Martine Billard cloue au pilori la "droitisation" du discours sur les étrangers malades

Publié par Mathieu Brancourt le 08.05.2011
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droit au séjour pour soins
Martine Billard, députée de la première circonscription de Paris et coprésidente du Parti de gauche était présente au rassemblement en l'hommage de Brahim Bouarram. Cet homme d'origine marocaine, qui fut lâchement jeté dans la Seine un 1er mai 1995 par des militants d’extrême droite. Sur le pont du Carrousel, l'une des députés les plus assidues et impliquées sur les questions sociales confie son "angoisse" face à la montée des extrêmes. Interview.
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Pourquoi avoir voulu être présente à ce rassemblement annuel du 1er mai ?
Tout d’abord, ce n’est pas la première fois que je viens, même si je ne viens pas tous les ans. Je viens d’abord rendre hommage à l’homme. Le jeune Brahim Bouarram a été assassiné par des militants frontistes, en provenance du cortège de leur manifestation annuelle. Mais je suis là également pour dénoncer, en cette année 2011, les discours racistes qui refleurissent de plus belle et qui sont repris par la classe politique "traditionnelle", le gouvernement et le Premier ministre. D’où l’importance de ce rassemblement unitaire pour dire stop, pour ne pas oublier Brahim Bouarram, ni toutes les personnes assassinées dans des crimes racistes. Comme le disait Jean-Pierre Dubois, au nom de la Ligue des Droits de l’Homme, c’est ensemble que nous devons nous opposer  à l’évolution d’un discours raciste, prônant la haine de l’autre, que sont en train de développer certaines classes politiques.


Comment réagissez-vous face au recul des différents droits sociaux, particulièrement pour les étrangers malades ?
 Cela fait plusieurs années que le gouvernement UMP essaye de revenir sur ces différents acquis sociaux, que ce soit sur l’aide médicale d’Etat (AME), ou les cartes de séjour pour les étrangers malades. Cette année malheureusement, ils y sont arrivés. Et cela malgré les batailles menées à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Malgré la Commission mixte paritaire de mercredi, le Sénat semble s’être couché et il est difficile d’être optimiste quant à la future décision de cette commission. C’est un véritable affichage idéologique, pour flatter l’aile raciste du pays. Ces politiques mettent en exergue une vision totalement raciste de l’étranger, malgré les avertissements sur les conséquences sanitaires de cet amendement. Si le gouvernement ne veut pas faire preuve d’altruisme, ce dernier pourrait au moins penser à l’efficacité ! En effet, si on amène un étranger à l’hôpital dans un état grave, faute d’accès aux soins préalable, il coutera plus cher de le soigner, sans compter le risque de contamination en cas de maladie contagieuse. Si la majorité n’est pas capable d’avoir une réaction d’être humain, le gouvernement pourrait au moins y penser. Face à cela, on peut redouter une sorte de bombe épidémiologique sur le territoire, avec des patients qui arriveront dans les hôpitaux dans un état bien plus grave. C’est donc idiot. Au niveau de l’accueil des étrangers malades, notamment à propos du VIH, on nous parle de la "disponibilité" d’un traitement dans les pays du sud, alors qu’il faudrait voir leur accessibilité concrète. On sait que pour l’instant ils sont, dans la majorité de ces pays, réservés à une certaine élite. On se doit donc d’accueillir ces étrangers. Il ne faut pas exagérer, nous sommes un des pays les plus riches du monde et ayant profité de leurs ressources pendant plus d’un siècle ! On peut alors avoir des gestes d’humanité et permettre à ces personnes de venir se faire soigner dans de bonnes conditions.


Pourquoi parler de "xénophobie d’Etat" ?
Il y a deux choses à bien voir. Même si certains mènent ces politiques par opportunisme politique, on peut constater que d’autre portent ces idées par conviction. C’est d’autant plus inquiétant de la part de certains ministres ou parlementaires. Ils adhèrent totalement au fond nauséabond de ces velléités politiques. C’est donc une vraie "lepénisation", comme disait Robert Badinter (sénateur et ancien ministre, ndlr), de la droite, de l’UMP, de ce qui s’appelait la droite française populaire… Après l’assassinat de Brahim, il y avait eu une évolution positive des mentalités et aujourd’hui nous sommes dans une régression très nette, depuis l’arrivée de la droite en 2002. Cette dernière fait peur, tant par la contagion au niveau des politiques que par son caractère européen. On voit le parti des "vrais Finlandais". Imaginez-vous un parti des "vrais Français" ? Quelle horreur !! Après les Roms, les Polacks et les Juifs, les étrangers sont les nouvelles victimes de la politique du bouc-émissaire. Comme un relent des années 30, assez inquiétant.

Que proposera le Front de Gauche en réaction à ces restrictions ?
Pour les prochaines échéances électorales, la gauche compte réagir sur ce qui est aujourd’hui avancé par la droite. Ce sont des lois inadmissibles et racistes, sur lesquelles nous reviendrons évidemment.

Propos recueillis par Mathieu Brancourt