du Sida et il est grand temps de l'assumer pleinement. Je défends l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, afin qu'elle soit non seulement un véritable outil de lutte contre la spéculation, mais aussi parce qu'elle permettrait dégager des ressources financières considérables qui pourraient être allouées vers des objectifs majeurs, tels que la lutte contre les urgences sociales et sanitaires ou contre les effets dévastateurs du changement climatique. Enfin, il me paraît clair que l’accès des populations des pays les plus pauvres aux traitements nécessite la liberté de production et de commercialisation des médicaments génériques.