Mariage gay : vivement les élections !

Publié par jfl-seronet le 07.02.2011
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mariageLGBT
"Décision n° 2010-92 QPC". C’est sous ce nom guilleret que le Conseil constitutionnel a indiqué (28 janvier) qu’il jugeait que les articles 75 et 144 du code civil qui interdisent le mariage de personnes de même sexe sont "conformes à la Constitution". Bref, les dragées ne sont pas pour tout de suite et il faudra attendre que le législateur change la loi pour ouvrir le mariage aux couples de même sexe.
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Mariage homo : qu’a dit le Conseil constitutionnel ?
C’était prévisible que le Conseil constitutionnel ne fasse pas la révolution. Il n’y a pas à dire… on n’est pas déçu. Saisi par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel devait indiquer si au regard de l’égalité de droit entre les citoyens, du respect de la Constitution, etc., deux articles du code civil interdisant le mariage aux couples de même sexe étaient ou non constitutionnels.
Le premier argument avancé par le couple (Corinne et Sophie) qui avait porté l’affaire en justice était que "l'interdiction du mariage entre personnes du même sexe [était] contraire à l'article 66 de la Constitution, à la liberté du mariage, au droit de mener une vie familiale normale et au principe d'égalité devant la loi". Le Conseil constitutionnel estime que si la liberté du mariage existe, celle-ci "n'interdit pas au législateur de définir les conditions pour pouvoir se marier dès lors que ces conditions ne sont pas contraires à d'autres exigences constitutionnelles, c'est-à-dire au droit de mener une vie familiale normale et au principe d'égalité". Et le Conseil de dérouler sa pelote, le droit de mener une vie familiale normale "n'implique pas que les couples de même sexe puissent se marier". En effet, ces "couples sont libres de vivre en concubinage ou de conclure un pacte civil de solidarité (PACS)."
Autre argument avancé, cette fois, c’est sur l’égalité. Si l’égalité existe et qu’elle est garantie par la Constitution, elle ne s’applique pas à tous les champs. Parfois, elle est même optionnelle. Cela donne avec les mots du Conseil constitutionnel : "S'agissant du principe d'égalité, le Conseil a jugé qu'en maintenant le principe selon lequel le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, le législateur a, dans l'exercice de sa compétence, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d'un homme et d'une femme pouvait justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille". Le Conseil avance qu’il ne lui "appartient pas (…) de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation". Autrement dit, si les homos ne sont pas contents il faut qu’ils demandent au législateur de changer la loi.

La décision fait des heureux

Et tac ! Trop heureuse de pouvoir faire la méchante, Christine Boutin (l’ex député de la majorité et madame anti-PaCS) ne cache pas sa joie. "Ceux qui ont pu penser obtenir satisfaction par la multiplication de petites procédures trouvent une réponse (…) le droit n’est pas l’objet de tel ou tel lobby". Heureuse également, la présidente du Front national, Marine Le Pen a exprimé (28 janvier) son opposition "totale" au mariage homosexuel, en trouvant "insensé" que ce soit le "Conseil constitutionnel qui décide", et "pas le peuple français". "Je suis totalement contre le mariage homosexuel et d'ailleurs, je pense que les homosexuels ne le réclament pas", a poursuivi la responsable d’extrême droite. A l’UMP, pas de réaction pour le moment : aucun communiqué de presse.

Y a des gens pas contents !
"Sans surprise aucune, les sages ont (…) pris un avis strictement politique à quelques encablures des prochaines élections présidentielles, ils ont déclaré l’interdiction du mariage aux couples de même sexe conforme à la Constitution et renvoyé au législateur la responsabilité de modifier la loi. Les derniers remparts finiront par s’ébranler sous les demandes répétées et légitimes des associations notamment, qui revendiquent l’égalité devant la loi", écrit le Centre LGBT Paris Ile-de-France (28 janvier). "La France, dans ce domaine comme tant d’autres, est en retard sur nombre de ses voisins européens. Ce n’est qu’une question de temps, les politiques finiront par comprendre qu’ils ont tout intérêt  à satisfaire le besoin de justice et d’égalité des citoyens", avance l’association. "Egalité des droits en France : la prochaine fois, le feu !", énonce Act Up-Paris (28 janvier). "Une fois de plus, le Conseil constitutionnel se débarrasse de la patate chaude en la renvoyant aux doryphores parlementaires", décline l’association dans un style très imagé. Pour Act Up-Paris : "La lâche position d’un Conseil de Sages Trouillards fait de la France la grande gueuse européenne de droits humains (….) S'il est désolant de voir le Conseil constitutionnel entériner une discrimination de fait qui perdure depuis bien trop longtemps, il est grand temps qu'enfin ce sujet fasse l'objet d'un véritable débat de société à l'instar de celui mené en 1999 à propos du Pacs : que les masques tombent". "Nos droits, nous irons les chercher avec les dents !", conclue Act Up-Paris, décidément très en verve. Tout comme le Centre LGBT Paris Ile-de-France, Hussein Bourgi, le président du Collectif contre l'homophobie (Montpellier) n’est "pas du tout surpris" par la position du Conseil constitutionnel. C’est "la logique politique et la sensibilité partisane" qui l'ont emporté "sur la logique juridique", estime t-il. "Cela me conforte dans l'idée qu'il va falloir que ces questions du mariage [homosexuel] et de l'adoption [par des couples gays] soient des questions centrales dans le débat politique qui aura lieu en 2012, à l'occasion de la présidentielle et des législatives", avance Hussein Bourgi.

A gauche… toutes ?
Le Parti socialiste a estimé (28 janvier) que la droite était "à nouveau renvoyée à ses responsabilités" après la décision du Conseil. Il demande à la majorité parlementaire "d'accepter enfin de faire évoluer notre législation". "Après l'avoir déjà fait en octobre 2010 à propos de l'homoparentalité, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le mariage des couples de même sexe, a de nouveau renvoyé le législateur à ses responsabilités", écrivent dans un communiqué les secrétaires nationaux socialistes Najat Vallaud Belkacem (société) et Jean-Patrick Gille (famille). Pour le PS, la décision du Conseil "indique clairement que la Constitution n'empêche pas le législateur de modifier la composition du mariage". "Or, toutes les propositions de loi des parlementaires socialistes destinées à ouvrir le mariage aux couples de même sexe et à protéger les droits des familles homoparentales ont été rejetées par la majorité parlementaire" C’est vrai, même si on peut regretter que le PS ait préféré créer le PaCS alors que c’était l’ouverture du mariage qui était alors demandée, mais c’est de l’histoire ancienne. Alors quoi pour l’avenir ? Eh bien, c’est clair si on en croit le communiqué du PS. Le parti "s'engage à reconnaître et à protéger l'ensemble des familles et à permettre à tous les citoyens d'accéder aux mêmes droits et aux mêmes responsabilités dès son retour aux responsabilités nationales". "Il est navrant de constater que sur les questions de l'homoparentalité et du mariage entre les personnes de même sexe, la loi française soit à ce point en retard par comparaison avec des pays comme l'Espagne, le Portugal, le Mexique et les pays du Nord de l'Europe", se désole le député PS Jack Lang. "Cette décision très regrettable entérine une inégalité devant la loi et ignore l'opinion favorable au mariage gay d'une majorité de Français", avance le PCF.  "La France conserve ainsi son bonnet d'âne en ce qui concerne l'accès au droit de se marier pour les personnes de même sexe, alors même que de nombreux pays en Europe ont remédié depuis longtemps à cette inégalité de droits".  Artisan historique du débat sur le mariage gay, le député Europe Ecologie Les Verts Noël Mamère juge "intéressante" cette décision car elle "ne ferme pas la porte à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe (…) elle renvoie à un débat législatif [qui] n'aura pas lieu avant les élections présidentielles".

Le mariage homo va-t-il battre la campagne ?
Ce n’est désormais un mystère pour personne, le mariage homo fera partie des grands sujets de société des prochaines campagnes électorales (présidentielle et législative) en 2012. Avocate des deux associations qui s’étaient jointes à la plainte déposée par le couple Corinne et Sophie, maître Caroline Mécary estime qu’il faudra probablement "attendre une alternance politique en 2012 pour espérer que les partis de gauche, qui se sont tous engagés pour l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe, initient une telle réforme". Avocat des deux femmes à l'origine de la saisie du Conseil constitutionnel, maître Emmanuel Ludot que "le conseil constitutionnel rappelle avec précision quels sont ses pouvoirs, qui sont en fait très limités, et dit que l'interdiction du mariage homosexuel ne peut être levée que par des politiques, c'est-à-dire par le Parlement". "Il faudrait éviter que cette décision, on ne la traîne comme un boulet pendant des années, alors que les autres pays avancent à grands pas, ajoute l’avocat interviewé par l’AFP. On est à douze mois de l'élection présidentielle grosso modo. Dans ces douze mois, qu'est ce qu'on va nous proposer pour le prochain quinquennat, à droite comme à gauche ?"
Cette perspective politique, nombreux sont les groupes qui entendent la saisir. C’est le cas d’Homosexualités et Socialisme (HES). "En 2012, chacun saura qui, parmi les candidats, s'engage à ouvrir le mariage aux couples de même sexe", souligne l’association dans un communiqué. De son côté, l'Association des Familles Homoparentales invite "chaque candidat à l'élection présidentielle de 2012 à se positionner clairement sur le sujet".
Cela a beau n’être qu’un sondage, il n’en demeure pas moins que c’est un élément important du débat et qu’il y a fort à parier qu’il sera pris en compte par les partis politiques. Plus de la moitié des Français (58 %) se disent favorables au mariage entre homosexuels, contre 35 % qui y sont opposés (sondage TNS Sofres réalisé pour Canal+). Cette proportion d’opinions favorables est en hausse au cours des dernières années : elle n’était que de 45 % en 2006, puis de 46 % en 2007, précise la TNS Sofres dans un communiqué. Parmi les soutiens les plus forts du mariage homo, les femmes (63 % d’opinions favorables), les moins de 35 ans (74 %) et les sympathisants de gauche (72 %).

Commentaires

Portrait de jean-rene

Tu écris JFL : "on peut regretter que le PS ait préféré créer le PaCS alors que c’était l’ouverture du mariage qui était alors demandée". Il faut quand même se rappeler que, quand le gouvernement Jospin a proposé sa loi sur le PACS à l'Assemblée Nationale, elle n'a pas pu être discutée car la majorité des élus socialistes s'étaient abstenus de venir, de peur que leurs électeurs leur reprochent d'avoir voté une loi contre l'opinion publique. Donc, à l'époque (en 1998 ?), même le PACS était une audace. On voit à quel point l'opinion publique a évolué en 13 ans grâce aux associations LGBT.
Portrait de romainparis

de rappeler que ce sont les assocs LGBT, ainsi que beaucoup de LGBT non militant, qui ne sont battus pour faire avancer la société, puisque leur combat - mon combat - a profité à l'ensemble de la société. Qu'en serait-il aujourd'hui sur le VIH par exemple si les LGBT ne s'étaient pas mobilisés dès le début ? Pour connaitre le contexte du PACS, notamment sur la Gauche, je conseille ce livre édifiant : Le rose et le noir, de Frédéric Martel. A l'époque, à l'instar de Actup et du CGL (centre gay et lesbien), j'étais contre le PACS mais pour le mariage, juste une histoire d'égalité des droits... toujours pas obtenue aujourd'hui, soit plus de dix ans après. En tant qu'Humain, en tant que citoyen, je n'accepte pas que l'on m'accorde des miettes d'humanité, parce que je ne suis pas un oiseau en cage qui se contente de picorer quelques graines négligemment jetées. Je ne ferais jamais aucune concession sur mon humanité.
Portrait de hugox

pour que cela change sur le mariage gay il faut le PS au pouvoir et c'est mal barré. Déjà pour que SARKO ne soit pas président il faudrait un de Villepin fort, s'il se présente vraiment, afin d'avoir un 2eme tour Lepen/candidat de gauche ( je ne crois pas à DSK). Ainsi le PS arriverait au pouvoir par défaut. D'ici là ...

En 2007 Ségolène aurait pu y arriver si les éléphants ne l'avaient pas planté.

Portrait de Doume29

Et surtout avoir un programme qui tienne la route!!!
Portrait de maestro

Qui aurait encore la naïveté de croire que le président de la république française est élu pour son "programme"?? A mon avis l'heureux élu, depuis Mitterrand, est celui qui réussit par une subtile "programmation", à bâtir une réelle idéologie dans la pensée du commun des français!!
Portrait de Doume29

De décisions qui devront être prises qui pourront éviter à notre pays d'être dans une totale déconfiture comme certains pays d'Europe.